La hargne des Maliens contre la corruption a une origine plus profonde que la simple posture du dépit ou de l’opposant agressif. Elle tient en un mot qui relie tout un chapelet d’invectives : c’est l’argent ! La corruption a pris ses quartiers dans de larges pans de notre société. Cela pose des problèmes de confiance, de cohésion sociale et de résistance de notre démocratie. Mais, il y a quelque chose que l’on oublie souvent : faut-il rappeler que les institutions, plus que l’économie, déterminent notre développement ? Comment se construit une démocratie avec un Etat fort, capable de faire respecter la loi, un Etat de droit, où le pouvoir lui-même respecte la loi et répondrait de ses actes devant le Peuple?
Mahamadou Buhari, le Président du Nigeria, a dit un jour : «Le système nigérian est à ce point tolérant avec la corruption qu’il m’arrive de voir des Responsables politiques rouler en Rolls Royce. Le problème est qu’ils sont présumés innocents jusqu’à preuve de leur culpabilité».
Nous sommes dans un pays, ici chez nous, comme ailleurs en Afrique occidentale où l’argent s’attrape plus qu’il ne se gagne, où le quotidien est encore une aventure précaire et où règne le ‘’tagnini’’ comme on le dit en bambana. Ici, c’est admis qui ne risque rien, n’attrape pas grand-chose. Dans le jeu du gendarme et du corrupteur, le second a toujours un coup, d’avance… Hélas, au Mali, des passerelles existent avec d’autant plus de facilités entre ces brouteurs «de nos économies et les détenteurs du pouvoir politique. Arrivent sur le métier, de dangereux nouveaux venus : les pros de l’arnaque, souvent en col blanc, personnage tout en ruse, en adresse et en duplicité… Les cigales (nos corrupteurs) ne deviennent pas frugales au Mali. Ils ont de beaux jours devant eux. L’air du temps peut leur réussir. Ils disent que les premiers cercles du pouvoir sont entrepris, reste à démontrer comment ! La rumeur ? Est-elle grosse, est-elle fumeuse: on connait le refrain «La famille d’abord… » qui est accusée de parti-pris ! On ne peut être que frappé par le ton agressif teinté de mépris avec lequel les opposants apostrophent l’équipe au pouvoir et ‘’les affaires’’. Sur chaque tribune, devant chaque micro, allons-nous dire, il n’est question, dès qu’un Représentant de l’opposition prend la parole pour justifier le pouvoir dans ses comportements ‘’suspicieux’’, de se demander que de ‘’nullité’’, de folie des affaires juteuses et scabreuses et d’aboulie économique.
On parle de menaces horrifiques sur l’identité malienne
Poussant loin dans la critique, on accuse le pouvoir en place d’amateurisme. Au sein de la populace, ces gens que l’on appelle les ‘’en bas de en bas’’ et dans nos grains, on accuse ceux qui sont aux affaires de ‘’menteurs’’, de ‘’tricheurs’’. On dit, en poussant le pion un peu plus loin, que le pays est ‘’mis sous coupe réglée’’. Rares sont-ils dans la presse à être indépendants dans leurs jugements. On ridiculise par le texte et le mot untel…Il y a même un chœur des Procureurs dans les radios privées. N’avez-vous pas entendu les uns se réclamer plutôt de ‘’Soudanais’’ ? Où est la souche, dirons-nous ? Quand on tape au portefeuille des Maliens, du moins c’est ce qu’ils disent, en parlant de ‘’Fassonafolo’’ c’est le crime des crimes. Ne cherchez pas loin : être riche, c’est la clé de l’affaire. Au Mali que voit-on : si certaines couches aisées, comme on se plait à le dire encore, ont vu leur situation s’améliorer, les autres, la plus grande majorité des populations, ont subi, pour l’essentiel, une interminable stagnation sinon une érosion glissante dans leur pouvoir d’achat. Sur cette question de la corruption, l’évocation du fond de cette affaire met à jour, à quelques exceptions près, l’incroyable hypocrisie de la classe politique, majorité et opposition confondues. C’est que, sur cette question, nous pensons double ou triple. On peut être d’accord sur l’application de la loi mais en catimini bien sûr, pas en fanfare. On a eu jusqu’à un de nos Chefs d’Etat pour dire qu’il n’entendait pas humilier un Chef de famille pour des faits le confondant. Nos politiciens sont à notre image : mal à l’aise.
D’ailleurs, ne parlons-nous pas de la petite corruption, de la grosse corruption, quitte à séquence ? On se tortille et on se contorsionne sans trop en dire…
Il n’est plus question de s’indigner seulement. Le combat qui attend sera rude. L’action à porter est toute : définir un programme actif et crédible de réduction de nos gaspillages bureaucratiques. L’action de l’Etat est handicapée par des mesures qui indisposent jusqu’aux plus indulgents des contribuables. Il n’est pas d’effort accepté ni de redressement possible : sans le civisme.
KONE : LE COMBAT