La mauvaise gouvernance et la corruption sont deux fléaux qui nuisent à l’émergence du Mali sur le plan économique, politique et social. Pourquoi tant de pauvreté, de chômage et de disparités socio-économiques évidentes continuent au Mali ? Cela malgré les taux de croissance ascendant et la richesse de nos sous-sols.
L’accès à une éducation et à une formation de qualité reste difficile pour un grand nombre de jeunes maliens. Les inégalités flagrantes entre villes et campagnes, sédentaires et nomades se conjuguent avec des disparités entre la qualité de l’enseignement public et celle du privé. Sans oublier l’inadéquation entre les formations dispensées et les compétences exigées par les employeurs.
C’est donc au regard de toutes ces nécessités, de toutes ces urgences que la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance apparaît comme un préalable pouvant constituer un puissant facteur de mobilisation sociale et d’impulsion pour le développement.
Très souvent dans ces derniers temps, les discours des Maliens sur le Mali, revêtent des nuances pessimistes : « le pays va mal », « la corruption a détruit le pays », « les dirigeants ne pensent qu’à eux-mêmes », « la mauvaise gouvernance » et que sais-je encore. Pourquoi en est-il ainsi ? Le Mali a-t-il atteint un point de non-retour ? Que peuvent faire les Maliens de l’intérieur et de la diaspora, pour sauver leur Pays ?
Qu’est-ce que la mauvaise gouvernance ? Qu’est-ce que la corruption ? Comment ces deux fléaux évoluent-ils ? Et comment y remédier ? Voilà les grandes questions brûlantes auxquelles j’ai voulu porter une réflexion, avec toute la jeunesse malienne qui se trouve d’ailleurs être la première victime dans un système où ce sont ces deux fléaux qui dominent.
Au Mali, on note effectivement, un peu partout, des stratégies de développement économique et social inefficaces si ce n’est même purement et simplement le pilotage à vue et le bricolage qui en tiennent lieu. Cela favorise toute une série de maux et de tares à commencer par une gestion patrimoniale des biens publics qui consiste, de la part de nos gouvernants, à les confondre trop souvent avec leurs biens familiaux. On peut ensuite citer le népotisme et le clientélisme (politique, ethnique, tribal, régionaliste ou confessionnel), qui consistent à répartir les responsabilités publiques et les avantages politiques et matériels y afférents, non pas sur la base de la compétence et du mérite, mais plutôt sur celle de la parenté ou de la fidélité. Puis, la corruption qui est encouragée et alimentée en permanence par la pratique des pots-de-vin quasiment institutionnalisée par certains bailleurs.
Pour définir la mauvaise gouvernance, il faut noter que cette expression renvoie à beaucoup de domaines, par exemple la mauvaise gouvernance peut toucher le fonctionnement de l’appareil étatique dans son volet économique (non-prélèvement régulier des impôts, et taxes, et non utilisation de ces revenues dans des projets de développement…,mauvais contrôle de l’État sur les marchés, non-régularisation de la concurrence des marchés et mauvais investissement dans les secteurs visant la satisfaction des besoins fondamentaux des populations pauvres), mais aussi dans son volet politique (aucune garantie pour la liberté d’expression et pour la sécurité des hommes et de leurs biens, non-respect des droits des partis d’oppositions, le partage des postes en fonction du mérite et de la compétence est une chose qui n’est pas d’actualité, le respect des lois et règlements que le peuple s’est fixés n’est pas garanti, la création des conditions d’une bonne alternance n’est pas garantie, le respect du libre jeu de la démocratie, l’organisation d’élections libres et transparentes non plus…) et en fin dans son volet social (création d’écoles avec le matériel nécessaire et des enseignants qualifiés, garantie des soins médicaux aux citoyens, sensibilisation des populations sur les problèmes de la vie en société, le développement des secteurs éducatifs, sportif et culturel ne sont pas garantis lorsqu’il y a mauvaise gouvernance).
