Le président Emmanuel Macron a annoncé la fin de l’opération militaire Barkhane au Sahel. Quelques jours après cette annonce, son chef de la diplomatie tente de corriger le tir. Ce « n’est pas la fin de l’engagement » de la France dans cette région, a déclaré vendredi à Ouagadougou, Jean-Yves Le Drian, ministre français des Affaires étrangères. « C’est une évolution de concept, un changement de modèle, mais ce n’est pas la fin de l’engagement (de la France) au Sahel », a dit M. Le Drian à la presse, à l’issue d’un entretien avec le président burkinabè, Roch Marc Christian Kaboré.
« Évidemment, la poursuite de la lutte contre le terrorisme fait partie de nos priorités, même si le modèle de Barkhane n’est plus le modèle adapté », a ajouté le chef de la diplomatie française.
Après plus de huit ans d’engagement massif, Emmanuel Macron a annoncé jeudi une réduction de la présence militaire française au Sahel, marquée par la fermeture de bases, et une réarticulation de la lutte antijihadiste autour d’une « alliance internationale », associant des Européens.
Selon M. Le Drian, « la volonté que nous avons, c’est de combattre avec les Forces du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Tchad et Niger, ndlr) pour que le terrorisme ne s’impose pas comme la loi dominante pour les populations concernées : c’est pour cela que la France est là ». Il a estimé que « le sursaut civil et politique pour permettre aux États de reconquérir leurs propres territoires, dès que des territoires sont libérés, avec la présence renouvelée de l’administration, des services administratifs », était de la « responsabilité des États, et ils le font d’une manière générale ».
M. Le Drian a affirmé qu’il était venu « d’abord » rencontrer le président Kaboré pour lui présenter « les condoléances de la France, notre empathie à l’égard du peuple burkinabè, à la suite de ce carnage qu’ont vécu les populations de Solhan ». Au moins 132 personnes selon le gouvernement – 160, selon des sources locales – ont été tuées dans la nuit du 4 au 5 juin, lors de l’attaque de la localité rurale de Solhan, près des frontières avec le Mali et le Niger.
Discours d’agacement
Si Jean-Yves Le Drian a été diplomatique dans le langage tenu à Ouagadougou, ce n’est pas le cas chez son homologue des Armées, Florence Parly qui estime que les armées sahéliennes sont « en mesure de faire face » à leurs ennemis.
On sent un agacement dans le discours de la ministre des Armées. Si tel est le motif de leur départ, pourquoi le Président Emmanuel Macron ne l’avait-il pas évoqué lorsqu’il annonçait la réduction prochaine des effectifs ?
Les Forces armées sahéliennes sont « plus en mesure de faire face à leurs ennemis » après avoir mené de vastes opérations conjointes, ces derniers mois avec les troupes françaises.
« Le moment est venu, car les forces armées sahéliennes désormais, sont plus en mesure de faire face à leurs ennemis, et c’est également possible parce que les Européens sont de plus en plus présents », notamment au sein du groupement de Forces spéciales Takuba initié par la France, censé accompagner les soldats maliens au combat, a commenté la ministre des Armées sur France Info.
« Elles ont acquis des capacités et cela va nous permettre de faire évoluer le dispositif », a-t-elle ironisé.
En parlant des forces spéciales Takuba qui sont plus européennes, il y a lieu de préciser une volonté de désengagement vis-à-vis des partenaires du Sahel où les discours violents sont servis à la France. La France voudrait-elle s’en servir pour se retirer de toute responsabilité dans le Sahel où la situation s’enlise, jour après jour. C’est le mieux que l’on puisse dire en ce moment.
Le Pentagone maintiendra son soutien
Les États-Unis vont « continuer à soutenir » les opérations contre les djihadistes au Sahel, malgré la fin annoncée de l’opération militaire française Barkhane, a assuré vendredi le porte-parole du Pentagone, John Kirby. « Nous continuerons à contribuer au renforcement des capacités de nos partenaires en Afrique, ce qui inclut les capacités à mener des opérations antiterroristes », a déclaré M. Kirby au cours d’un point presse. « Nous continuerons à fournir un certain soutien, du genre de celui que nous apportons aux Français selon leurs besoins dans la région », a ajouté le porte-parole du ministère américain de la Défense.
Au Sahel, Washington fournissait jusqu’ici à l’Opération Barkhane de précieuses capacités de renseignements et de surveillance — notamment grâce à ses drones —, du ravitaillement en vol et du transport logistique
Bourama Kéïta LE COMBAT