Pendant et après les concertations, plusieurs acteurs se sont prononcés pour dénoncer des manœuvres visant à détourner la lutte vers des projets d’un groupuscule. Ces acteurs sont pour la plupart des politiques, et ils n’ont pas mâché leurs mots. Lisez.
Choguel Kokala Maïga, Porte-parole du M5-RFP sur RFI
« Ces journées ont été organisées pour orchestrer la confiscation du pouvoir au seul profit du CNSP et de ses courtisans »
«Le document lu lors de la cérémonie de clôture n’était pas conforme aux délibérations issues des travaux de groupe. Ce sont les revendications du peuple malien qui ont été escamotées. Nous avons eu droit à une sorte de manipulation avec les commissions de salle remplies de militaires en arme, des personnalités que personne n’a mandatées se retrouvent en train de jouer les experts. Ils désignent le CNSP comme étant le seul organe qui créera un collège qui va désigner un président de transition et ce n’est pas pour cela que les Maliens se sont battus. Il y avait toute une série de mesures démocratiques et de refondation de l’État qui ont été complètement mises à côté et nous avons eu le sentiment qu’en réalité toutes ces journées ont été organisées pour orchestrer une volonté d’accaparement et de confiscation du pouvoir du peuple par le seul profit du CNSP et de ses courtisans qui se sont organisés autour d’eux. Nous nous démarquons totalement de ce document qui a été publié»
Madame Sy Kadiatou Sow, Présidente de Aw ko Mali Dron, leaders du M5-RFP
«C’est un document qui a été complètement charcuté »
« Ce n’est pas du tout démocratique par ce que nous avons constaté et c’est malheureux. Je suis triste et le suis inquiète. Après deux journées de travail intense, les groupes ont échangé sur le contenu de ce document-là, sur les feuilles de route et sur la charte. À la suite de cela qu’on vient nous présenter un document qui a complètement changé le contenu des rapports qui ont été présentés par tous les groupes. C’est un document qui a été complètement charcuté. Le rapport général qui a été charcuté ne correspond pas du tout à ce qui a été dit dans les groupes. Donc je le dis au nom du comité stratégique du M5-RFP. S’il n’y a de débat sur ce qui vient d’être présenté et que les choses se passent correctement de façon démocratique. Qu’on puisse enregistrer les observations, les réactions des uns et des autres. Nous n’approuverons pas cette charte. Nous sommes claires là-dessus. Nous attendions un peu à cette manipulation-là. Et ce qui vient de se passer m’inquiète énormément. Je m’inquiète pour le Mali. Ce qui vient de se passer est une confiscation. C’est une volonté de confisquer le pouvoir par le CNSP et ceux qui le soutiennent. Ceux qui étaient opposés au changement. C’est eux qui se sont ligués contre ceux qui se sont battus pour le changement. Et nous n’accepterons pas cela. Nous continuerons à mener notre combat sereinement de façon démocratique jusqu’à ce qu’on nous entende. Ceci n’est pas acceptable. J’espère que les organisateurs de ces concertations nationales vont se ressaisir. Et qu’ils vont remettre ce document-là à débat et que nous puissions débattre sereinement que chacun puisse s’exprimer là-dessus.
Si ce n’est pas le cas, ça veut dire qu’on aurait encore reculé de plusieurs années. Et que Dieu nous en garde.
Au nom du comité stratégique du M5-RFP, tous ceux qui se sont prononcés, qui ont fait des déclarations, qui n’ont rien avoir avec les positions du M5-RFP, ne parlent qu’en leurs noms. Nous sommes en démocratie, chacun a le droit d’exprimer son opinion propre. Mais au niveau du M5-RFP, les positions sont très claires. La gestion de la transition, les organes de la transition, la feuille de route, la charte de la transition, nous avons discuté de ça. Nous avons pu échanger avec le Comité National pour le Salut du Peuple. Notre document a été publié. Ceux qui disent autre chose qui n’est pas dans le document ne parlent pas au nom du M5-RFP.
Les déclarations fracassantes de sensationnelles, ce n’est pas notre affaire. Nous sommes sur notre ligne. Nous restons sur notre ligne et nous disons au peuple malien que nous ne renoncerons pas à mener le combat pour le changement, le combat pour la refondation de notre État, le combat pour la refondation de la démocratie. Ce combat que nous avons mené, ce n’est pas une question d’IBK. La question c’est quel nouveau Mali ? Ce nouveau Mali ne peut pas se construire sur la base de ce genre de manipulation, ce genre de tentative de confiscation. Nous ne l’accepterons pas. »
Moussa Mara, Président du YELEMA, Ancien Premier ministre et député
« Ce document viol la constitution en beaucoup d’endroits »
Au cours de ces échanges Moussa Mara, ancien Premier Ministre et anciens députés et Maire de la commune IV, a été clair. Après avoir analysé minutieusement ce document Moussa Mara, il a fait plus de 50 observations. Selon lui, il y a trop de discussions autour de cette charte de la transition issue des concertations nationales.
