Soumeylou Boubèye Maïga, Premier ministre du président Ibrahim Boubacar Keïta entre 2017 à 2019, ancien ministre de de la Défense, ancien chef de la sécurité d’État, et son ministre de l’économie de l’époque, Mme Bouaré Fily Sissoko sont jetés en prison depuis hier, jeudi 26 août 2021. Il est reproché aux deux anciens ministres du Président IBK des surfacturations dans l’achat de l’avion présidentiel et d’équipements militaires.
Les deux personnalités écoutées par la justice ont été placées sous mandat de dépôt après une sortie fulgurante du procureur général de la Cour Suprême annonçant sur les ondes de la télévision nationale ORTM que cette affaire dite des équipements militaires et de l’achat de l’avion du Président n’était pas classée sans suite. 24 heures après cette mise au point du Procureur général de la Cour Suprême, Mamoudou Timbo, les choses sont allées plus vite. Les concernés ont été écoutés, puis placés sous mandat de dépôt. “Aujourd’hui, nous n’avons pas de Haute Cour de Justice, cela ne signifie pas que nous devons rester dans l’impunité’’, avait fait savoir le procureur général sur ORTM.
À 67 ans, l’ancien Premier ministre, ce poids lourd de la politique malienne surnommé le“Tigre’’ a passé sa première nuit à la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako. Quelques heures après son inculpation, sa collègue de l’Économie et des finances d’alors, Mme Fily Bouaré Sissoko, a été, elle aussi, écoutée, puis déposée à la MCA de Bamako.
Soumeylou Boubeye Maïga doit répondre de cinq chefs d’inculpation : faux, corruption, favoritisme, abus de confiance et trafic d’influence. Quant à Mme Bouaré Fily Sissoko, elle est inculpée d’atteintes aux biens publics, faux et usage de faux, favoritisme, népotisme et corruption.
L’ancien ministre de la Défense n’a jamais confirmé ni infirmé officiellement les intentions qui lui sont prêtées de candidature présidentielle. »Soumeylou Boubèye Maïga a été mis ce jeudi sous mandat de dépôt par la Cour suprême du Mali dans une affaire d’atteinte aux biens publics », a précisé un membre de la Cour suprême, qui a requis l’anonymat. Il est interrogé dans le cadre de l’achat de l’avion présidentiel en 2014 alors qu’il était ministre de la Défense, une acquisition épinglée par le Bureau vérificateur général (BVG), autorité malienne indépendante, qui a dénoncé des pratiques de surfacturation, de détournement de fonds publics, de fraudes, de trafics d’influence et de favoritisme.
Le bloc d’intervention populaire et pacifique pour la réunification du Mali (Biprem Fasoko) qui a déposé cette plainte auprès du procureur général s’est réjoui de cette réouverture de l’enquête. L’organisation de la société civile attend depuis plus de 2 ans que justice soit faite, indique son vice-président Boubacar Sidiki Diarra. “Vraiment, aujourd’hui, avec cette déclaration du procureur Général, nous sommes satisfaits’’, déclare-t-il. Il poursuit que “ce n’est pas une question de personne. C’est une question de vision, une question du Mali’’. “Nous encourageons le procureur général à continuer dans ce sens’’, rajoute M. Diarra. Selon lui, “on ne peut pas dilapider les biens de l’État et dire que le dossier est classé ». Pour lui, cela semble « trop facile’’.
En 2014, le Vérificateur général avait révélé la disparition de plus de 153 milliards de francs CFA et la dilapidation de plus de 28 milliards dans l’achat de l’avion présidentiel et des équipements militaires
Et selon un ancien haut fonctionnaire malien, « cette affaire d’avion présidentiel peut éclabousser beaucoup de monde, c’est peut-être le début d’une grande lessive ». Soumeylou Boubèye Maïga est réputé disposer d’un important réseau dans les milieux sécuritaires maliens et régionaux.
L’avocat du “Tigre’’, Me Kassoum Tapo, ne compte baisser les bras. Celui-ci prévoit de saisir la Cour de justice de la CEDEAO au cas où son client venait à être accusé hors procédure. Selon l’avocat bien connu, si son client est maintenu en violation de la procédure normale, “la justice nationale n’aura plus de crédibilité à juger des personnalités dans le pays’’. Et d’ajouter : “Nous sommes à deux requêtes au niveau de la cour de justice de la CEDEAO, celle de Me Mamadou Ismaël Konaté contre la séquestration de Bah N’Dao et Moctar Ouane et maintenant celle de Soumeylou Boubèye Maïga’’.
Par ailleurs, l’avocat de l’ancien Premier ministre estime que cette arrestation de son client vise à amener l’opinion publique à croire en la justice sans procédures.
Cependant, la question que se posent les observateurs est de savoir si la démarche des autorités est motivée par le bon sens ou simplement si c’est un moyen de séduction des partenaires afin de rétablir la confiance. Car, nul n’est sans savoir que les partenaires rechignent à mettre les moyens pour accompagner les autorités actuelles à la tête du pays si celles-ci ne donnent pas des signaux d’assurance ferme de lutter contre l’impunité, la corruption et le détournement des fonds publics. Après SBM et Fily Bouaré, les Maliens se demandent; à qui le prochain tour?
Kevin KADOASSO LE COMBAT