En 1973, la mise en place d’un nouveau gouvernement français avec un nouveau secrétaire d’État à la coopération et l’achèvement de la révision des accords de coopération ont permis d’évaluer la politique française à l’égard de l’Afrique noire. Dans plusieurs discours, le Premier ministre français d’alors, Messmer, a parlé de l’approche de son gouvernement en matière d’aide étrangère.
Le 28 mai 1973, à l’occasion du 50ème anniversaire de l’académie d’outre-mer, Messmer souligna que l’évolution de la politique française d’aide était à la fois «inévitable et souhaitable». La France, a-t-il dit, a fondé sa politique sur le droit de libre décision des Etats concernés. La coopération ne pourrait résulter que s’il y avait une volonté commune entre la France et ses partenaires. Rien ne pourrait être imposé. En concurrence pour les ressources économiques, la coopération pourrait remplacer les confrontations et les guerres précédentes. Le jour suivant, en s’adressant à la presse étrangère, Messmer a réitéré le thème que « la coopération ne pouvait pas être imposée ». Les partenaires africains de la France, a-t-il reconnu, pourraient dénoncer les accords s’ils le souhaitaient. La France n’avait aucune raison d’être en colère contre eux.
Parlant de l’assistance technique et de 12 000 coopérants en Afrique noire et 18 000 en Afrique du nord, Messmer a souligné que leur tâche consisterait de plus en plus à former des techniciens plutôt qu’à remplacer les fonctionnaires locaux. Au même moment, Deniau, secrétaire d’État à la coopération, a déclaré à la presse que la formation et l’assistance étaient préférables à la substitution. Cependant, lors d’une conversation avec l’ambassadeur américain à Paris, il exprima le doute que certains pays pourraient survivre sans fonctionnaires français dans les ministères essentiels.
Deniau a condamné deux types de nouveau colonialisme: la reproduction d’institutions éducatives et autres, identiques à celles de la France et des décisions fondées sur des hypothèses concernant les intérêts des Africains. Il avait l’intention, a-t-il dit, d’éviter les deux. Pour toutes les propositions d’aide fondées sur la coopération, il y a eu un durcissement notable de la position française avec le départ de Billecocq et l’avènement de Deniau. Alors que la position dominante française resta inchangée, la France adopta une position selon laquelle les Africains ne pouvaient s’attendre à ce qu’une relation d’aide privilégiée se poursuive s’ils décidaient de quitter la zone franc. La Mauritanie et le Madagascar ont quitté la zone franc, mais le prix a été la fin de l’aide budgétaire française, et la garantie de la convertibilité de leur monnaie. La plupart des responsables français s’efforçaient de souligner que ni la Mauritanie ni Madagascar n’étaient des cas typiques et ne devraient donc pas être considérés comme des précédents. Néanmoins, il était probable que les pays africains verraient des précédents et jugeraient eux-mêmes si leur souveraineté nationale l’emporte sur la nécessité d’un soutien économique français.
Selon René Journiac, Assistant de Jacques Foccart, certains des pays les plus pauvres de l’Afrique chercheraient également des changements majeurs dans leurs relations avec la France, alors que des pays plus prospères comme la Côte d’Ivoire et le Gabon préféreraient maintenir des liens étroits avec la France. Ainsi, bien que les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre fassent partie de systèmes plus intégrés que Madagascar, de nouveaux retraits de la zone franc auraient de sérieuses implications sur la cohésion économique de la zone francophone.
En évaluant l’importance de la zone franc pour les intérêts français, il convient de noter qu’en 1972, la zone franc ne représentait que 9 pour cent des exportations françaises et seulement 6,36 pour cent de ses importations. Sur ce total, moins de la moitié est représentée par les anciennes colonies françaises d’Afrique noire. De tous les pays subsahariens de la zone franc, seul le Gabon avait un excédent significatif avec la France.
Ainsi, le commerce avec l’Afrique n’était pas d’une grande importance pour le commerce économique global de la France, et il était peu probable que la France aurait fait des concessions majeures.
Amadou O. Wane
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