Depuis 78 jours, les Magistrats maliens sont en grève. Ils revendiquent la revalorisation de leur salaire. Un salaire qui vient d’ailleurs d’être suspendu par le Gouvernement jusqu’à nouvel ordre.
Le bras de fer entre l’Exécutif et le Judicaire vient de prendre une nouvelle tournure. Face à l’intransigeance des Magistrats, le Gouvernement a décidé de suspendre leurs salaires. Si cette menace avait poussé les Magistrats à étaler dans la presse la fameuse affaire de plus de 3 milliards de francs CFA détournés par le Gouvernement, il faut dire qu’on est passé de menace à l’acte. Et, pourtant, ce que les Magistrats réclament ce n’est pas de la mer à boire. La preuve, l’ex-Ministre de la Justice, Mamadou Ismaël Konaté, avait pris l’engagement en 2014 de les satisfaire. Mais les Magistrats sont aujourd’hui au regret d’entendre le Gouvernement dire que cet engagement pris par un Ministre «n’engage que sa seule personne». Suffisant pour que le secrétaire Général du Syndicat Autonome de la Magistrature, Mamadou Kassogué, se demande si réellement nous sommes dans un État dont l’une des caractéristiques est la «continuité».
Les Magistrats demandent à ce qu’ils soient mieux sécurisés dans le Centre et le Nord du pays. Une doléance tellement légitime qu’un des leurs se trouve encore aux mains des terroristes. Faut-il faire tout un dessin pour démontrer à ceux qui nous dirigent qu’un État sans Justice n’en est pas un ? Le Mali, depuis plus 78 jours, est un semblant d’État avec des Dirigeants plus préoccupés à régler les querelles de clocher de qui doit figurer ou pas sur les listes électorales des législatives à venir. On l’aura compris. Le souci, ce sont les élections et, plus tard voire peut-être le Peuple. Et pourtant, c’est le Peuple qui élit. La comédie à la malienne n’a pas de limite décidément.
Magistrats opposants ?
Dans ce combat pour revendiquer leurs droits, les Magistrats ont reçu le soutien de l’opposition. Soumaïla Cissé a rencontré les Syndicalistes pour leur témoigner tout son soutien. Cette rencontre a servi de prétexte pour dire que les Magistrats étaient téléguidés par la main de l’opposition et, plus particulièrement, de Soumaïla Cissé. Hady Macky Sall, Président du Syndicat Libre de la Magistrature (SYLIMA) fera savoir que leur combat a commencé bien avant les élections. «Les négociations ont commencé en 2014. De cette date à ce jour, beaucoup d’événements politiques se sont passés. La Justice n’a pas d’agenda encore moins un calendrier politique. Notre seul calendrier est celui de nos revendications», clame-t-il haut et fort.
Le silence coupable
Face à la détresse des populations en manque de justice, le Gouvernement ne communique que par des déclarations intempestives et laconiques. Rien de consistant ou objectif pour fixer le citoyen sur ce qui est pour lui des droits fondamentaux notamment : La justice et la liberté !
En effet, nombreux sont aujourd’hui ces citoyens à croupir dans les prisons et dans les violons des Commissariats de police après avoir épuisé leurs peines etleurs délais de détention provisoire. Qu’ont-ils fait pour subir ce mépris de la part d’un État qui s’empiffre pourtant de leurs impôts ?
Au niveau du Tribunal de la Commune V où nous nous sommes rendus pour interroger le Procureur sur les mesures envisagées, il ne nous a même pas été donné l’occasion de le rencontrer. De son Bureau, il nous a fait transmettre qu’il ne parlera pas jusqu’à nouvel ordre. Oui, le sort des Maliens est suspendu aux humeurs et aux bons vouloirs de ceux qu’ils ont désignés pour les gouverner. Le Premier Ministre, selon certaines sources, aurait décidé de « réquisitionner » les Magistrats. C’est dire les prendre et les faire travailler de force.
Excédées, les populations appellent les parties à la discussion pour sortir le pays de cette impasse. Si elles sont nombreuses à accuser l’Etat, bien d’autres pensent que les Magistrats en agissant de la sorte montrent, eux aussi, leur peu d’égard vis-à-vis des Droits de l’Homme qu’ils sont pourtant censés défendre.
À ce jour, pas moins de 18 préavis de grèves sont sur la table du Gouvernement. Vous avez dit début de second quinquennat difficile ? Et bien, c’est le lieu de le dire.
Mohamed Sangoulé DAGNOKO : LE COMBAT