Au-delà des dons symboliques accompagnés sur fond de cérémonies folklores, des discours politiques fanatiques, les veuves et orphelins des militaires méritent mieux. Ne serait-ce que pour motiver et rassurer les soldats en activité afin qu’ils se sacrifier davantage pour sa mission de guerrier. Ce, en cette époque d’insécurité criarde qui secoue la survie de l’intégrité territoriale du Mali. Malheureusement, le constat est amer. Les familles des militaires disparus broient du noir. La commémoration du 8 mars est une des meilleures occasions de mettre l’accent sur la marginalisation de ces veuves.
Le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, affirme à qui veut l’entendre que l’amélioration des conditions de vie des militaires et de leurs familles occupe une place prioritaire dans son programme quinquennal.
«L’amélioration des conditions de vie des soldats et de leurs familles demeure une de mes préoccupations constantes. C’est pourquoi des innovations substantielles ont été introduites dans le Statut général des militaires. Il s’agit, notamment, de l’instauration de l’indemnité compensatrice de logements, du changement de grille indiciaire, de l’instauration d’un cadre formel de gestion des militaires décédés au combat ou en service commandé, des veuves et orphelins de guerre,… », se ventait le Président de la République à l’occasion du 56e anniversaire de l’armée malienne. Et de souligner que «c’est pourquoi, en attendant l’opérationnalisation du statut des pupilles de la Nation, j’ai instruit au Ministre de la Défense et des Anciens Combattants et au Ministre de la Solidarité et de l’Action Humanitaire de mettre en place dès le mois de février un dispositif d’accompagnement social des familles des militaires et des forces de sécurité».
Mirage !
Ces déclarations ne sont que de mirage si l’on se réfère au quotidien des veuves et orphelins des militaires maliens. En tout cas, jusqu’au moment où nous mettions sous presse, ces femmes et enfants des braves soldats mènent une vie qui laisse à désirer.
Contrairement au discours du Président IBK, la réalité est tout autre sur le terrain. Les femmes des soldats décédés sur le champ de l’honneur ne connaissent aucune révision à la hausse de leurs conditions de vie.
En revanche, ces familles ne sont plus acceptées dans les casernes militaires au-delà d’une année après le décès de leurs maris et pères militaires. Qu’il soit mort de mort naturelle ou sur le front, le soldat laisse derrière lui sa famille dans des conditions plus que déplorables.
« J’ai perdu mon mari au grand Nord du Mali. Il était conducteur d’un engin lourd de l’armée. Nous avons appris que son engin a sauté sur une mine. Pas question d’espérer de voir son corps. Après cinq mois de sa mort, nous avons vécu toutes les peines du monde. On ne bénéficié aucun accompagnement de l’Etat après la maigre pension alimentaire mensuelle. Pourtant, j’ai cinq enfants à prendre en charge», explique Fatoumata Diakité, une veuve d’un militaire qui habite à Kati. Une autre vivante à Bamako raconte son cas. Elle s’appelle Awa Sissoko. Cette dernière vit pour le moment dans un camp militaire dont nous taisons le nom. Contrairement à la première, Awa habite dans une « Bougoussoni » (maison en banco construite par elle-même dans les enceintes du camp) d’une caserne de la capitale. C’est-à-dire, elle ne paie pas la location ni l’électricité. Cependant, elle révèle que Dieu sait ce qu’elle fait pour pouvoir joindre les deux bouts pour scolariser ses enfants.
Comme pour confirmer que l’opérationnalisation ou la mise en œuvre annoncée des pupilles de la Nation n’est que de la poudre aux yeux.
Par ailleurs, dénonce Oumou Coulibaly, veuve d’un autre soldat malien : «J’ai fait plus d’un an des va-et-vient pour pouvoir obtenir les dossiers et avoir accès à la pension de mon défunt mari. Je n’ai eu aucune facilité».
«Quelques mois seulement après le décès de nos maris, ils nous évacuent du camp alors que la plupart d’entre nous sommes des polygames et on a du mal à trouver des logements pour les enfants», a déploré la Présidente de la Fédération nationale des veuves du Mali, Mme Kéïta Djénéba Kéïta.
La grande muette au service social des armées
Nos tentatives ont été vaines pour avoir le service social des armées sur la situation. Ladite structure a pour mission, notamment, d’assurer la mise en œuvre des éléments de la politique des forces armées en matière de solidarité, protection et promotion sociale des militaires et leurs familles ; de mettre en œuvre et évaluer les stratégies et actions de solidarité, protection et promotion sociale des militaires et leurs familles et d’assurer la formation et la reconversion des militaires partant à la retraite.
Ce service social nous a envoyé sur une piste inaccessible. C’est-à-dire, d’aller chercher l’autorisation du Ministère de la Défense et des Anciens Combattants pour avoir un entretien sur le sujet.
Ce qui est sûr, comme le soutiennent certains observateurs avertis, c’est qu’aucune des déclarations de bonnes intentions en faveur des pilles de la Nation encore moins dans le domaine des logements sociaux pour les orphelins et veuves des soldats du Mali n’est encore en phase d’exécution. Cependant, faut-il noter que ce service brille seulement à travers le partage des dons que certaines associations et autres organisations de bienfaisance mobilisent en faveur des veuves et enfants des militaires maliens. En dehors de ceux offerts par certains pays partenaires comme la France, estiment certaines personnes, la plus part de ces offrandes sont d’ailleurs faits pour des fins inavouées. Du moins, si l’on se réfère à des tapages médiatiques qui s’orchestrent autour de ces actes.
Ce jour de 8 mars, les femmes leaders et responsables des associations et organisations féminines doivent avoir une pensée sensible pour leurs sœurs, les épouses et filles des militaires morts sur le front, qui vivent dans des mauvaises conditions. Tout comme ces veuves et orphelins, d’autres femmes ne se sentent pas aussi concernées de la célébration de cette journée de 8 mars, journée internationale de la femme ; car, elles trouvent qu’il y a trop d’actes de discrimination entre les femmes elles mêmes.
Oumar Diakité: LE COMBAT