L’éléphant annoncé est arrivé avec un pied cassé, affirment beaucoup d’observateurs de la scène politique malienne. Attendu pour être un véritable toilettage à un moment où le Mali vient d’obtenir le renouvellement du mandat de la MINUSMA qui semble plus robuste. Avec un effectif colossal de 34 membres contre 32 dans le précédent, le nouveau gouvernement semble plus budgétivore que jamais avec seulement 7 départs et 9 nouveaux rentrants. Les seuls faits nouveaux sont l’entrée dans le gouvernement des groupes armés signataires de l’Accord et celle des présidents des grands partis politiques de la Mouvance Présidentielle pour compléter la liste à 6 sevrant ainsi les partis de leurs premiers responsables. Que cache cette nomination des présidents de partis dans le gouvernement ? Quels en sont les avantages et les inconvénients d’une telle option à quelques deux ans des effervescences électorales de 2018 ? A quand alors le véritable remaniement ?
C’est le jeudi 07 Juillet 2016 que le secrétaire général de la présidence de la République a rendu publique la composition du 5ème gouvernement IBK seulement en l’espace de 3 ans d’exercice du pouvoir. IBK bat ainsi le record d’instabilité gouvernementale en République du Mali de l’indépendance à nos jours. Trois constats se dégagent à l’analyse de ce nouveau gouvernement.
Le premier constat, c’est le départ de 7 ministres que sont les ministres RPM, Mamadou Frankaly Keita de l’énergie et de l’eau et Mamadou Hachim Koumaré des équipements et des transports. Le président du MPR, Choguel Kokalla Maiga de l’économie numérique, de la Communication porte-parole du gouvernement et les ministres ADEMA, Dramane Dembélé de l’Urbanisme et de l’Habitat et Cheichna Sidy Hamady Diawara des mines. Mme Sanogo Aminata Mallé de la justice et Zahabi Ould sidi Mohamed de la Réconciliation Nationale.
Le deuxième constat, c’est bien sûr l’entrée dans le gouvernement des ex mouvements rebelles signataires de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation Nationale dont les plus caciques sont Nina Walett Intallou de la CMA, précédemment membre de la CVJR, comme ministre de l’Artisanat et du Tourisme. Tandis que Sambel Bana Diallo de la Plateforme et de l’APR est reconduit à l’Aménagement du Territoire et de la Population et Mohamed El Moctar qui fait son retour dans le gouvernement à la Réconciliation nationale.
Le troisième constat, c’est la présence renforcée des chefs des principaux partis de la Majorité qui sont au nombre de 6 contre 5 dans l’ancien gouvernement. Il s’agit de Tiéman Hubert Coulibaly de l’UDD, ministre de la Défense et des anciens combattants, du Pr. Tiémoko Sangaré de l’ADEMA, comme ministre des mines, de Konimba Sidibé du MODEC, au ministère de la Promotion de l’Investissement et du Secteur privé, de Me. Mountaga Tall du CNID Faso Yiriwa Ton au ministère de l’Economie numérique et de la Communication, Porte-parole du gouvernement, de Housseini Amion Guindo de la CODEM comme Ministre des Sports et enfin de Amadou Koïta du PS YELEN Kura comme ministre de la Jeunesse et de la Construction Citoyenne.
En renforçant ainsi la présence des chefs des partis dans le gouvernement, le Président IBK serait déjà dans la logique des élections présidentielles de 2018. Par cette option, il a voulu donner un signal fort à la CMP pour qu’elle siffle le grand rassemblement autour de sa candidature probable pour un second mandat. Y réussira-t-il ? Pas très sûr. Premier inconvénient, en sevrant les partis de leurs présidents cela jouerait forcement sur leurs activités et risqueraient d’éloigner les militants à la base de leurs responsables dans le cas où ces chefs de parti travailleraient plus pour le gouvernement que pour leurs formations politiques respectives. Le second inconvénient est l’inimitié qu’un ministre président de parti peut se faire en n’étant pas capable de satisfaire à toutes les demandes pressantes des militants et des cadres du parti dont chacun voudrait qu’il occupe tel ou tel poste du nouveau département. Les frustrés des nouvelles nominations du ministre président pourraient compliquer demain, non seulement la mobilisation des militants du parti, mais aussi et surtout risqueraient d’être la locomotive des laisser pour compte à même de se faire entendre par un vote sanction contre le choix de leurs présidents de partis. Le troisième inconvénient, est la politisation à outrance de l’administration. Il est à craindre que chaque président de parti ne fasse en sorte que leurs cadres bons ou mauvais soient promus pour non seulement financer le parti, mais aussi entretenir les nombreux militants qui rodent autour du premier responsable. On sacrifiera forcément donc la qualité sur l’Autel des intérêts partisans. L’autre inquiétude qu’on ne peut s’empêcher de relever est la question de savoir si oui ou non les représentants des ex mouvements rebelles ont-ils la légitimité de leurs bases ? Leur rentrée réussira-t-elle à éteindre le feu des revendications de leurs mouvements ?
Le seul avantage à notre avis, c’est que la rentrée des chefs de partis peut permettre de rassembler autour du Chef d’Etat, d’éteindre l’incendie du mécontentement au sein de la majorité pour n’ouvrir qu’un seul front, celui contre l’Opposition.
Youssouf Sissoko