La Mission de paix de l’ONU au Mali (MINUSMA), avec le mandat actuel, n’est pas indiquée au contexte malien. C’est cette position que les Etats-Unis ont aussi défendu lors de la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU qui s’est tenue le mercredi 15 janvier 2020. Lors de ces débats sur l’avenir de la Minusma au Mali, les États-Unis ont demandé une refonte de la mission et sa réduction.
«Nous devons reconnaître que les missions de maintien de la paix ne sont pas la réponse aux menaces terroristes croissantes au Mali», a déclaré l’ambassadrice américaine adjointe à l’ONU, Cherith Norman Chalet. Elle a également souligné que la Minusma devait arrêter de soutenir l’application d’un Accord de paix signé en 2015, peu respecté par ses signataires, et qu’elle devrait «se focaliser sur la protection des civils».
Si la Minusma est l’une des missions les plus périlleuses des Nations unies, c’est parce que son mandat n’est pas conforme à l’environnement de son exécution. En effet, une mission d’interposition suppose deux camps identifiés comme antagonistes entre qui il faut une présence dissuasive pour non seulement les contraindre à un cessez-le feu, le respecter et aussi aller progressivement vers la fin définitive des hostilités. Le mandat de la Minusma aurait été adapté au cas malien si le gouvernement avait en face une rébellion et qu’il fallait une force internationale pour faire cessez les hostilités afin de protéger les civils.
Mais, ce n’est un secret pour personne que le MNLA a été phagocyté par les réseaux terroristes, notamment par les satellites d’Al Qaeda au Maghreb et l’Etat islamique comme le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ou «Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn» (JNIM, une organisation militaire et terroriste d’idéologie salafiste jihadiste formée en mars 2017 grâce à la fusion d’Ançar Dine, du réseau d’Al Qaeda au Maghreb islamique-AQMI dans le Sahel, de la Katiba de Macina et de celle d’Al-Mourabitoune) qui a revendiqué l’attaque de la gendarmerie de Sokoto qui a fait plus d’une vingtaine de morts le 26 janvier 2020.
La Minusma n’est attaquée au Mali ni par des rebelles ni par des forces loyalistes. Mais, par des terroristes lourdement armés puisque disposant de moyens inimaginables pour tenir non seulement tête aux FAMa, mais aussi aux forces internationales comme Barkhane.
Chaque puissance défend ses intérêts sur le dos du peuple malien
D’où le bien fondé de la position américaine. Même si elle s’est naturellement heurtée à l’opposition systématique de la France et de la Russie. Et surtout que les Etats-Unis sont dans la logique de se désengager du Sahel ! «Les Africains doivent prendre leurs responsabilités», a récemment déclaré publiquement Tibor Nagy, le «Monsieur Afrique» de la Maison Blanche.
«Nous ne sommes pas disposés à examiner des options pour une révision sérieuse de ses paramètres de fonctionnement ou pour la réduction de sa présence», a réagi M. Dimitri Polyanskiy, l’ambassadeur adjoint de la Russie à l’ONU qui a été «très catégorique» dans sa déclaration selon des médias français.
Devons-nous pour autant croire que les Américains sont plus attachés à la stabilité du Mali que les Français, les Russes… ? «Les États-Unis n’ont pas plus intérêt à aider le Mali, que la France ou la Russie. Ils défendent simplement, au nom de l’impérialisme, leurs intérêts opposés à ceux du peuple du Mali», a indiqué la Cellule de communication de l’Association Faso Kanu dans une note produite le 21 janvier 2020.
Et de préciser, «les Américains négocieront chèrement leur appui logistique et en renseignements, dont Barkhane a désespérément besoin. Par ailleurs, la France ayant besoin de prouver l’efficacité de ses armes de guerre pour booster son industrie de l’armement, elle n’hésitera pas à négocier le soutien des Etats-Unis pour le maintien de la Minusma en l’état, y compris aux dépens des intérêts du Mali».
«Ne soyons pas naïfs, aucun pays au monde n’est venu et ne viendra faire la guerre au Mali, pour les beaux yeux des Maliens : ils viennent tous défendre les intérêts de leurs entreprises et, accessoirement, ceux de leur peuple», a rappelé l’Association Faso Kanu. Une donne qui échappe à beaucoup de Maliens. Ils sont inconscients que leur pays peut «disparaître de la carte du monde» s’ils n’agissent pas d’urgence pour défendre ses intérêts.
«Face à tous ces intérêts qui se jouent aujourd’hui, dans et sur le dos du Mali, il est temps d’admettre que la solution vers une paix véritable passe par la résolution des problèmes de fond du Mali entre Maliens. Une fois les solutions proposées et acceptées par les Maliens, lors d’assises nationales souveraines, il sera temps de faire appel à des partenaires prêts à travailler avec le Mali, dans l’intérêt bien compris de toutes les parties», a rappelé la Cellule de communication de l’Association Faso Kanu.
Aussi bien nos autorités que ceux qui financent cette mission onusienne dans notre pays savent son inefficacité son mandat, quelle que soit la robustesse. Le Mali n’a pas besoin d’une force d’interposition dans le contexte sécuritaire actuel. Mais, de partenaires solides et résolument engagés à ses côtés pour combattre le terrorisme qui annihile tous les efforts de stabilisation du pays. Alors pourquoi maintenir coûte que coûte alors que même le Malien lambda se rend compte de on inefficacité ?
Ainsi que les Maliens l’ont constaté, bien avant les États-Unis, la Minusma n’est pas au Mali pour assurer la sécurité des Maliens, conformément à son mandat initial, en 2013. Elle est au Mali pour défendre les intérêts de la France aujourd’hui et sans doute ceux des Etats Unis demain, si les deux pays arrivent à s’entendre. Cela a été rendu possible «grâce» à nos dirigeants actuels, partis négocier le mandat de la Minusma comme ils ont négocié l’accord issu du processus d’Alger version 2015 : avec «une désinvolture qui frôle la haute trahison» !
Aujourd’hui, nous nous retrouvons face à une Minusma incapable d’assurer la sécurité des populations qui la rejettent d’ailleurs. «Si nos autorités veulent éviter une guerre civile programmée par tous les occupants de notre territoire, qu’ils soient terroristes ou forces armées étrangères, elles doivent décider du retrait des troupes de la Minusma et de Barkhane», précise l’Association Faso Kanu.
A défaut de cette première option, lors du prochain renouvellement du mandat de la Minusma, en juin 2020, nos décideurs doivent réclamer et obtenir un mandat mieux adapté aux priorités du Mali, et non à celles de la France et de ses alliés internationaux et locaux.
L’Association exige également la révision des accords de défense «signés avec la France dans le secret des dieux» afin de les adapter aux intérêts du Mali. A défaut, ils seront unilatéralement dénoncés. Et, avertissent les responsables de Faso Kanu, «cela se plaidera devant les instances internationales sans difficulté». A condition bien naturellement que le dossier soit défendu par de «vrais experts soucieux du Mali et des Maliens» !
Dan Fodio