Dite classée sans suite, un nouveau rebondissement dans l’affaire des équipements militaires fait la Une des journaux. Le Procureur de la République, Mamoutou Timbo, a éclairé l’opinion le 24 août 2021. Selon lui, le dossier du détournement d’une importante partie des fonds alloués à l’achat des équipements militaires dont serait responsable l’ancien ministre de la Défense et ancien Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga n’est pas clos, comme le fait croire certains médias et l’intéressé lui-même.
Au sujet de l’affaire dite des équipements militaires, Soumeylou Boubèye Maïga (SBM) s’était publiquement expliqué dans les moindres détails sur cette affaire rocambolesque. SBM avait même prétendu que certains s’en sont servis pour en faire un fonds de commerce politique.
Peut-être regrettera-t-il ses propos. Il s’est défendu publiquement sur cette “affaire en faisant comprendre qu’elle était classée sans suite’’. Soumeylou Boubèye Maïga venait de jeter un caillou dans la mare. Car le procureur lui a répondu sur la télévision nationale ORTM qu’il n’en est pas question. “Je m’inscris en faux contre cette information’’, a-t-il répliqué.
L’adoption de la Loi d’Orientation et de Programmation Militaire estimée à 1230 milliards de francs CFA était motivée par la situation de crise sécuritaire qui prévalait dans le Sahel et précisément au Mali. Toutefois, précise l’ancien Premier ministre surnommé le “Tigre’’, la réglementation en vigueur a été scrupuleusement respectée, en l’occurrence l’article 8 des marchés publics.
Selon SBM, le Bureau du vérificateur général a fait un contrôle de conformité ; la Cour suprême en a également fait. Mais les deux n’ont pas abouti aux mêmes conclusions. Il y a eu un parcours judiciaire. « J’ai été détenu pendant deux jours en France. Et puis il y a eu une procédure qui a été ouverte au Pôle économique où j’ai été entendu comme d’autres. En novembre 2018, la Cour suprême a rendu un arrêt qui a condamné l’État à payer ce qu’il devait payer. Le contentieux a fait appel. En mars 2018, la Cour suprême a confirmé son arrêt.»
« En mars dernier, la Cour suprême a pris un arrêt pour fermer définitivement ce dossier. C’était un instrument politique pour certains. Tout mon entourage a été écouté. La justice a été rendue sur la base du droit. Et il n’y avait aucune possibilité de manipulation politicienne. Si toutes les supplications étaient fondées, je ne serais pas là », s’est vanté le “Tigre’’.
Malheureusement, SBM, qui ne s’est “jamais préoccupé ni s’inquiété’’ dans cette affaire, car il avait toujours confiance en la justice, est à nouveau sur le banc des accusés. Pour cause, il y a un rebondissement dans l’affaire des équipements militaires et l’achat de l’avion présidentiel.
Selon le Procureur Général de la Cour Suprême, Mamoutou Timbo, ce “dossier n’était pas classé sans suite contrairement à ce que véhiculent certains médias’’. Selon lui, les enquêtes sont en cours et les personnes qui sont impliquées dans cette affaire répondront devant des juridictions compétentes.
“Les dossiers liés aux affaires de crimes commis lors des achats de l’avion présidentiel en 2016 et lors de l’achat d’importants équipements et de matériels destinés aux FAMa que ces crimes auraient fait l’objet de classement sans suite’’ est tout sauf une vérité. “Je m’inscris en faux contre cette information. Ce n’est pas de la bonne information, c’est une contrevérité’’, a fait savoir le Procureur. Ce denier a expliqué qu’à un moment donné, “sous l’ancien régime, les enquêtes avaient été menées parce que la presse fait l’écho de la commission de quelqu’un et qu’il avait été instruit au procureur de la République de pôle économique d’alors de classer l’affaire sans suite’’. Celui-ci s’est conformé aux instructions qu’il avait reçues des plus hautes autorités administratives dont il relève. Par la suite un autre ministre de la justice est arrivé et a estimé que cette affaire ne devait pas faire l’objet de classement sans suite et a donné des informations dans le sens contraire.
Selon le Procureur Général, “des enquêtes complémentaires ont été menées, des ministres qui devraient être entendus lors de la première enquête et qui n’ont pas été ont donc été entendus pour un complément d’enquête. La deuxième phase de l’enquête est venue avec de nouveaux éléments d’appréciations et, maintenant, les deux procès-verbaux d’enquête ajoutés au rapport du Bureau du Vérificateur général devaient constituer une moisson d’informations à laisser à l’appréciation de l’autorité compétente’’, précise le procureur. Le procureur général affirme que “les poursuites judiciaires sont déclenchées aux soins du procureur général de la Cour suprême’’ contre “les autorités gouvernementales’’ conformément à la loi.
“Un procureur de la République du pôle économique et financier ne peut ni classer sans suite ni déclencher l’action publique’’, clarifie le procureur Timbo qui ajoute que “l’appréciation d’éléments d’enquête ne relevait pas de son autorité, mais plutôt de l’autorité du procureur général de la Cour suprême’’.
Toutefois, le procureur général a fait des mises au point. Selon lui, la Haute Cour de justice n’étant pas fonctionnelle, parce que l’Assemblée nationale est dissoute, mais les magistrats qui doivent instruire les dossiers à travers le double degré de l’instruction sont à la Cour suprême. En clair, en l’absence de la Haute Cour de Justice, le travail de l’instruction se fait au niveau de la Cour suprême. Ainsi, cette absence, selon le procureur général, “ne signifie pas que nous devons rester dans l’impunité’’. Car, dit-il, “au bout de dix ans, si les affaires ne sont pas jugées, les faits seront prescrits, on ne peut plus les poursuivre’’.
Cette procédure est une jurisprudence tranchée depuis les années 80, précise le procureur général. “Si on reste comme ça, l’opinion publique ne comprendra pas cette attitude d’attentisme de notre part, mais encore les faits seront prescrits et au bout de dix ans on ne pourra plus reprocher quoi que ce soit’’, a-t-il conclu.
Kevin KADOASSO LE COMBAT