De l’avènement de la démocratie à nos jours, c’est-à-dire depuis la IIIe République, les différents régimes ont mis en place des instruments de lutte contre la corruption. Ces lois et institutions ont- elles été efficaces contre ce fléau endémique ?
Il faut rappeler que sous la dictature, il fallait détourner 10 millions pour être condamné à mort. Mais avec l’avènement de la démocratie, ce processus a été stoppé sous la IIIe République par l’Ordonnance N°91-068/P-CTSP du 1er octobre 1991 portant abrogation des lois portant création de la Cour Spéciale de Sûreté de l’Etat et de la Commission Spéciale d’enquêtes sur les crimes d’enrichissement illicite et de corruption. Cependant, au cours de la transition, le Contrôle Général d’Etat a été transformé en Département ministériel et l’on a vu la nomination des premiers Responsables des entreprises publiques suite à des appels à concurrence.
« Kokadjè » comme mode de lutte contre la corruption sous Alpha Oumar Konaré
Le régime d’Alpha Oumar Konaré se réveillera avec l’évaluation du programme national par la Banque Mondiale.
Le rapport des Experts de la Banque Mondiale sollicités en 1995, sur l’état de la corruption au Mali et les « manques à gagner » pour le Budget national pour constater que le « Kokadjè » qu’il avait promis avait plutôt donné lieu au plus grand festin de détournements et d’enrichissements illicites que certains ont même osé nommer « le festival des brigands », sous ses 5 premières années de gouvernance, concrétisé par les quartiers ACI qui continuent à traduire le mieux les propriétés immobilières issues du blanchiment des fonds publics.
Aussi, ce régime se verra-t-il dans l’obligation de prendre le phénomène à bras le corps par des textes qui donneront les résultats mitigés que nous connaissons : Loi N°98-012 du 19 janvier 19998, régissant les relations entre l’Administration et les usagers du Service Public. décret N°99-0324/P-RM du 08 Octobre 1999 portant création d’une commission ad hoc chargée de l’Etude des Rapports de contrôle de l’administration, décret N°590/P-RM du 28 Novembre 2001 portant création de la Cellule d’Appui aux Structures de Contrôle de l’Administration (CASCA) ; décret N°02-310/P-RM du 04 Juin 2002 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement du Pôle économique et financier créé par la loi N°01-080 du 20 Août 2001 portant Code de Procédure Pénale ;
L’ordonnance 0057/P-RM du 28 Septembre 2000 portant création de l’Inspection des Services Judiciaires, ratifiée par la loi du 30 Novembre 2001.Loi N° 01-079 du 20 aout 2001 portant Code pénal, avec la création de nouvelles infractions, notamment les atteintes à la réglementation des marchés publics, le trafic d’influence, les fraudes aux examens et concours, La restructuration et la création d’inspections ministérielles et la création du contrôle général des services publics.
La création du Bureau de Vérificateur Général par la loi n° 03-30 du 25 août 2003
A l’arrivée du Président Amadou Toumani Touré, le Conseil des Ministres du 18 septembre 2002 examinait un Rapport relatif au renforcement du programme anti-corruption au Mali, dressé par un Comité Ad hoc de 30 membres représentant l’Administration, le Secteur privé et la Société civile et réuni du 8 au 13 août 2002, dans le but de poursuivre de la volonté de lutte contre la corruption et la délinquance financière. Une des principales innovations du régime, dans la lutte contre la corruption est sans conteste, la création du bureau de vérificateur général par la loi N° 03-30 du 25 aout 2003, modifiée par la Loi N°2012-009 du 08 février 2012. C’est dans cette suite que le Premier Ministre, Modibo Sidibé, a signé le décret n°08-304/PM-RM du 28 mai 2008 portant création, organisation et modalités de fonctionnement du comité préparatoire des Etats Généraux sur la corruption et la délinquance financière et procédé à la nomination de ses membres par le décret N°08-316/PM-RM le 03 juin 2008 ;
Tenue des Etats Généraux sur la corruption et la délinquance financière du 25 au 28 novembre 2008, ont abouti à 104 mesures adoptées par les représentants (dans les 8 régions et le District de Bamako) de la société civile, des organisations socioprofessionnelles, du secteur privé, des administrations d’État, des partis politiques.
Ces recommandations assorties de propositions de mécanisme de suivi-évaluation ont été remises au Premier Ministre en décembre 2008. Les 104 recommandations comprennent «l’élaboration et l’application stricte des lois et règlements sur l’enrichissement illicite » et l’instauration d’une semaine Nationale de lutte contre la corruption ;
La loi n°08-023 du 23 juillet 2008, relative à l’Autorité de régulation des marchés publics et délégation de service public ;
La loi n°06-066 du 29 décembre 2006, instituant la Cellule nationale de traitement des informations financières ;
La loi n°2013-031 du 23 juillet 2013 portant approbation du Code de Transparence dans la Gestion des Finances Publiques transposant la Directive n°01/2009/CM/UEMOA du 27 mars 2009 portant Code de Transparence dans la Gestion des Finances Publiques au sein de l’UEMOA.
Ainsi, sous la transition, le Gouvernement, à travers le Ministre de la justice, Malick Coulibaly initie la nouvelle loi qui ne sera finalement adoptée qu’en 2014, sous Ibrahim Boubacar Kéïta, avec ses amendements.
La loi N°2014-015 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite du 27 mai 2014 Sous Ibrahim Boubacar Kéïta
Le dispositif nouveau de lutte contre le phénomène a pris corps avec la loi n°2014-015 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite du 27 mai 2014. Ainsi, l’année 2014 est déclarée « année de lutte contre la corruption » pauvre en résultat, et finalement passée année des présumés détournements à la pelle avec le scandale de l’avion présidentiel et des équipements militaires.
Décret n°2014-0764/P-RM fixant le régime des marchés de travaux, fournitures et services exclus du champ d’application du décret N°08-485/P-RM du 11 aout 2008 portant procédures de passation, d’exécution et de règlement des marchés publics et des délégations de Service public. On peut affirmer, sans nul doute, que le pays venait de monter la charpente qui manquait jusqu’alors au dispositif de lutte contre la corruption et la délinquance financière. Adhésion aux instruments internationaux :La Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption (Convention de Mérida), adoptée par son Assemblée Générale le 31 octobre 2003, ratifiée par la loi n°05-043 du 02 avril 2005, Le Protocole de la CEDEAO sur la lutte contre la corruption, adopté à Dakar, le 21 décembre 2001 et ratifié le 20 décembre 2002. Son article 7.1, notamment demande aux Etats parties d’ «exiger que tous les agents publics ou ceux qui sont désignés déclarent leurs biens lors de leur prise de fonctions, ainsi que pendant et à la fin de leur mandat» ; Il prévoit la lutte contre l’enrichissement illicite, La Convention de L’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, adoptée à sa deuxième session ordinaire de l’assemblée Générale, le 11 juillet 2003 à Maputo (Mozambique) et ratifiée par l’Ordonnance N° 07-090/PR du 04 mars 2005,la Charte de la plateforme judiciaire régionale des 4 pays du sahel (Mali, Burkina Faso, Niger et Mauritanie) qui se sont réunis à Bamako, du 22 au 24 juin 2010, à travers leur Ministre de la justice, avec le soutien de l’Office des nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) Elle vise le renforcement de la coopération judiciaire en matière pénale entre les Etats du Sahel, notamment par la nomination de points focaux chargés de la coordination des demande d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale.
Abdoulaye Faman Coulibaly : LE COMBAT