Avions-nous rêvé de voir Mohamed Bazoun, un nouveau recrue de la FranceAfrique qui a fait trembler le ciel de Niamey et réveiller la mémoire d’Hamani Diori et Seyni Kountié par son injonction à l’égard du vaillant peuple frère du Mali ?
S’il veut exercer le mandat de nouveau maître de l’espace francophone car, Abdramane Dramane Ouattara étant affaibli par la perte de confiance, nous lui conseillons de se rappeler du sort réservé à Jean-Bedel Bokassa, en Centrafrique, Joseph Mobutu en RDC, Blaise Compaoré au Burkina. C’est peut-être choquant mais pas surprenant, puisqu’il s’agit d’un «novice» en diplomatie qui n’a pas encore fait ses propres devoirs et qui ignore le lien séculaire qui unit le peuple nigérien et le peuple malien. Nos deux pays ont eu une même réalité politique dont le combat par le Rassemblement Démocratique Africain aussi bien au Niger (PPN-RDA) qu’au Mali (US-RDA), portait sur l’enjeu de la décolonisation. Ce combat a été mené par Hamani Diori et Modibo Kéita dans un esprit commun de patriotisme et de dignité pour le bien-être de nos populations respectives. Rappelons aussi que, seule, la frontière sépare certaines familles du Niger et du Mali appartenant au même groupe ethnique songhoi, djerma, touarègue, arabe ou peulh. La nature a créé un destin géographique commun à nos deux pays. Voici des leçons qui échappent à son excellence Mohamed Bazoun. Pour honorer son investiture à la tête du Niger, le peuple malien a dépêché à cet événement organisé le vendredi 2 Avril 2021, le président de la transition Bah NDaou à aller présenter les félicitations du peuple malien au président élu. Nous pensions que Mohamed Bazoum avait intégré les principes de la diplomatie et certaines valeurs culturelles, notamment le langage diplomatique, le respect et la réciprocité envers un pays souverain, la considération envers les invités du peuple Nigérien, la reconnaissance envers des officiels qui viennent le féliciter pour le choix des Nigériens. Mais hélas! Gagné par le sentiment d’humilier le représentant du Mali qui l’a déjà précédé dans cette fonction de président à la tête d’un pays souverain comme le Niger, il profite de cet événement dont le contexte était inapproprié pour s’ingérer avec arrogance et maladresse dans les affaires intérieures du Mali, en créant le doute sur une «apparence de collusion» avec la minorité touarègue séparatiste du MNLA et CMA. Contrairement à la déclaration de son prédécesseur, Mahamadou Issouffou devant l’assemblée générale de l’ONU, «Kidal serait le sanctuaire et le repère de toutes les attaques contre le Niger». Par cette prise de position M. Bazoun ne peut plus bénéficier de la confiance du peuple malien pour agir dans une quelconque médiation et sa diplomatie fondée sur cette apparence de «conflit d’intérêt», ne peut légitimer sa crédibilité pour aucune de ses démarches futures. M. Bazoun est apparu avec hostilité comme s’il avait un compte personnel à régler avec le Mali. De plus, il n’a pas pris conscience de la mesure de sa déclaration « d’œuvrer pour la mise en œuvre obligatoire de l’accord d’Alger et même au délà». Qui est le «superman» Mohamed Bazoun pour imposer au Mali un accord illégal et anticonstitutionnel que le peuple souverain malien rejette ? Envisage-t-il d’utiliser la force pour faire plier le peuple malien? Nous lui demandons de refaire son devoir pour relire et comprendre le droit international mais également, les principes constitutionnels lorsqu’au Mali les conditions démocratiques ne sont pas réunies. Ni l’assemblée nationale, ni le peuple souverain du Mali n’ont pas été consultés. Si ce projet macabre fait partie de son mandat, après l’expérience d’une possible complicité visant à détruire l’intégrité territoriale du mali,
va-t-il aider les séparatistes touarègues du Niger à exécuter leur menace de cessession du Niger ? Auquel cas, les Nigériens doivent être très vigilants par rapport à l’intangibilité de l’intégrité territoriale du Niger. Pourquoi Bah NDaou a été méprisé à Niamey ? Il représente les nouveaux dirigeants qui doivent se ressaisir, écouter le peuple et se réconcilier avec toutes les forces politiques du pays. Cette rupture avec le peuple malien et les acteurs sociaux fragilisent leur gestion de la transition. Ils sont maintenant perçus par le peuple malien et les observateurs de la scène politique malienne comme des «novices» inexpérimentés sans direction, qui évoluent dans l’incohérence et la soumission aux injonctions. L’accord d’Alger est un exemple de dossier géostratégique très sensible qui est entrain de les conduire sur une voie périlleuse, risquant de leur échapper et les confronter au jugement impitoyable de l’histoire. Le peuple malien dans sa grande majorité n’en veut pas pour certains alors que d’autres exigent une relecture. Même des officiels français critiquent aujourd’hui cet accord et ne recommandent pas son application dans son état actuel. Le parrain de toutes ces manœuvres ne pousse plus le dossier, conscient des conséquences prévisibles et irréparables de troubles sociaux au Mali. Ils ne veulent pas apparaître et assumer une telle responsabilité, c’est pourquoi, comme d’habitude, ils ont besoin de «fossoyeurs» à la solde. Au même titre que le petit groupe terroriste-Ifoghas (non représentatifs de la communauté touarègue, et sans mandat), Les autres communautés du nord font valoir aujourd’hui leur revendication légitime de disposer d’eux-mêmes, de leur propre protection. Les dirigeants de la transition ne doivent plus chercher à imposer ce document anticonstitutionnel. Ce n’est pas leur mandat et toute action dans ce sens sera contestée plus tard. Ils doivent redonner au peuple malien sa fierté et sa dignité. En conclusion, pour résoudre la crise sécuritaire, le peuple malien leur demande soit de changer de partenaire, ou d’équilibrer l’action des forces opérationnelles sur le terrain en diversifiant le partenariat à d’autres acteurs plus fiables et crédibles. Le ministre malien de la défense, doit avoir le courage de présenter ses excuses au peuple malien pour s’être trompé et d’adresser sa compassion aux victimes civiles de Bounty. En cas de contestation du rapport de la MINUSMA sur cet incident, le Conseil de sécurité peut par résolution constituer une commission spéciale d’enquête pour établir les faits. Toutes les autres bavures depuis 2012, impliquant des pertes de vies humaines maliennes doivent être compilées par les organisations de défense des droits de l’homme appuyant les familles, en vue des recours en réparation devant la Cour européenne de justice ou les Cours et tribunaux en France.
Boubacar Touré, juriste, Montréal, Canada