Les régions du nord du Mali sont très fâchées. Outre l’angoisse qui étreint les villes, la peur de s’aventurer hors des agglomérations fait monter davantage l’adrénaline à son paroxysme.
Les assassinats récents de Yoro Ould Dah, général du Mouvement Arabe de l’Azawad (branche pro-Mali) et de l’officier Yehia Mehri ne sont pas pour rassurer les plus optimistes. En plus, ce qu’on n’a jamais annoncé publiquement, c’est que l’armée nationale a abandonné Labezzanga et Watagouna, laissant les populations à la merci des desperados qui écument toute la zone. Sur ces entrefaites arrive la nouvelle des élections législatives dont la tenue est prévue pour le 29 mars prochain. De quoi raviver les colères contre un État et un gouvernement incapables d’assurer la sécurité aux citoyens. Pour l’écrasante majorité des gens du nord, toute élection en ce moment n’est d’ailleurs qu’une farce qui relève d’un cynisme politique exacerbé. Ce n’est pas dans une situation de chaos qu’il faut inviter le peuple à aller voter. Pourquoi faire? Choisir des représentants alors que l’on sait pertinemment qu’une Assemblée nationale est aujourd’hui inutile, le pouvoir exécutif jouant en réalité le rôle du législatif? Ce qui fait en plus du Parlement une chambre d’enregistrement, juste pour légitimer les frasques et les incapacités d’un pouvoir en mal de légitimité. Les mésalliances qui sont en train d’être nouées, singulièrement entre les candidats du parti du président de la République et ceux de celui de son principal opposant, sont pour dire à tout le monde qu’il n’y a aucune différence programmatique, pas plus idéologique, entre les chapelles politiques. Qu’à cela ne tienne, l’État n’arrive ni à trouver les financements nécessaires et indispensables au fonctionnement normal de l’école de la République ni à acheter pour l’armée nationale les équipements adéquats pour ses missions régaliennes de défense de la patrie, mais il peut débourser des milliards de nos francs pour organiser des élections législatives fantoches. De la vraie foutaise contre laquelle les populations du nord se disent déterminées à boycotter, un droit qui leur est imprescriptible et qui s’oppose au devoir de voter clamé tambour battant par les autorités. Il y a donc dans l’air des hypothèques citoyennes sur les prochaines élections législatives, et elles pourraient bientôt souffler sur tout le pays.
Bogodana Isidore Théra