Mauvaise qualité de l’eau, risque de flambée du prix du riz, risque de déplacement des populations du Delta intérieur du fleuve Niger vers les Régions du Sud, rareté du poisson, mort en grand nombre du cheptel. Voici, entre autres, les conséquences qui risquent de découler de la faible pluviométrie de l’année 2017 et du dragage pratiqué par les « chercheurs » d’Or.
Le Combat: Nous constatons une décrue très rapide du fleuve Niger. Quelles en sont les causes ?
L’hivernage 2017 a été caractérisé par une faible pluviométrie inégalement répartie dans le temps et dans l’espace. Nous avons commencé à enregistrer le niveau de la montée des eaux en juillet et à partir de la deuxième décade du mois de septembre, nous avons commencé à enregistrer le retrait des eaux alors que, d’habitude, il commence vers fin novembre début décembre. Nous avons eu une décrue très précoce. Donc, pour cette saison, tout le long de la vallée des fleuves Sénégal et Niger, il n’y a pas eu assez de pluies ; d’où, ce faible taux d’écoulement.
En dehors de la faible pluviométrie y a-t-il d’autres causes ?
En dehors de la pluviométrie, nous assistons à un phénomène nouveau. Il s’agit de l’utilisation des dragues pour l’exploitation artisanale de l’Or. Ces dragues, pendant leurs activés, dégagent assez de sédiments qui comblent le lit du fleuve. Ce qui empêche le fleuve à se frayer un chemin. Cela contribue à un tarissement rapide du fleuve. Au cours de leurs activités, il est utilisé le cyanure et le mercure, des produits qui contribuent beaucoup à la dégradation de la qualité de l’eau. Tout récemment, nous avons tenu une réunion d’information avec le Conseil national de l’eau, c’est un organe consultatif mis en place depuis 2002 pour mener des campagnes des plaidoyers auprès de l’ensemble des acteurs pour sauvegarder le fleuve particulièrement chaque année.
À quoi doivent s’attendre les populations cette année ?
Nous avons constaté que le niveau de cette année est inférieur à ceux de 2016 et 2015. Nous avons passé en revue les données statistiques des trente dernières années (1981- 2010), le niveau d’eau de 2017 est inférieur à la normale qui correspond à cette période. Nous avons constaté qu’il y avait une année particulière, il s’agit de l’année 1984, une année de sècheresse. L’année 2017 est très proche de cette année ; c’est dire que les impacts sont très importants et très énormes. En ce qui concerne l’eau potable, vous savez que la plupart des populations riveraines situées le long de ces deux vallées utilisent cette eau comme boisson. Puisqu’il n’y en a pas assez, la lenteur de l’eau à se débarrasser des produits chimiques utilisés joue sur sa qualité. Au niveau des paysans, chaque année, pendant la période sèche, ils pratiquent les cultures de contre-saison. Cette année, comme il n’a pas beaucoup plu, les paysans voulaient avoir une compensation pendant cette période. Mais puisqu’il n’y a pas eu beaucoup d’eau dans le fleuve, les superficies ont été revues à la baisse, il n’a pas été possible de faire des cultures de contre-saison en riz, par exemple ; car, elle demande beaucoup d’eau. Cependant, il faut noter qu’il y a eu des cultures de contresaison concernant la pomme de terre, l’oignon et la tomate. Les paysans que nous avons pu approcher nous ont affirmé que les récoltes ont été bonnes. Mais vous savez que la base alimentaire au Mali c’est le riz.
Donc, du fait qu’il n’y a pas eu de cultures de contre-saison pour le riz, cela pourrait entrainer une flambée des prix de cette denrée céréalière. Autre conséquence, c’est par rapport à l’élevage. En 1984, nous avons perdu beaucoup de cheptel; cela risque d’être le cas cette année encore. Et il en est de même pour la pêche. Puisqu’il n’y a pas assez d’eau dans le Delta intérieur du Niger, on risque d’assister à un déplacement de populations vers le Sud.
Il y a également l’électricité. Mais le Gouvernement a pris des mesures qui consistent à importer l’électricité des pays voisins à travers l’interconnexion.
Propos recueillis par Mohamed Sangoulé DAGNOKO