Modibo Keita, fut le premier président malien après l’indépendance en 1960. Son gouvernement fut renversé le 19 novembre 1968 par un coup d’Etat militaire par le lieutenant Moussa Traoré. Modibo Keita passa quelques temps en prison à Kidal avant d’être transféré à Bamako. L’ancien président mourra en prison le soir du 16 mai 1977 à Bamako, après une longue maladie. Mais la presse officielle n’annonça sa mort que le 17 mai. Le communiqué ne laissa paraître aucun signe d’émotion. Son statut d’ancien chef d’Etat fut complètement omis de tout communiqué. Le défunt a été présenté comme un simple ancien instituteur à la retraite. Contrairement à leur gouvernement, les maliens étaient visiblement bouleversés par la disparition de leur premier chef d’Etat. Le service funéraire public s’est tenu le 18 mai où une grande foule, y compris de nombreux jeunes et fonctionnaires, était présente.
Dans la journée du 18 mai, plusieurs manifestations d’environ 3000 jeunes ont eu lieu à travers Bamako. Plus de 30 chars et blindés, venus d’une base militaire de Kati étaient déployés autour de la capitale. Pour éviter tout débordement, les troupes encerclèrent les manifestants. Pendant la procession funéraire, les étudiants et la police s’engagèrent dans un bras de fer pour le contrôle du coffin. Finalement, les étudiants ont réussi à prendre le coffin et marchèrent au cimetière criant « Vive Modibo » et « Abas Moussa », se référant au chef de la junte Moussa Traoré. Des manifestations se sont aussi déroulées au centre-ville. Par précaution, les commerçants fermèrent leurs boutiques. Selon des témoins, il y a eu des affrontements entre les étudiants et la police durant la matinée.
La cause officielle de la mort de Modibo Keita n’était pas nécessairement acceptée par certains maliens. La rumeur selon laquelle Modibo aurait été empoisonné se propagea dans le pays. La théorie était qu’en février 1977, le président français Valéry Giscard d’Estaing aurait reçu une promesse de Moussa Traoré de libérer Modibo Keita sans le gracier. Selon Traoré, il ne pouvait pas gracier quelqu’un qui n’était coupable d’aucun crime. Mais le comité militaire aurait refusé la demande de libération inconditionnelle. Selon une source proche de la famille, la mère de Modibo Keita lui aurait rendu visite le 15 mai et son épouse le 16 mai. Mais ni la mère, ni l’épouse ne remarquèrent une quelconque dégradation de l’état de santé de l’ancien président. Bien que rien ne puisse être exclu, la théorie de l’empoisonnement de Modibo Keita paraît illogique. Pourquoi le pouvoir l’aurait emprisonné pendant plus de huit ans avant de l’éliminer ? La mort de Modibo Keita est survenue à la fin d’une longue grève des étudiants. Cette disparition rappela aux maliens que l’ancien président était venu au pouvoir légalement, contrairement à Moussa Traoré, qui a pris le pouvoir après un coup d’Etat en 1968.
Modibo Keita était un leader charismatique. De son vivant, il était une menace politique aux yeux du comité militaire, un groupe qui devenait de plus en plus impopulaire. La mort de Modibo Keita bien que douloureux pour les maliens, a encouragé les étudiants et l’opposition à s’unir contre le pouvoir militaire de Moussa Traoré. Quelques années plus tard, c’est cette même force qui scellera le sort du dictateur.
Amadou O. Wane
Collaborateur externe,
Floride, Etats-Unis lecombat.fr