Avoir un moyen de déplacement, savoir le démarrer, ou se mettre là-dessus sur une route est une chose. Mais savoir l’utiliser et de circuler sans arriver à sa destination au péril de la vie des autres usagers, même si on ne tient pas à la sienne, en est toute une autre.
Dans les pays en voie développement comme le nôtre où bon nombre de textes règlementaires et juridiques sont en place (Lois et Règlements), l’on est en droit de s’interroger anxieusement sur les raisons de l’évolution crescendo des taux d’accidents de la circulation. Ce qui est d’ailleurs logique puisque même dans les jungles il doit y avoir le minimum nécessaire d’ordre et de discipline dans la circulation d’un lieu à un autre. Malheureusement, ces garde-fous (Lois et Règlements en vigueur), ne sont pas respectés chez nous et chacun se demande «pourquoi ? »; or, même si tout le monde n’est pas coupable, mais chacun a une part sa responsabilité dans ces scènes d’accidents mortels ou handicapant à vie qui sont déplorées quotidiennement dans la circulation de Bamako.
En tout état de cause, la réponse à cette interrogation susnommée émanera de deux catégories de citoyens: les Décideurs et les Exécutants des ordres !
En effet, la première catégorie concerne les autorités dites «compétentes» en la matière. Ce sont elles qui dictent et éditent des Lois et posent des Règlements exemptes d’obéissance ou de respect.
Le constat est récurent dans plusieurs domaines de la circulation. Ici, ne soyez pas surpris de voir même des «corps habillés » ou des «autorités » qui violent sans gène aucune, pour une raison ou pour une autre, les mêmes feux tricolores pour lesquels ils arrêtent et sanctionnent d’autres citoyens au nom de la loi pour infraction.
La deuxième est donc cette couche-là, la «pauvre population» sans voix qui est condamnée à l’obéissance sans commentaire et au respect stricte des textes et règlements en vigueur. De par analogie des comportements de la première classe, les simples usagers de la circulation sont souvent en infraction. Car, il y a bon nombre d’entre eux qui se disent intérieurement ceci: «Si ²ceux-lಠNDLR : les porteurs d’uniformes ou corps habillés) peuvent le faire impunément, nous devons le faire nous aussi quand ça nous arrange», nous a confié un usager civil.
A la question de savoir qui sont donc les auteurs de cette imprudence caractérisée qui provoquent de trop de cas d’ accidents graves sur nos routes, les avis sont variés et les responsabilités partagées
En effet, pour d’aucuns, les illettrés ou analphabètes (ndlr : appelés dans le jargon bamanan les « kunfin »)et les délinquants(des jeunes qui, dans notre cité, au lieu de conduire leurs motos avec les deux roues préfèrent soulever celle de devant et rouler sur celle derrière, et cela, sur des routes bien pratiquées), des adolescents, etc. …
Et, pour d’autres, il faut pointer le doigt accusateur vers les ²SOTRAMA TIGI²(les minibus du secteur des transports collectifs) qui se seraient, selon certaines sources, des affranchis d’une autre classe appelée ²GUÉRÉBOU².En fait, à Bamako, les conducteurs des transports en commun ne sont point pour la plupart instruits. Et, c’est ce qui explique le caractère violent dont ils font objet envers leurs clients. Leurs apprentis-convoyeurs aussi ne seraient que des petits saisonniers arrivés de leurs bleds pour la première fois dans une grande ville. Ce qui ferait, selon un autre interlocuteur, que même pour une différence de 25 francs CFA, ils sont prêts à faire descendre des passagers en pleine chaussée ou très loin de leur destination et ce qui dégénère souvent en rixes pour gêner ou obstruer la voie publique pour provoquer banalement des accidents de la circulation.
Au passage, force est d’admettre qu’à bord des SOTRAMA, même les personnes âgées ou handicapées ou femmes en état de grossesse ou enfants ne sont pas à l’abri de ces genres d’actes d’insécurité routière. Donc, n’en soyons pas surpris ou étonnés si ces gens sont en perpétuels conflits avec la police routière «pour refus d’obtempérer aux ordres».
