Le Mali, à l’instar du monde, a célébré lundi dernier la fête du travail, une commémoration héritée des Etats-Unis, la « patrie du 1er mai ». En effet, c’est à Chicago qu’est née la Fête internationale des travailleurs en 1886 par la grève générale. Suivie par 400 000 salariés, elle a paralysé le pays pendant quatre jours et causé la mort de 10 manifestants.
Cette grève laissera des traces douloureuses, mais les grévistes seront toutefois entendus dans leurs revendications. Un sacrifice que les travailleurs du monde commémorent chaque année comme ce 1er 2017 qui revêt une importance toute particulière pour le Mali.
Un pays où les grèves illimitées se succèdent à un rythme infernal paralysant presqu’une nation pourtant condamnée à travailler pour sortir de l’impasse politique, économique et sécuritaire dans laquelle elle est plongée depuis au moins une décennie.
Mais, objectivement, doit-on encore fêter le travail au Mali ? Un pays où il est la valeur la moins partagée, où ceux qui travaillent réellement sont les damnés de la société ? Un Etat où il faut être un opportuniste sans foi ni conviction pour réussir, se hisser au sommet de la hiérarchie sociale basée sur l’opportunisme, la corruption, la délinquance financière, le népotisme, le détournement du patrimoine et le vol des produits des entreprises privées ?
Un Mali où tout le monde veut devenir fonctionnaire pour bénéficier du culte de la médiocrité en écrasant ceux qui sont compétents et qui ne misent que sur leur compétence pour s’en sortir.
Honnête, intègre, orgueilleux parce que travailleur ! Voilà, entre autres, les traits caractéristiques du Soudanais dans le temps. Des valeurs que nous avons héritées d’eux et que nous sommes aujourd’hui incapables de transmettre à nos enfants.
En piétinant nos valeurs, nous refusons d’être « Le Laboureur » face à ses enfants (la neuvième fable du livre V de Jean de La Fontaine situé dans le premier recueil des Fables de La Fontaine, édité pour la première fois en 1668).
Des fainéants qui ont égaré la sagesse
Nous avons égaré la sagesse qui devait nous pousser à leur démontrer que « le travail est un trésor », que pour être heureux dans la vie, ils doivent avant tout être le « boulanger de leur vie » en vivant de la sueur de leur front. Ce qui suppose qu’ils acceptent de « remuer… creuser, fouiller, bêcher » en ne laissant « nulle place où la main ne passe et repasse ».
Nous avons dilapidé, voire méprisé « l’héritage que nous ont laissé nos parents ». Obnubilés par le complexe culturel vis-à-vis de l’Occident, nous avons jeté le bébé et l’eau du bain en oubliant qu’un « trésor » était dans la baignoire. En conséquence, nous sommes devenus la risée du monde, des peuples condamnés à la misère, car toujours dépendant de la bonne volonté des autres, de leur générosité… En retour, ce sont ces gens qui déterminent tout ce que nous devons.
Ils choisissent nos présidents en limitant ou en élargissant leurs mandats ; nous imposent des conflits pour mieux nous vendre des armes qu’ils ne parviennent pas à écouler ailleurs ; nous imposent leurs semences et fixent le prix de nos productions agricoles ; ils se battent pour nous empêcher d’avoir le nombre d’épouses que nous souhaitons et nous imposer le nombre d’enfants que nous devons avoir…
Comme le dit un ami comédien, « il ne reste maintenant que l’Occident nous dise comment faire l’amour »! Et même là, à y regarder de près, ils y sont parvenus, en ce qui concerne en tout cas nous les supposés intellectuels.
Nous avons bradé notre honneur et notre dignité pour rester des éternels assistés et nous voulons que notre pays ait sa place dans le concert des nations émergentes ? Qu’elle peut être la référence d’un peuple sans identité culturelle et qui aspire à s’épanouir sur les plans social, politique, économique, culturel ?
Comme le disait Me Abdoulaye Garba Tapo, dans l’une de ses récentes publications sur les réseaux sociaux, si nous voulons encore sauvegarder le peu qui nous reste comme honneur, dignité et surtout de l’héritage des Soudanais, « le moment est venu pour beaucoup d’entre nous de tester notre courage, sans pour autant se livrer à une vaine témérité par des actions isolées ».
Il ne s’agit pas de critiquer l’Occident alors que nous sommes les principaux responsables de ce qui nous arrive. Quand un peuple veut, rien ne peut s’opposer à sa volonté. Nous l’avons démontré dans ce pays en de janvier à mars 1991 ! Les Sénégalais (Yen a marre) l’on démontré en barrant la route du pouvoir à Abdoulaye Wade. Les Burkinabés l’ont aussi démontré en novembre 2014 (Balai citoyen) en empêchant Blaise Compaoré de tripatouiller la Constitution pour se maintenir à vie au pouvoir.
Accepter de suer pour rester maître de son destin
Et ce même peuple a courageusement bravé les fusils et les chars dans les rues de Ouagadougou pour faire échouer le coup d’Etat (du 16 au 23 septembre 2015) qui visait à mettre fin au gouvernement de transition mis en place après la chute de l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré le 4 novembre 2014.
Refusons donc d’être entraînés sur la voie de la facilité par nos dirigeants afin de mieux nous contrôler. Acceptons de nous remettre au travail, d’assumer notre devoir pour revendiquer nos droits sans concession aucune !
Acceptons de redevenir les boulangers de notre vie, les vrais artisans de notre épanouissement économique et social ainsi que du développement de notre pays, donc de gagner notre pain à la sueur de notre front ! Redonnons au travail sa valeur de trésor !
Si chaque Malien accomplit rigoureusement son devoir et exige farouchement son droit, nous ne compterons sur personne pour progresser et personne ne pourra alors nous dicter la voie à suivre ou nous imposer une présence militaire.
C’est à ce moment-là que nous seront dignes de célébrer avec faste la Fête internationale des… travailleurs !
Moussa Bolly LE REFLET