vendredi 22 novembre 2024
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Arrêt de la Cour constitutionnelle : Le choc des arguments

Suite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui réfute la protestation de l’opposition parlementaire par rapport à l’article 118 mais prend en compte d’autres points pour renvoyer le texte à l’Assemblée Nationale pour relecture, Me Demba Traoré, membre du Directoire de l’URD, un parti membre de la plateforme « Antè, An banna- touche pas à ma constitution», se prononce. Lisez !

LE COMBAT: Quelle lecture faites-vous de l’Arrêt de la Cour constitutionnelle par rapport au recours des Députés de l’opposition ?

Me Demba Traoré: Ce qu’il est important de savoir c’est que le recours déposé par l’opposition parlementaire était articulé autour de deux grands blocs de protestations. Le premier bloc était relatif à la violation constatée par les Députés de l’articule 118 de la Constitution qui stipule qu’aucune procédure de révision ne peut être engagée quand l’intégrité du territoire est atteinte. Nous avons estimé que le Mali vit cette situation d’atteinte très grave à son intégrité territoriale depuis un certain temps. La Cour a estimé que tel n’est pas le cas. Elle s’est réfugiée derrière une prétendue définition du Droit international et, en même temps, elle a essayé de faire le parallèle entre ce qui se passe aujourd’hui au Mali et ce que le Mali a vécu en 2013. Quand vous analysez les motivations de la Cour constitutionnelle, vous  vous rendez compte qu’elle estime que la situation du pays en 2013 était beaucoup plus grave que ce qu’il vit aujourd’hui. Or, au moment où on tenait les élections générales en 2013 ; notamment, l’élection présidentielle, tous les Représentants de l’Etat étaient en poste dans toutes les Régions du pays.  A Kidal, le Gouverneur, le Préfet et le Sous- préfet étaient tous là-bas. Certains candidats ont même pu battre campagnes dans cette Région dont le candidat Ibrahim Boubacar Kéïta qui est le Président de la République aujourd’hui.  Il n’y a pas eu un seul jet de pierres à plus forte raison des coups de feu. Cela veut dire que le Mali exerçait sa souveraineté sur toute l’étendue du territoire national. Or, aujourd’hui, quand on se réfère à la seule déclaration du Président de la République qui dit qu’aucune «fanfaronnade politique» ne l’amènera à Kidal, vous comprendrez que cette Région du Mali s’est totalement détachée du reste du pays. Ç’a fait combien de temps que le Gouverneur, le Préfet et les Sous-préfets de Kidal sont réfugiés à Gao ? D’ailleurs, ce sont ceux-là qui ont été nommés il n’y a pas  longtemps. Sinon, certains de ceux qui étaient là il y a avant eux ont été assassinés en 2014 lors de la visite du Premier Ministre, Moussa Mara.

La référence au droit international pour rejeter l’article 118 est-elle juste ?

Nous estimons que c’est une jurisprudence très fâcheuse et très dangereuse. C’est une jurisprudence qui encourage les gens à perdurer dans la rébellion contre l’Etat. Puisque la Cour estime que ce n‘est rien du tout et qu’il faut qu’on soit agressé par une force étrangère. Alors que, dans le même Arrêt, on rappelle un avis de la Cour constitutionnelle, rendu le 13 mars 2012, sur le projet de révision constitutionnelle du Président amadou Toumani Touré qui avait évoqué le même article 118 pour dire qu’on ne peut pas faire de référendum. Pourtant le 13 mars 2012, aucune des Régions du Mali n’était pas encore tombée entre les mains  des forces du mal. C’est après les évènements du 22 mars que les Régions du Mali sont tombées une à une entre leurs mains. Le 13 mars c’était une opposition MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) contre les forces armées du Mali. C’était, donc, une rébellion sécessionniste qui avait attaqué et la Cour avait estimé qu’on ne pouvait pas tenir de référendum. Or, aujourd’hui, nous vivons une situation plus grave, le pire des cas. Parce que le pays est divisé en trois morceaux. Moi, je trouve que cette jurisprudence n’est pas la bienvenue dans le contexte actuel. Elle n’est pas bonne.

Vous parliez de deux blocs de contestations. Quel était le deuxième ?

Le second bloc s’articulait autour de la mouture présentée du texte qui n’obéit pas à la structuration appropriée d’un projet de loi référendaire. La Cour a reconnu et ordonné que cela soit corrigé. Ça c’est une victoire à ce niveau là. Nous avons également évoqué que la date indiquée au bas du projet qui n’était pas la bonne. Tout ça démontre la légèreté blâmable avec laquelle tout ce processus a été conduit au niveau du Gouvernement et de l’Assemblée Nationale. Il y a aussi un article qui a été évoqué dans le recours des Députés qui est relatif au mandat des Sénateurs nommés par le Président de la République qui n’avait aucune durée ; or, ceux qui sont élus l’étaient pour cinq ans.  Est-ce que ça veut dire que tous les jours le Président pouvait les changer ? Là également la Cour a reconnu.

Au vu de l’Arrêt, la Cour constitutionnelle n’a-t-elle pas voulu profiter du recours de l’opposition parlementaire pour se corriger elle même?

Elle a profité de ce recours pour elle-même se saisir du dossier pour retoquer certains  articles. Notamment, il y avait une contrariété entre deux articles en rapport avec la nomination des membres de la Cour Suprême. Elle a demandé à ce que ces insuffisances soient corrigées. Ce qui est important aussi, c’est que cet Arrêt nous a permis de savoir les éléments de réponses du Gouvernement apportés au recours. Le Gouvernement avait commencé par dire que la Cour elle-même n’était pas compétente pour examiner le recours des Députés de l’opposition. Quand j’ai vu ce passage dans l’Arrêt j’étais très surpris. Le régime IBK, si c’est eux qui peuvent contester, c’est bien. Ça c’est le principe qu’ils ont démontré aux Maliens.  A titre de rappel, en 2001, les Députés du RPM avaient déposé un recours contre le projet de loi référendaire du Président Alpha Oumar Konaré. Bien entendu, ce n’est pas sur la base de leur recours que ce projet a été déclaré inconstitutionnel. La Cour, dans son examen, a vu qu’il y avait une dissemblance et a rétorqué ce projet. Mais ils ont été reçus quand même dans leur action. Si ce sont ces mêmes gens qui gèrent le pays aujourd’hui et qui arguent que cette Cour, avec les mêmes textes de lois, n’est pas compétente pour examiner un recours similaire à ce qu’ils ont déposé en 2001, cela relève de la mauvaise foi. Pour eux, personne n’a le droit de contester ; mais, eux, ils peuvent contester. Ce n’est pas possible en démocratie.

Réalisée par Mohamed Dagnoko : LE COMBAT

Rédaction

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