Selon certaines sources spécialisées, deux accidents sur dix à Bamako proviennent de défaillance du système de freinage ou de mauvais état des pneus (pneus complètement usés et, donc, glissants). Or, nous avons des structures chargées du contrôle technique de nos engins et la police routière qui s’occupe du suivi une fois mis en circulation. Alors, qui n’accomplit pas son devoir ? Est-ce les employés de l’Assistance Technique ? ou la Police qui est trop tolérante ou plutôt trop versée dans le phénomène de petite corruption avec ces coupure ou jeton de 500 francs CFA? Ou, alors, ce sont les conducteurs qui les évitent par manque d’incivisme ? Comment ? …
«Quatre-vingt-dix-sept pourcent (97%) des accidents qui se produisent à l’aube sont dus au manque de maitrise de soi ; car, les auteurs viennent des boites de nuits et conduisent en état d’ivresse pendant que la présence policière est réduite ou que les forces de l’ordre sont au retrait», nous confirme un Commissaire de police chargé de la Voie publique.
Un autre phénomène de plus en plus préoccupant est celui des taxi-maitres et surtout les ²SOTRAMA TIGI² (souvent qualifiés de faiseurs de troubles) qui font très fréquemment des arrêts inopinés sans aucun signal, et sans faire attention aux autres usagers. Ceux d’entre eux qui paraissent clignoter le font dans les sens contraires: « Ils clignotent à droite et virent à gauche et vice-versa !», s’indigne un Agent de la CCR (Compagnie de la circulation routière).
Et, il y a tant d’autres phénomènes qui contribuent à l’aggravation du taux d’accidents plus ou moins graves dans notre capitale. C’est le cas, par exemple, de l’utilisation du téléphone au volant, de l’emprunt des sens interdits lors des embouteillages et le non-respect des panneaux de signalisation.
En outre, on ne peut parler d’accident de la circulation sans remarquer l’état délabré de nos routes. Un tour hors de chez vous et vous vous rendrez compte …
Ainsi, selon un Rapport de l’Agence Nationale pour la Sécurité Routière (ANASER), pour la seule année 2014, on fait état de 9.191 cas d’accidents de la circulation dont 6.262 décès. La même source révèle que 83% de ces cas d’accidents sont liés aux engins à deux roues et 83% des victimes sont des jeunes.
La Direction Régionale de la Protection civile de Mopti a enregistré, dans l’intervalle de janvier à septembre 2015, 382 cas d’accidents dont 25 décès. Des chiffres qui interpellent, selon Eliade Mounkoro, le Chef du Service de la Prévention de la Circulation routière à l’ANASER. «Si l’application de la règlementation est correctement faite, si les violations sont convenablement réprimées, cela peut réduire à hauteur de 70% les accidents de la circulation », a-t-il assuré.
L’Agence nationale de la sécurité routière (ANASER) est persuadée que les porteurs d’uniformes ont un rôle prépondérant dans la prévention des drames dus à la circulation en permettant à la route de jouer son rôle de facteur de développement et non de cimetière.
Dieu merci, selon la même agence, l’OMS a mis en place un projet de sensibilisation afin de réduire le nombre de victimes de nos routes à 7500 usagers d’ici à 2020.
Par ailleurs, nous pouvons parler de l’incivisme en passe de devenir de plus en plus remarquable au sein de nos sociétés, cela à tout égard. Surtout, en cette période de fortes pluies. Et, pour preuve, à longueur de journée, il y a des palabres à cause des éclaboussements avec des eaux stagnantes ou de la boue de la part des chauffards sur des pauvres piétons.
Force est de constater qu’un nombre considérable d’automobilistes pour ne pas dire ²tout² est pourtant passés par des auto-écoles où on leur inculque de bonnes notions de vie sociale en circulation. C’est la raison qui a motivé LE COMBAT à consulter un des Directeurs de ces écoles ; donc, un spécialiste en la matière, pour savoir ce qui se passe avant, pendant et après la formation (lire l’interview ci-contre).
Matthieu Yawovi HAYEFO (stagiaire ) : LE COMBAT