Nos gouvernants croient nous rassurer. Selon eux, la marche vers la paix serait enclenchée et elle serait irréversible. L’installation des autorités intérimaires est présentée comme une avancée très significative dans la mise en œuvre des dispositions de l’Accord pour la paix et la réconciliation… Aucune partition du pays ne saurait, de leur point de vue, être envisagée. Pour s’en convaincre, ils se fondent sur nos gloires passées. Ainsi avons-nous eu droit à cette déclaration récemment : « Tant qu’il restera dans ce pays, un seul homme, digne de Modibo Keïta, ce pays ne sera pas partitionné. »
Cependant, regardons la réalité en face. La question qui, aujourd’hui, taraude l’esprit de l’observateur attentif, est : jusqu’à quand nos gouvernants feront preuve de cécité ?
A Kidal, à Gao, à Tombouctou, à Taoudéni, l’autorité de l’Etat est plus que mise à mal. Et l’on nous assure que tout va très bien : la maison brûle, mais tout va très bien.
A Kidal, une poignée de féodaux récuse la nomination du représentant de l’Etat auprès de l’autorité intérimaire, fait flotter dans la salle de conférence un drapeau autre que celui de la République. N’est-ce pas suffisant comme indices pour parler d’une partition du pays ?
Il nous est demandé de nous montrer dignes de Modibo Keïta. Mais, Modibo Keïta, placé devant le choix à effectuer entre reconnaître une parcelle d’autorité aux « nobliaux » de l’Adrar des Iforhas et préserver l’unité du peuple malien et l’intégrité de son territoire, n’a pas hésité. Peut-être, les moyens utilisés ont-ils été répréhensibles, disproportionnés ; mais la réplique a garanti ce qui nous est le plus cher : notre unité et l’intégrité de notre territoire.
Lui succède Moussa Traoré. Le régime a changé, mais l’attitude vis-à-vis des séparatistes demeure constante. En 1990, ces derniers se manifestent de nouveau, avec la volonté affichée de détacher les régions de Gao et de Tombouctou du reste du Mali pour en faire un Etat indépendant. La réplique fut foudroyante. Après quatre mois de combats, les rebelles s’avouent vaincus, demandent à négocier. A défaut d’indépendance, de fédération, ils demandent la démilitarisation des deux régions, six postes au sein du gouvernement dont un poste de vice-président de la République spécialement créé pour eux.
De nouveau, la réplique, aussi précise que concise. Un : l’armée malienne est une armée nationale et, à ce titre, elle a vocation à se déployer sur l’étendue du territoire national. Deux : les nominations au gouvernement répondent, non à des critères d’appartenance ethnique, mais à des critères de patriotisme, d’intégrité et de compétence. Leur est reconnue, pour leur donner satisfaction, la décentralisation comprise comme la possibilité de gérer leurs affaires domestiques par le biais de représentants élus sans que cela porte atteinte à l’intégrité du territoire.
Ainsi, de 1960 à 1991, toute velléité sécessionniste a été étouffée. Cela a été possible pour deux raisons : Modibo Keïta et Moussa Traoré dirigeaient un Mali indépendant, souverain, ils avaient compris que le meilleur moyen de garantir la paix et la sécurité, fondements du développement, est de se doter d’une solide armée et ils l’ont fait.
Pourquoi, dans la bande sahélo-saharienne, de la Mauritanie au Tchad, les chefs d’Etat ont pu contenir les poussées centripètes destinées à plonger leur peuple dans le chaos ? Uniquement parce qu’ils n’ont pas lésiné sur les moyens de créer les conditions de la paix et de la sécurité. Eux ne négocient pas ; ils s’imposent, ils en imposent. Nous, nous sommes condamnés à négocier. Mais, tout de même, en négociant, sachons-nous imposer.
LA REDACTION
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