Au Niger, il existe des idées et pratiques contradictoires à l’islam. Les imams conservateurs et les prédicateurs du mouvement Wahhabite traversent régulièrement les frontières du Nigeria pour financer et diffuser des vues strictes sur la charia et une politique communautaire. Dans certains cas, ces messages résonnent avec la culture locale et les pratiques animistes, entraînant une augmentation de la pratique de l’exclusion des femmes de la vie publique. Ironiquement, cela oblige les hommes à assumer de nombreuses tâches traditionnellement réservées à la gente féminine, comme la recherche de l’eau.
De nombreux praticiens découragent également l’éducation formelle, en particulier pour les filles. Les idées politiques trouvent un terrain fertile chez les jeunes sans emploi et défavorisés de ces régions, que de nombreux experts considèrent comme une poudrière potentielle. La partie nord du Niger, en particulier la région frontalière avec l’Algérie et le Mali, est susceptible d’être en proie à des messages islamistes des militants algériens. Les fonds Wahhabites ont financé la construction d’une grande mosquée et d’un centre de services sociaux dans la ville d’Agadez ; l’Arabie Saoudite et d’autres pays du Golfe ont fourni des fonds pour construire des mosquées dans des villages du nord-ouest du Niger et ailleurs. Cette région souffre également d’un chômage sévère. De ce fait, l’avenir est peu prometteur pour les jeunes. La propagation potentielle du militantisme touareg au Mali voisin à la suite des affrontements de mai 2006 à Kidal et à Ménaka inquiétait clairement le gouvernement nigérien et les dirigeants de la communauté touareg. Dans les régions bordant le Nigeria et ailleurs dans le pays, de nombreux imams et associations islamiques travaillent avec divers partenaires pour promouvoir l’éducation, la tolérance et les droits de l’homme. Au Niger, discerner la différence entre l’islam « traditionnel » et l’islam Wahhabite peut être extrêmement délicat. Certains spécialistes de l’islam « traditionnel » soulignent plusieurs déclarations islamiques des droits de l’homme, comme celle adoptée au Caire au cours des années 1990, qui stipule que tous les êtres humains naissent égaux. Un professeur de philosophie nigérien progressiste, avec une inclinaison traditionaliste a créé un scandale lorsqu’il déclara que l’islam avait historiquement toléré des injustices telles que l’esclavage et d’autres violations des droits de l’homme. Les traditionalistes aussi bien que les wahhabites s’opposent à la politique étrangère des occidentaux au Moyen-Orient. Les tensions et les contradictions dans la pensée actuelle des musulmans nigériens sont évidentes. Les opinions sur le statut des femmes sont mitigées. Certaines organisations de femmes travaillent pour une égalité totale, parallèlement à celle de leurs sœurs occidentales. D’autres favorisent une meilleure santé et l’éducation pour les femmes et les enfants dans un cadre plus traditionnel.
Une tendance qui est constante au Niger est l’augmentation du nombre d’écoles coraniques, ou madrasas, en partie dû à l’absence d’autres établissements d’enseignement dans certaines régions. Certains madrasas sont dirigés par des intellectuels hautement qualifiés qui parlent et lisent l’arabe, le français et d’autres langues locales. D’autres sont dirigés par des prédicateurs qui sont pratiquement analphabètes eux-mêmes. Les enfants de la plupart de ces écoles grandissent complètement analphabètes, sans formation en mathématiques ou en sciences fondamentales. Le gouvernement nigérien et la société civile travaillent pour encourager ces écoles à fonctionner uniquement pendant les soirées et les week-ends afin de permettre aux enfants d’aller à l’école publique ou d’intégrer des éléments éducatifs plus formels dans leurs propres programmes. D’autres encore voudraient que le gouvernement permette l’enseignement de la religion et de la morale dans les écoles publiques pour diminuer l’influence des madrasas.
De nombreuses organisations islamiques commencent à inclure des messages sur le développement et la démocratie dans leur prédication. Les groupes islamiques, y compris d’autres religions, ont été des partenaires clés qui ont répondu à la grave crise alimentaire qui a frappé le Niger en 2005. Beaucoup de ces groupes sont restés et commencèrent à faire des activités de développement, comme la construction des puits et des banques alimentaires. Le financement de ces activités provient habituellement de sources extérieures. Mais aujourd’hui, les principales sources de financement des projets de construction viennent de plus en plus du Moyen-Orient, du Maghreb et de l’Asie. Ceci est encouragé et, en effet, promu par le Niger.
Le gouvernement insiste sur le fait que le pays est une démocratie laïque et pluraliste, mais a eu des difficultés à mettre en place un code de la famille ou à faire respecter même les pratiques de la charia qui donnent aux femmes des droits à l’héritage. Cela démontre de la part du gouvernement une peur des chefs religieux traditionnels et une réticence à prendre une position ferme pour l’égalité promise dans la constitution. Un exemple est le vote échoué sur l’âge du mariage.
Les donateurs américains et européens et les Nations-Unies soutiennent la propagation des messages démocratiques dans un contexte islamique, tels qu’ils sont promus par des chefs religieux. Conquérir les cœurs et les esprits et, par conséquent, gagner la lutte contre le terrorisme au Niger, pourrait bien se résumer à qui se préoccupe le plus du bien-être du peuple.
Amadou O. Wane
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