« Les premières discussions majeures sur ce document sont ces rapports avec la constitution. Ensuite on dit que le document complète la constitution, mais ce document viole la constitution en beaucoup d’endroits. Donc pour moi, il faut qu’on soit claire sur ce document qui ne touche pas la constitution de 1992, et il crée les conditions d’une vraie transition avec les organes et tous les éléments, soit dans ce cas on va dans la constitution de 1992. Mais on ne peut pas être au milieu. Cela est la première remarque qu’il faut que les rapports de ce document et la charte de la transition et la constitution soient éclairés. Mais ce qui est dedans franchement, je ne suis pas un juriste, mais il est difficile de le comprendre.
Le deuxième constat observé est qu’il y a une inflation d’institution dont vous avez le Conseil national de transition, le comité de transition, la cour constitutionnelle, une sorte de conseil économique et social qui ne dit pas son nom. Une autre sorte de conseil des collectivités qui ne dit pas son nom. Pourquoi tout cela pour une transition ? Au Mali nous avons connu une transition en 1991, dont on a mis en place deux (2) institutions à savoir le CTSP qui est le conseil de transition et le gouvernement de transition.
Je souhaiterais si cela est possible qu’on ait que deux institutions. Le conseil de transition qui est en même temps un organe législatif et un conseil d’orientation et le gouvernement de transition. Cependant, le Conseil de transition est dirigé par un président et ce président est temps chef de l’État exactement comme le CTSP et le gouvernement est dirigé par le chef de l’État et le Premier Ministre. Il peut avoir un vice-président du conseil de transition, mais il ne faut pas lui donner le statut de vice-président de la République. Et il ne faut pas donner le statut de président de la République au chef de la transition c’est une chef de l’État et non un président de la République. La constitution de 1992 fait de notre président un monarque républicain. Si nous créons pendant la transition un monarque républicain en plus qu’il n’est pas élu, mais désigner par certains.
Que le président soit un civil c’est ce que je proposerai. Et que le Premier ministre soit un civil qui sera désigné par le CNSP, aucun problème. Mais là aussi, balisons le chemin et créons des comités restreints pour proposer des noms au CNSP afin que le CNSP fasse un choix, le président et le Premier Ministre ».
Un nordiste dit ses quatre vérités aux assises
« Le M5 ne doit pas être considéré comme un acteur banal dans cette transition »
Je pense que chacun doit s’y mettre pour la transition. Maintenant, est-ce un président civil ou un militaire? Moi je crois que les militaires qui sont intervenus et qui ont créé le CNSP, beaucoup parmi eux ont quitté le front, beaucoup étaient sur le terrain. Or, parmi les choses qui ont précipité la chute du nord du Mali en 2012, c’est le fait que les militaires ici ont pris le pouvoir. Quand un soldat voit son ami se faire tuer au front tandis que d’autres circulent dans des voitures de luxe V8 a démotivé la troupe sur le terrain. Est-ce que si demain Assimi Goita se trouve dans un luxe présidentiel, les hommes sur le terrain accepteront-ils de faire face aux ennemis? Je pense que les enjeux sont très importants et que c’est le moment pour que l’on se dise la vérité afin de faire sortir le Mali de cette situation. Chacun de nous doit mettre le Mali au-dessus de sa considération. Les militaires que je vois ici ont beaucoup de travail. Aujourd’hui, ils sont tous en uniforme, mais demain, vous les donnez des fonctions civiles, vous les verrez tous porter des costumes. Et, tous les autres hommes là, vont venir faire la même chose. Donc on ne doit pas construire un Mali qui sera défait demain. On doit commencer par construire un Mali qui sera pérenne. Les militaires tout corps confondu, le fait qu’ils soient tous ensemble, le fait qu’ils se sont entendus le 18 aout pour faire démissionner le président, c’est déjà suffisant pour l’armée. Aussi, ils ne doivent pas venir mettre la pression sur qui que ce soit sur la transition. Je pense aussi que l’un des problèmes de ce pays c’est qu’il ne récompense pas le mérite, mais récompense plutôt celui qui va être sanctionné. Pour moi, le M5 ne doit pas être considéré comme un acteur banal dans cette transition. Ce sont des Maliens qui ont accepté d’aller sous la pluie, sous du gaz lacrymogène, et il faut les récompenser en reconnaissant leur sacrifice.
Propos rassemblés par Bourama Kéïta