Elle fut décrétée pour la première fois, dans notre pays, par Bakary Karambé, Secrétaire Général de l’Union Nation des Travailleurs du Mali (UNTM). C’était le 24 mars 1991. L’objectif était d’obtenir le départ du pouvoir du président Moussa Traoré. Il sera atteint. Profitant d’une émeute, un groupe d’officiers perpètre un coup d’Etat. Karambé en est l’un des principaux bénéficiaires. Du jour au lendemain, à la suite d’un partage du pouvoir entre civils et militaires, il se retrouve numéro 2 du nouveau régime, celui du Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP), avec ce que cela a comporté comme conséquences : plus d’espace de libertés certes, mais, en contrepartie, un lourd tribut au détriment du peuple malien : son école saccagée, son armée émasculée, la République naufragée, le pays brisé, cassé en deux, l’autorité de l’Etat annihilée, le Nord, sous couvert de décentralisation, plus que balkanisé, livré à la voracité d’individus aux desseins non avoués.
Assurément, déclenchant une grève illimitée pour obtenir la satisfaction de sa revendication, Karambé ouvrait, sans le savoir, la boîte de Pandore. En effet, de mars 1991 à ce jour, la grève, dans le meilleur des cas, la grève illimitée, dans les cas extrêmes, est devenu un mode favori de revendication des fonctionnaires face à un Etat qui ne négocie que pour manifester son incompétence à gérer les affaires de la Cité. Cette année, nous en avons eu la preuve, avec, d’abord, les magistrats, ensuite, les cadres et agents de la santé et, actuellement, l’ensemble du corps enseignant, de l’éducation préscolaire à l’enseignement supérieur et à la recherche scientifique. Certes, l’on ne saurait méconnaître les efforts consentis par l’Etat pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs à travers des augmentations substantielles des traitements. Mais ces derniers en sont arrivés, pour des raisons objectives, à ne plus consentir des sacrifices pour réussir la construction de la maison commune : le Mali.
Avec l’accession à l’indépendance, compte tenu des ressources très limitées de l’Etat, il a été demandé au peuple de consentir des sacrifices. Cela s’est traduit par le blocage des traitements, l’obligation de souscrire à un emprunt national et, avec le déclenchement de la « Révolution active », le renoncement à certaines primes et indemnités. C’était dur, mais c’était supportable : ceux qui imposaient les sacrifices les supportaient au même titre que l’ensemble du peuple, les signes ostentatoires de richesse étaient inexistants. Aujourd’hui, c’est bien cela qui a disparu. Il est difficile, de la part de l’Etat, de demander aux travailleurs de consentir des sacrifices pour plus d’une raison. En effet, comment demander des sacrifices à des hommes et femmes suffisamment informés des données de la nation avec le développement de la corruption et son corollaire de « fonctionnaires milliardaires », de « palaces de la démocratie » ? Comment demander des sacrifices au petit peuple quand les primes et indemnités perçues par certains dépassent les limites de l’acceptable, de l’imaginable ?
Les grèves illimitées sont devenues recettes parce que certaines formes d’injustice ne sont plus acceptables. La réalité que nous vivons est connue. Nos finances, aux dires des institutions monétaires internationales, sont saines. Mais l’occupation du territoire national et l’insécurité sont sources de préoccupation. Dans ce contexte, l’essentiel doit être consacré à la restauration de nos forces armées et de sécurité, à la reconquête de notre souveraineté sur l’ensemble du territoire national. Cette réalité incite à accepter des sacrifices, des restrictions. Elle doit également inspirer une meilleure redistribution de la richesse nationale et moins de gaspillage des ressources. Face à trop d’injustices sociales, le recours à la grève illimitée est devenu l’ultime solution. Plus que jamais, la moralisation de la vie publique s’impose.
LA REDACTION LE SURSAUT