L’élection présidentielle de 2018 a fini par convaincre les derniers citoyens qu’il y a une collusion entre la France, la CMA et IBK. Le deal consistait à soutenir le président sortant pour obtenir un autre mandat, en retour, IBK, une fois élu, s’engageait à appliquer à la lettre le fameux Accord pour la Paix et la Réconciliation. Le Président réélu ne vient-il pas d’accepter une compromission qu’aucun de ses devanciers, de Modibo Kéita à ATT, en passant par AOK n’a concédée à la France ? Le Mali est-il sacrifié sur l’autel des intérêts de la CMA et de la France ?
Si l’Accord pour la Paix et la Réconciliation venait à être appliqué intégralement, le Mali serait plus que jamais menacé dans son intégrité territoriale. Et pourtant, c’est le deal passé entre IBK et l’alliance CMA- France, afin que le premier puisse passer un autre mandat à la tête du Mali. L’on se souvient que pendant ces trois dernières années, les médias français, dont certains sont de véritables supports des autorités, n’ont pas cessé de pilonner le régime d’IBK, en le qualifiant de corrompu, d’incompétent et l’accusant d’avoir exacerbé la crise. Que ces mêmes autorités françaises changent subitement de canon d’épaule en blanchissant IBK de toutes les charges contre lui dans l’affaire Michel Tommy et en le faisant passer pour la solution de la crise socio-sécuritaire au Mali, allez-y comprendre quelque chose ! Qu’est ce qui a pu motiver la décision de la France de soutenir un président qui a été incapable de mettre en œuvre l’Accord qu’il a lui-même signé ? Si pendant trois ans, depuis la signature de l’entente, les progrès sont insignifiants et n’avance que sous la menace des sanctions de la communauté internationale, il faut chercher à en savoir les raisons profondes et même s’interroger sa faisabilité en l’état. Au lieu de cela, la France, en véritable tuteur du Mali, décide de prioriser l’application diligente et intégrale de ladite convention, oubliant que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Pourrait-on appliquer l’accord tel que conçu sans susciter des remous graves dans d’autres régions du pays ? Selon nos informations, à l’origine du soutien de la France à IBK, il y a ce raisonnement suivant : étant donné que c’est sous son régime que l’accord a été signé, il importe de le laisser poursuivre sa mise en œuvre, en ne changeant pas d’interlocuteur. Mais, ce que la France feint d’oublier, c’est l’inapplicabilité, en l’état, dudit accord. Le document comporte, sous des termes à peine voilés, tous les ingrédients de la partition du Mali, même si c’est au nom de l’intégrité et de l’unité du pays que la France intervient au Mali. Aucun président de la République ne pourra appliquer cette convention sans un large consensus qui ne pourrait être obtenu qu’au prix de concessions réciproques et d’abandon de tous les quiproquos qui peuplent ledit texte. En un mot, il faut une renégociation, en tout cas un large consensus autour du document. Autrement, l’accord ne sera point applicable pour la simple raison que, pour évoluer il faut des modifications constitutionnelles qui passent nécessairement par un référendum ; or, d’Alpha Oumar Konaré à IBK lui-même, en passant par ATT, tous les pouvoirs ont échoué à réviser la constitution. La question que beaucoup d’observateurs se posent est de savoir pourquoi la France fait de la mise en œuvre de l’Accord la priorité des priorités ? La réponse serait être double ; la première est qu’elle en a assez des couts exorbitants de l’entretien de ses troupes sur le théâtre des opérations ; la seconde serait purement économique : la France miserait sur les richesses minières et énergétiques que recèle le Nord. IBK, le plus malléable de tous les présidents qui se sont succédé au Mali, serait prêt, après l’Accord de défense, à signer tout autre accord d’exploitation minière. Les autres régions du Mali vont-elles réellement s’accommoder d’un avantage excessif accordé aux régions du nord, sans s’y opposer, ou demander des avantages conséquents ?
L’Accord est inapplicable en l’état car il n’a pas recueilli l’assentiment du Peuple malien. Il n’est ni inclusif, ni consensuel. Pour les ressortissants des régions du sud, leur développement est le plus souvent la résultante de leurs immenses efforts et non pas toujours de l’Etat. Par conséquent, ils disent ne pas accepter que leurs impôts soient utilisés pour développer le Nord qui, par ailleurs doit garder pour lui, tout seul, 45% des recettes d’exploitation de ses ressources minières.
Dans ces conditions, si pour l’alliance France-CMA, l’application diligente et intégrale de l’Accord n’est pas négociable, il ne reste plus à IBK, coincé depuis 2015 entre le marteau de la coalition France-CMA et l’enclume du peuple malien, qu’à trouver la stratégie idoine pour concilier les intérêts très distants.
Youssouf Sissoko
youssouf@journalinfosept.com
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