Dans les sociétés africaines, précisément chez les Nordistes du Mali, les substances culturelles sont d’un ancrage intemporel. La culture et les traditions se transmettent de génération en génération avec des significations et des symboles à l’épreuve du temps. De même que les femmes ont, chacune, leurs manières de se tresser les cheveux et de porter le voile, les hommes aussi se parent en portant le turban.
Dans la culture des communautés du Nord du Mali, notamment chez les Arabes, El Tamasheq, Peulhs, Sonrhaïs et Touarègues, pour se marier, il faut, au préalable, avoir été enturbanné.
Ainsi, le jour de leur mariage, avant d’aller à la chambre nuptiale, il faut d’abord porter le turban par un marabout qui récite, pour une première fois, quelques versets coraniques sur le turban avant de le mettre sur la tête du jeune marié. Une pratique obligatoire ; car, relevant de notre coutume. Et, cela, des temps ancestraux. Chez les El Tamasheq, quand un jeune homme atteigne l’âge de se marier, les parents organisent une grande cérémonie autour du turban. C’est pour l’enturbanner. Ensuite, le jeune turbané et ses amis de même génération font le tour des familles du village et de la contrée, afin de récolter des cadeaux (moutons, céréales, argent, or, etc.) pour organiser une fête avec les jeunes filles durant toute une semaine.
Toute pratique culturelle étant indissociable, le port du turban dans la tradition des Nordistes du Mali est tout d’abord un symbole dans ces communautés, et ensuite il sert à protéger les hommes du soleil, de la poussière et du le froid.
C’est la raison pour laquelle, de nos jours, toutes les communautés ou ethnies qui se trouvent au Nord portent le turban, y compris les Occidentaux. Cependant, n’oublions pas qu’en dehors de son utilité pratique, le port du turban est un élément hautement culturel. Il revêt un caractère symbolique plus ou moins identique chez ces différentes communautés. Chez les aborigènes du Nord, le porter signifie avoir franchi une étape culturelle, indispensable même de nos jours pour acquérir le respect au sein de la société. Généralement, c’est à partir de l’âge de 18 ans que le jeune touarègue porte pour la première fois le turban. Ce jour, une cérémonie rituelle s’organise, le plus souvent avec honneur pour lui conférer une place dans le cercle des adultes.
Mais, préalablement, il doit prouver ses qualités de dignité, d’Homme responsable et aussi, d’endurance face à la nature et à la capacité à tenir son rang. L’étoffe doit être de couleur blanche, appelé Ashasho et parfois à l’indigo. Ces deux qualités citées ont une signification plus spéciale. Le premier est porté en signe de respect et le second lors de la mise en place d’un Chef désigné ou les jours de fêtes. Quant à la longueur, elle varie.
Selon Tilla Ag, traditionnellement, l’homme ne quitte jamais son turban qui « recouvre les oreilles ». Couvrir les oreilles signifie que l’Homme (avec grand H) ne doit pas prêter l’oreille à tout. Il couvre aussi la bouche, parce que l’Homme ne doit pas dire n’importe quoi. Tilla Ag est un fin connaisseur de la Culture touarègue. Dans cette société foncièrement conservatrice, rester tête nue n’est pas digne d’un adulte.
Ces valeurs sont partagées par les Sonrhaïs chez lesquelles le turban est un héritage à sauvegarder et à transmettre avec fierté de Génération à Génération. Dans les villages du Nord, malgré le vent secourant de la modernité, la tradition est conservée. Et chez les Peulhs, pour les jeunes talibés, après avoir fini d’apprendre, mémoriser et/ou traduire le Saint Coran assidument seront enturbannés par le marabout et appelés Alpha ou Thièrno.
Zénébou Maïga : LE COMBAT