Le Rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les événements du 21 mai à Kidal a été finalement rendu public lors d’une séance à l’Assemblée Nationale. Les conclusions dudit rapport mettent en cause l’ancien Premier ministre Moussa Mara et l’ancien Chef d’état-major général de l’Armée, le général Mahamane Touré. Les malheureux événements, consécutifs à la visite controversée du Premier Ministre Moussa Mara le 17 Mai 2014, ont non seulement plombé le processus de paix et de réconciliation, mais aussi et surtout mis à nu les failles de notre outil de défense. Il ne fait l’ombre d’aucun doute que cette visite inopportune et les dramatiques événements qui en ont découlé ont été à la base de l’anarchie voir de la chienlit généralisée au nord. Mais, la question que bon nombre d’observateurs de la scène politique malienne se posent, est celle de savoir si le PM Mara et le chef d’Etat-Major Général au moment des faits, sont les seuls responsables de la déroute de l’armée, et si les conséquences ont eu des incidences sur le processus de paix et de réconciliation.
Décidément, au Mali à chaque jour suffit sa peine et sa surprise. Le régime d’IBK est aujourd’hui en passe de battre le record des régimes africains éclaboussés par des affaires rocambolesques et inimaginables occultant les problèmes majeurs auxquels leurs pays sont confrontés. De l’investiture du Président IBK, les 04 et 19 Septembre 2013 à nos jours, il ne s’est pas passé de mois où le peuple n’est pas réveillé de son sommeil par une intrigue, détournant son regard des multiples difficultés quotidiennes auxquelles il est confronté. Le hic est que c’est le Président de la République lui-même en sa qualité de premier citoyen qui endosse la responsabilité de chef d’orchestre de toutes ces mises en scène burlesques. Qui ne se rappelle pas de ses propos guerriers et fermes à l’encontre de l’ancien Président de la République ATT et sa promesse de le traduire en justice pour haute trahison ? Au même moment, les groupes jihadistes et indépendantistes sirotaient leur lait de chamelle au grand désert du nord. Pour rappel, son slogan de la campagne présidentielle de résoudre la crise au nord a beaucoup pesé en sa faveur pour sa victoire finale. Mais, au lieu de s’atteler à la résolution de la crise, le président de la République s’est laissé prendre au piège des interminables remaniements ministériels provoquant, du coup, une instabilité gouvernementale inédite sous la 3ème république. En effet, quelques mois seulement ont suffi pour qu’il y ait la première crise gouvernementale avec le départ contre toute attente du premier ministre Oumar Tatam Ly. Remplacé par Moussa Mara, sans consultation du parti majoritaire le RPM, encore moins de la mouvance présidentielle. Ce dernier, sans expérience et sans légitimité, avec un seul député à l’Assemblée, fera feu de tout bois. Il se mettra à la tâche, dès sa prise de fonction, pour défendre bec et ongle son bienfaiteur IBK. Le président et son Premier ministre déclareront 2014, Année de lutte implacable contre la Corruption. Mais à la surprise générale, 2014 passa et reste désormais, dans les annales de l’histoire du Mali démocratique, comme étant l’année de la plus grande crise de confiance entre gouvernants et gouvernés. Elle aura été l’année des plus grands scandales de corruption et de détournements des deniers publics. De l’achat du Boeing Présidentiel, à celui des armements pour les Forces Armées du Mali. Les conséquences de toutes ses frasques au sommet de l’Etat ont été le gel des relations de coopération et d’aide entre le Mali et les institutions financières. La mini crise gouvernementale qui a caractérisé ces scandales a occasionné le départ de certains ministres impliqués dans ces affaires. Devant les élus de la nation, le PM Moussa Mara défendra ce dossier avec un zèle inédit. Critiqué par le RPM, il est applaudi par le Président lui-même qui trouva en lui son avocat défenseur. Mara, obnubilé par ce soutien, programma la visite de Kidal avec le soutien et la bénédiction du Président. Ainsi, le 17 mai 2014, il effectua sa visite à coup de renforts médiatiques pour prouver à la face du monde que Kidal est une partie du Mali. Les premières victimes de la visite de Mara ont été enregistrées au Gouvernorat de Kidal, avec l’assassinat de 6 administrateurs civils après le départ précipité de la délégation primatoriale au camp de la MINUSMA où il déclara le Mali en guerre contre les rebelles. Rentré à Bamako le lendemain, le PM a été accueilli en héros à l’Aéroport de Bamako Sénou et escorté jusqu’à la résidence du Président à Sébénikoro où IBK et son épouse l’attendaient. C’est en ce jour que Mara confirmera « sa déclaration de guerre » en des termes clairs aux ennemis de la Paix en toute violation de la Constitution, par l’envoi de milliers de soldats au front. Il ne sera rappelé à l’ordre ni par le Président de la République ni par l’Assemblée. Comme annoncé, le 21 mai 2014, l’armée montait au front pour dit-elle sécuriser la ville de Kidal. Les premiers combats avaient pour autant tourné en sa faveur et de sources concordantes, le gouvernement en plein conseil des ministres aurait applaudi des deux mains. Mais contre toute attente et à la surprise générale, les rebelles aidés par des « mains invisibles de snipers connus » réussiront à renverser la tendance. La défaite forcée de l’armée étant consommée, aucune autorité politique n’osa s’assumer, même pas le PM. Il devait pourtant avoir le courage d’assumer sa part de responsabilité après avoir déclaré au paravent la guerre et promettre de sécuriser la ville de Kidal. Le Président de la République, non plus, en tant que chef suprême de l’armée qui a dû donner son aval sans lequel l’armée ne serait jamais montée au front. Ni lui, ni le Ministre de la Défense, impliqué au quotidien dans la gestion de l’armée ne s’assumeront.
En somme, IBK prendra-t-il le risque de juger son ancien PM Moussa Mara ? Les conclusions du rapport de la commission d’enquête parlementaire paraissent partielles, tendancieuses et iniques en ce sens que tous les coupables n’ont pas été mis en cause. Mais, si la justice venait à suivre les recommandations de la commission, Moussa Mara s’en sortirait martyrisé et « victimisé ». Son éventuel procès aura besoin d’une longue instruction dépassant largement le reste du temps de mandat d’IBK. Il ne pourra donc pas le juger si vite parce que l’instruction d’une telle affaire sensible pourrait durer un à deux ans. Le but recherché par la publication d’un tel rapport semble n’être autre chose que de casser la carrière politique du jeune loup aux dents longues. Pour quel intérêt et au profit de qui ? L’effet boomerang est que Moussa Mara pourrait s’en sortir plus populaire que jamais. Et un tel procès exposerait à jamais le régime à la vindicte populaire qui le discréditerait et l’enfoncerait davantage. Vouloir juger Moussa Mara et Mahamane Touré, ce serait aussi affaiblir de plus l’armée après le procès de Amadou Haya Sanogo. IBK en risquerait sa réélection. Tout porte donc à croire que ce rapport n’est que dissuasif et populiste. Le jugement de Moussa Mara et Mahamane Touré n’est pas pour demain.
Youssouf Sissoko
INFO SEPT « »|||| lecombat.fr
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