Si par dialogue, nous entendons une conversation, une discussion, voire une négociation menée avec la volonté commune d’aboutir à une solution acceptable par les deux parties en présence, alors nous pouvons affirmer sans risque de se tromper que celui qui a commencé le samedi 14 décembre 2019 est tout sauf un dialogue au sens étymologique du terme. Il est un monologue entre partisans, et ses conclusions ne sauraient s’imposer sur la grande majorité du peuple. Le gouvernement vient encore de pêcher par son incapacité à rassembler toutes les forces vives de la Nation autour de l’essentiel, qui est le Mali. Etait-il nécessaire d’organiser ce forum sachant bien que sans tous les acteurs de la classe politique et de la société civile, on fabriquerait des nouveaux opposants à sa mise en œuvre comme ANTE A BANA, contre la révision constitutionnelle ? Il a manqué au gouvernement l’esprit de discernement, d’analyse de tact et d’anticiper. Ce qui pourrait contribuer à fabriquer un autre monstre qui le dévorerait plus tard.
Revenons-en aux participants et surtout à leur représentativité. Ils sont issus des partis politiques qui ont dit oui à IBK, c’est-à-dire ceux de la Majorité Présidentielle, à la société civile inféodée également au régime, des gouverneurs des régions, des préfets, des sous-préfets et des Maires. Il y a également des associations et organisations des jeunes acquises à la cause du régime. Bref, aucun opposant pour porter la contradiction et avoir un autre son de cloche pouvant enrichir. C’est d’ailleurs pour cela qu’on parle de monologue entre partisans du régime. La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) qui s’est ravisée pour donner un avis favorable, ne sera présente que parce qu’on lui a donné toutes les garanties qu’on ne touchera pas à une virgule de son Accord.
En effet, c’est dans une salle Bazoumana Sissoko du palais de la Culture chauffée à blanc et pleine à craquer qu’a eu lieu la cérémonie d’ouverture du Dialogue National dit Inclusif, le samedi 14 décembre 2019. Présidée par le Président de la République, la cérémonie d’ouverture a enregistré la présence des chefs des institutions, du Premier ministre, de l’ensemble du gouvernement et de l’ancien Président de la transition, Professeur Dioncounda Traoré. Encore une fois de plus, trois anciens Présidents de la République ont brillé par leur absence, à savoir Moussa Traoré, Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré. Les délégués arborant des badges étaient bien visibles et enthousiastes, mais rares sont ceux parmi eux qui mesurent réellement les enjeux et les défis auxquels le Mali est confronté. Ce qui est certain, c’est qu’au terme de ces quelques jours d’échanges ou de dialogue, chaque délégué aura ses perdiems et rentrera chez lui laissant les problèmes entiers. Le contribuable malien en pâtira encore, car il sera non seulement sevré de son argent, mais aussi et surtout, n’aura pas les résultats escomptés. Pourquoi tant de précipitations ? Le Gouvernement ne pourra-t-il pas se donner un délai supplémentaire et puiser dans nos valeurs séculaires pour persuader les opposants à revenir sur leurs décisions de boycotter ?
En somme, la crise multidimensionnelle à laquelle le Mali est confronté, est trop profonde pour qu’elle soit débattue par des délégués dont la légitimité est fortement contestée et que des solutions à hauteur de souhait soient proposées. La plupart des délégués à ce dialogue sont, soit à des postes de responsabilités soit ont assumé des hautes fonctions donc ils ont leur grande part de responsabilité dans la crise qui sévit au Mali. Demander à ceux qui ont contribué à l’exacerbation de la crise de trouver des solutions, c’est ne pas prendre toute la mesure de sa gravité.
Youssouf Sissoko INFO SEPT