Selon l’annonce faite par la France, la semaine prochaine, Emmanuel Macron devrait préciser si son pays quittera militairement le Mali. Sa décision sera lourde de conséquences. L’armée française planifie déjà son retrait. Bamako ne démord pas. Le Premier ministre, Choguel K. Maïga a encore laissé entendre que Takuba divise le Mali.
Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, a indiqué hier jeudi 10 février 2022 que la décision concernant la manière dont serait adaptée la présence de la France au Mali serait prise « d’ici quelques semaines ». « Nous étudions cette adaptation avec nos partenaires et je pense que dans quelque temps ça sera abouti, je ne dis pas quelques jours, je dis quelques semaines », s’est-il exprimé sur France inter.
Cependant, des signes montrent que la France est sur le point de se retirer du Mali. Un retrait du Mali qui semble inéluctable. Indiscutablement, la France a finalement atteint ce moment délicat où il faudra admettre ce qui suffit et se retirer, comme l’écrivait l’historien militaire, Michel Goya dès 2013.
Emmanuel Macron avait déjà annoncé en novembre 2019 qu’il serait appelé prochainement à repréciser le rôle de Barkhane au Sahel et à confirmer et conforter l’engagement dans la région.
Puis le 10 juin 2021, il avait déclaré qu’à l’issue de consultations, ils amorceront une transformation profonde de leur présence militaire au Sahel. Il a même annoncé lors d’une conférence de presse la fin de l’opération Barkhane en tant qu’opération extérieure.
Cette transformation s’était concrétisée par le retrait des forces françaises de Tessalit, Kidal et Tombouctou, et par l’annonce d’une réduction des effectifs qui devraient se situer sous la barre des 3 000 militaires à l’été 2023.
Les choses sont allées plus vite
La dégradation des relations entre Paris et Bamako, l’expulsion de l’ambassadeur Meyer, l’intrusion des Russes (quel que soit leur statut) et une situation sécuritaire toujours précaire font que le fameux retrait du Mali va s’accélérer.
Emmanuel Macron pourrait l’annoncer lors du sommet réunissant les dirigeants de l’Union européenne et de l’Union africaine qui se tiendra les 17 et 18 février 2022. En tout cas, à défaut de coup de grâce, le chef de l’État sonnera le glas à la fois de l’opération Barkhane et de Takuba que le nouveau régime malien ne cesse de critiquer et d’accuser de visées néocolonialistes.
D’un côté, la mission des Casques bleus effectivement ne va pas s’en trouver facilitée si la France retire son dispositif. En outre, la force onusienne risque de devenir le nouveau bouc émissaire du Mali. Et puisqu’il faut tout planifier, même le pire et l’inimaginable, on devine bien que le temps des casse-têtes est arrivé. Il est temps, et Macron devra répondre à ces questions multiples et il n’est pas certain que le président y réponde lors du sommet des 17 et 18.
De toute évidence, si la France quitte le Mali, elle reste au Sahel. Car elle a encore un rôle à jouer dans le cadre de la lutte antiterroriste. « Le combat contre le terrorisme se poursuivra au Sahel, avec l’accord des autres pays de la région et le soutien des pays du golfe de Guinée », a récemment assuré le ministre des Affaires étrangères français Jean-Yves Le Drian.
En revanche, les opérations de combat pourraient continuer en se limitant à des opérations aériennes : ISR, soutien et ravitaillement et frappes air-sol (au moins 75 % des pertes des Groupes Armés Terroristes sont provoquées par ce type de frappes françaises). Les opérations de réassurance pourraient également se poursuivre puisque majoritairement effectuées par des aéronefs basés à Niamey, au Niger.
Dans cette posture, la France doit se relocaliser, mais où ? L’éventuel dispositif français au Sahel va devoir trouver une délocalisation entre la Mauritanie qui semble trop loin, dans la zone des trois frontières, le Tchad, le Burkina Faso ou le Niger. Dakar et Abidjan ne sont pas exclus des éventuelles relocalisations de Barkhane.
La fronde antifrançaise gronde au Niger
Florence Parly s’est rendue la semaine dernière à Niamey. Là aussi la fronde antifrançaise gronde, encore marginale, mais suffisamment inquiétante, pour nécessiter des négociations avec le pouvoir sur deux points : l’installation d’unités françaises et alliées (Takuba créé pour diviser le Mali selon le Premier ministre malien qui n’en est plus à une exagération près) et le transit routier des convois qui quitteront les dernières bases françaises de Mali (Gao, Gossi, Ménéka) vers la mer pour un retour vers la métropole.
Toutefois, la question des armes et bagages interroge. Comment seront-ils gérés ? Quitter le Mali et rester au Sahel impliqueront malgré tout autre hyper opération logistique qui verra le rapatriement vers la métropole du matériel devenu redondant ou obsolète.
Certes, comme le précise l’État-major des Armées, un pont aérien massif (d’où des affrètements d’avions civils tout aussi massifs) permettra de faire sortir du théâtre un certain volume d’équipement. Mais on ne fera pas l’économie d’un transit maritime.
Le Combat et l’AFP