La révision de la constitution du 25 février 1992, bien que nécessaire après 25 ans de pratique démocratique et au regard de l’évolution du monde, divise fortement l’opinion malienne. Elle oppose les partisans du oui aux défenseurs du non. Ainsi, depuis l’annonce de la date du referendum jusqu’au report sine die, le front politique n’a pas connu d’apaisement. Marches et meetings se succèdent, entrecoupés des débats parfois virulents sous le regard médusé du chef de l’Etat, garant de l’unité et de la cohésion nationales. Pourquoi une telle crispation de la scène politique malienne ? Voici cinq grosses erreurs commises en amont par le gouvernement.
Première erreur : le manque de dialogue pour un large consensus. La précipitation avec laquelle le gouvernement voulait faire adopter la nouvelle constitution, sans une large concertation de toutes les sensibilités afin de gagner le pari de l’adhésion massive comme en 1992. Le texte élaboré en catimini n’a été découvert par le public qu’après son adoption par l’Assemblée Nationale et la fixation de la date du referendum.
Deuxième erreur : le choix des hommes chargés de piloter un projet d’une telle envergure. Le Président de la République n’avait jusque-là pas compris la signification de son plébiscite en 2013, celle d’opérer une rupture avec les pratiques d’antan et les hommes qui les ont incarnées. Vouloir confier la mise en œuvre de la révision constitutionnelle à deux hommes politiques aussi marqués que Me Kassoum Tapo et Tiéman Hubert Coulibaly est incompréhensible pour des gens qui s’attendaient à une autre politique que celle consistant à faire du neuf avec du vieux.
Troisième erreur : les nouveaux pouvoirs du Président de la République, tels que la désignation du tiers des membres du Sénat, la nomination du président de la Cour constitutionnelle, la révision de la Constitution par le parlement réuni en congrès ont été perçus comme exorbitants aux yeux des contestataires. En fait, la gouvernance IBK s’étant illustrée par des choix contestables de personnes très peu indiquées pour les postes ont fait dire à plus d’un que le Mali est sous le joug de la FIA (Famille IBK et Alliés). Dans ce contexte, élargir son champ de nomination a été perçu comme des pouvoirs exorbitants accordés à un chef qui ne pense qu’aux siens.
La quatrième erreur : Le choix du moment. L’insécurité que certains ont qualifié de « résiduelle » a pour résultat de priver une bonne partie du pays de l’Administration d’Etat, empêchant ainsi un grand nombre de citoyens d’user de leurs droits de vote. Au moment où cette insécurité va croissante, avec des attentats quasi quotidiens, le souci de légitimité et d’inclusivité ne peut s’accommoder avec une consultation électorale organisée au forceps.
La cinquième erreur : la non implication des groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Quand on sait que c’est la mise en œuvre de l’Accord qui constituait le principal argumentaire de la révision constitutionnelle, ne pas impliquer les groupes signataires, c’était prendre un risque de le voir rejeter. Ce qui fut fait avec la déclaration de la CMA, laquelle affirme ne pas se reconnaitre dans la nouvelle constitution et vouloir s’opposer à la tenue de referendum dans les zones qu’elle contrôle.
Youssouf Sissoko
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