Inauguré en grande pompe en 2018, l’échangeur multiple de Ségou n’aura pas fait que des heureux dans la cité des Balazan. De nombreux petits commerces ruinés n’ont pas été indemnisés. «Je suis à la maison parce que notre restaurant ne s’est plus redressé après sa destruction pour la construction de l’échangeur», a déploré Adam Seck, une jeune dame diplômée qui avait l’habitude de servir dans le restaurant de ses parents.
Victime de la démolition des commerces situés sur la servitude de l’échangeur multiple de Ségou, la jeune dame d’une trentaine d’années s’est résignée comme beaucoup d’autres. «Nous ne sommes au courant de rien ici, on ne sait pas si on doit être dédommagé ou non », a –t- elle lâché. «Ils nous ont recensés avant la démolition de notre restaurant. Mais on n’a plus vu quelqu’un comme cela avait été promis».
Le restaurant en question est loin d’être le seul cas de commerce dont le propriétaire a été fauché et abandonné par les autorités chargées de dédommager les victimes de l’échangeur de Ségou. «Je ne peux pas vous dire combien nous sommes, mais nous sommes nombreux à avoir été déplacés ou ruinés sans dédommagement. Moi en tout cas je n’ai rien reçu, peut-être que les autres ont reçu quelque chose sans que je ne le sache », s’est plaint Ousmane Coulibaly, propriétaire d’une petite boutique.
Au ministère en charge de l’Equipement, on commente peu cette affaire qui pourrait en cacher d’autres. Le coordinateur du PAIR, le programme dont l’échangeur de Ségou fait partie, n’a donné aucune explication aux messages qui lui ont été envoyés. En attendant, à Ségou, tout le monde s’accorde à dire que personne n’a encore été dédommagé parmi les victimes de l’échangeur multiple. Ce qui est plus grave, affirme-t-on, c’est que même les propriétaires des maisons qui ont été démolies n’ont pas été dédommagés, des gens qui ont vécu pendant des dizaines d’années dans leurs maisons. « Nous avons été contents de l’échangeur, mais il a détruit l’économie. Il n’y a rien à manger ici ; je pense que nous n’étions pas prêts pour l’échangeur », a fait savoir la jeune dame.
Aux yeux de la loi, ce qui s’est passé à Ségou est un crime, une atteinte au droit à la propriété que tous les travaux publics s’engagent à éviter. D’un coût total de 23 millions de francs CFA, avec un financement du budget national à hauteur de 84% et un prêt consenti par la Banque Mondiale de 16%, l’échangeur au carrefour de la route de Markala à Ségou est un bitumage de 10 km de voiries à Ségou, réalisé par le groupe d’entreprises EGK/COGEB International.
Roulés dans la farine et gagnés par la morosité économique, les propriétaires de commerces et autres activités avoisinant l’échangeur ne savent plus à quel saint se vouer. « L’idiotie, c’est qu’ils ont mis des bars de fer qui rendent inaccessibles les commerces qui sont au bord de la route goudronnée. En plus de cela, la route bordée de fer venant de l’échangeur continue jusqu’au marché, et les gens qui sont aux alentours ne sont pas accessibles aussi », a dit une victime.
Dougoufana Kéita LA SIRENE
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