Chassez le naturel, il revient au galop, dit le proverbe. Voilà bien un adage qui va, à ravir, à l’homme politique malien. A l’issue d’une présidentielle qui aura battu tous les records en terme d’achats de conscience, sans parler des innombrables irrégularités qui l’ont émaillés, le citoyen lambda se sent trahi par une élite. Celle-là étant beaucoup plus préoccupée par la conquête et l’exercice du pouvoir à son seul profit que par les réelles préoccupations du pays. Le pire est que cette élite est bien aidée dans son horrible besogne par une bonne partie des électeurs assoiffés d’un billet clinquant de Franc CFA que du devenir du pays.
De mémoire de Malien, jamais autant de milliards de nos franc auront été distribués lors une élection présidentielle. Des milliards qui auraient pu servir un pays aussi démuni que le nôtre, surtout après tant d’années de convalescence dues à la crise multidimensionnelle de 2012. A titre d’exemple, alors que, tour à tour, les deux principaux favoris tenaient leurs meetings au Stade du 26 mars de Bamako, à seulement quelques kilomètres à la ronde, des milliers de familles se noient dans la misère. Une question vient donc tarauder l’esprit du Malien lambda : D’où viennent ces sommes faramineuses d’argent alors que le pays en a cruellement besoin pour sortir de la conjoncture ? Une question évidente qui appelle une réponse qui l’est tout autant : des caisses de l’Etat bien sûr. Ainsi donc sont les présidentielles en République du Mali. Elles se ressemblent toutes, à une différence près : le capital investi pour l’achat des consciences des électeurs ne fait que grandir.
Avec un ton amusé, dans les « grins » et sur les réseaux sociaux, l’on use des métaphores fort inspirées, quoique méprisant à l’égard de l’électeur malien. Ainsi, il était fréquent d’entendre dans les causeries que l’électeur malien vaut moins cher que le poulet rôti, car le premier ne valait que 2000 F CFA quand le second coûte 4000. Un autre commentaire beaucoup plus sarcastique : l’électeur malien est semblable à un chien qui aboie jusqu’à l’obtention d’un morceau de viande. Frustrant, insultant même, mais très proche de la vérité, tout de même.
Un autre adage trouve donc écho dans la présidentielle malienne : « tout peuple mérite les dirigeants politiques qui le gouvernent ». Car, les politiques sont loin d’être les seuls coupables dans cette histoire. Dans les faits, ils ne font que s’adapter à l’exigence populaire dans une période électorale au Mali. Une exigence, il faut bien le souligner, instituée par cette soi-disant élite.
Sans être naïf, les règles de la bienséance démocratique seraient tellement mieux respectées si tous les candidats refusaient de s’adonner à l’achat de conscience ; ou encore si, ne serait-ce que les trois quarts des électeurs refusaient de monnayer leurs voix. Mais, la misère morale est telle que, tenir de tels propos en public relèverait d’un mauvais film dont le titre pourrait être : « Beau discours devant une assemblée de sourds ». L’élite politique, qui d’ailleurs s’est engagé à travers un code de bonne conduite à bannir, entre autres, toutes formes de fraude, profite de la pauvreté des modestes gens pour brasser des voix.
Changement ou alternance, ces termes chers au Malien moyen, soucieux du devenir de son pays, n’ont point trouvé d’écho dans ce contexte dominé par le diktat de l’argent.
Ahmed M. Thiam