Quant à la corruption qui se définit aussi sur plusieurs volets, c’est d’abord le fait d’accepter un bien illicite pour favoriser quelqu’un au détriment d’un autre, c’est aussi une incitation à agir dans le faux et le pour le faux. La corruption c’est aussi l’utilisation abusive d’un pouvoir reçu par délégation à des fins privées comme l’enrichissement personnel ou d’un tiers (famille, ami…). Elle consiste, pour un agent public, un élu, un médecin, un arbitre sportif, un salarié d’entreprise privée…, de s’abstenir de faire ou de faciliter quelque chose, du fait de sa fonction, en échange d’une promesse, d’un cadeau, d’une somme d’argent…
L’évolution de ses deux facteurs de sous-développement s’observe surtout au niveau de l’appareil de l’État (dans les administrations, entreprises publiques,..) et au niveau du secteur privé où cela est de plus en plus inquiétant pour la jeunesse malienne. Ce sont des agents de l’État dans l’exercice d’un service public qui favorisent très souvent cette corruption qui entraîne la mauvaise gouvernance. Et ces deux fléaux prennent de plus en plus de l’ampleur au Mali car les autorités étant impliquées, aussi engagent peu d’actions pour lutter contre cela. Et plus grave, c’est que même certains secteurs sensibles comme la justice sont atteints. Le coupable est celui qui circule librement et l’innocent est celui qui est en prison, le voleur de poule passe sa vie en prison et le Ministre ou Directeur voleur des biens du peuple et qui a trahi la nation, finit sa vie dans son château. Ces deux facteurs sont pour l’essentiel responsables des inégalités, des injustices et des frustrations de nos populations. Ils évoluent comme une maladie qui gagne tout le corps d’un malade, plus on ne fait rien, plus ces maux tuent la société malienne, de telle sorte que chacun se dit contraint de corrompre pour aussi avoir satisfaction.
Les policiers dans la circulation routière ne veillent plus à la sécurité des usagers mais à la sécurité de leurs poches, les commerçants préfèrent mettre les sous dans la poche du douanier que dans les caisses de l’État, pour une simple signature il faut débourser beaucoup d’argent,…et face à tout cela, le pauvre qui n’a même pas de quoi corrompre se résume à son triste sort car les conséquences se font toujours ressenties dans l’économie générale de l’État qui manque de fonds pour lutter contre la pauvreté du fait de ces mauvaises pratiques.
Pour ma part, je conclus que pour remédier d’abord à la mauvaise gouvernance, le peuple doit apprendre à sanctionner ses leaders politiques par « un vote sanction », le peuple doit sortir manifester contre toutes les politiques politiciennes menées par les gouvernements. Il faudrait qu’ils sentent une menace pour changer les choses, on doit se doter d’un mécanisme de contrôle de l’action gouvernementale autre que celui du parlement car au parlement, c’est toujours la même majorité entre gouvernement et l’Assemblée nationale et de ce fait, les élus d’un même parti politique ne sanctionneront jamais leurs camarades au gouvernement, c’est ce qu’on appelle souvent la dictature des partis politiques qui sont les vrais acteurs de la mauvaise gouvernance.
Il faudrait aussi que le peuple exige de ses autorités un code de bonne gouvernance contrôlé par les acteurs de la société civile, par des associations autonomes et des institutions internationales. Ensuite pour lutter contre la corruption, au niveau des autorités, il faut renforcer les mesures de sanction contre le corrompu et le corrupteur ; donner les moyens matériels et financiers nécessaires aux agents du pouvoir exécutif, législatif, et judiciaire de telle sorte qu’ils ne soient pas corruptibles pour de l’argent ; sensibiliser les populations sur ces mauvaises pratiques qui nuisent à la société ; mettre en place un mécanisme de dénonciation de tout cas de corruption ou tentative de corruption. Et au niveau des populations, c’est de ne plus s’adonner à cette pratique, c’est suivre et dénoncer à son niveau les cas de corruption, que chaque jeune en discute avec ses amis, que chaque père de famille en discute aussi avec sa famille, que chaque chef de tribu, province,…en discute avec ses populations. De cette façon, l’on pourra enfin éradiquer ce fléau et cela dans l’intérêt de tous les Maliens.
Ainsi, le pouvoir malien ne donnera plus raison aux tenants de l’afro-pessimisme quand ils affirment :
« Bon nombre de dirigeants politiques africains sont arrivés au pouvoir par la force et leur mode de gouvernement s’apparente plus à la prédation qu’à la promotion du bien commun. Mais, cette situation a de profondes racines culturelles qui font de leurs peuples des partisans objectifs de ce mode de gouvernement. Toute personne qui parvient au pouvoir est immédiatement sollicitée d’en faire retomber les avantages sur le maximum de ses « frères ». Et ceux qui sont rejetés, espèrent bien prendre leur revanche un jour. […] Mais on comprend aussi pourquoi les changements politiques sont si souvent décevants : il y a simplement changement de profiteurs…. »
Dr Bréhima CISSOKO, Médecin Nutritionniste, diététicien