Le français courant, « langue d’expression de la République » possède, aux dires de ses spécialistes, une qualité : la rigueur. Toujours, d’après ces spécialistes, cette qualité lui est conférée par ce qui est présenté comme ses caractéristiques : la clarté, la précision, la concision, la simplicité et la composition méthodique. Nos autorités, tous intellectuels pratiquant la langue de Racine l’auraient-ils oublié ? Surtout, auraient-elles oublié cette mise en garde d’André Maurois : « Si les hommes comprenaient mieux les dangers que comporte l’emploi de certains mots, les dictionnaires, aux devantures des librairies, seraient enveloppés d’une bande rouge : « Explosifs. A manier avec soin. »
Donc, au début du mois de décembre 2016, nos autorités ont signé un document avec l’Union Européenne. Notre partenaire le considère comme un « accord » ; nous le considérons comme un « communiqué ». Ne nous faisons pas d’illusion : nous nous sommes laissé piéger, notre partenaire a beau jeu. En effet, « accord » ou « communiqué », notre signature figure au bas d’un document produit sur papier à en-tête. Un tel document ne peut plus être considéré comme un simple chiffon de papier : notre signature nous engage.
Nous en sommes si conscients, du reste, que nous avons commencé à mettre en application un point d’accord du document source de quiproquo : nous avons dépêché des hommes en Allemagne pour aider à l’identification de certains de nos concitoyens en situation irrégulière de l’autre côté du Rhin et à leur expulsion, mot dont la signification est atténuée par l’euphémisme « réadmission ».
Cela fait un mois que le débat sur le sujet suscite des prises de position, des accusions, des justifications, des dénégations. Nos autorités, à travers ce débat, ont fait songer au lion de la fable affolé par le moucheron : plus elles se justifient, plus elles s’empêtrent.
Cependant, il n’est pas question, à travers ces lignes, de prendre part au débat, mais d’attirer l’attention sur ce qui, pour nous, peuples du Sud, en particulier, d’Afrique subsaharienne s’assimile à des leurres.
Leurre que de croire qu’il existe deux formes d’immigration : la régulière et l’irrégulière. Il n’existe que l’immigration avec ses deux manifestations : celle qui pousse des jeunes gens désespérés à vouloir gagner l’Europe au péril de leur vie, pour y hypothéquer leur force de travail et celle qui pousse des bardés de diplômes à s’expatrier pour aller monnayer, sous d’autres cieux, leurs compétences contre espèces sonnantes et trébuchantes. La première manifestation est vigoureusement combattue par nos « partenaires’ du Nord, la seconde est encouragée par les mêmes « partenaires ».
Leurre que de croire que nous pouvons combattre l’immigration. Le Mali a, de tout temps, été une terre d’émigration. Certes, aujourd’hui, elle est due à notre pauvreté. Mais, qui est responsable majeur de cette pauvreté ? Ceux qui, cinq siècles durant, nous ont imposé, d’abord, le « combat du pot de terre contre le pot de fer » ; ensuite, « l’alliance entre le cavalier et son cheval. » Eux ont la solution. Il leur suffit de mettre fin à « l’échange inégal » plutôt que nous sustenter pour mieux nous exploiter.
Leurre que de croire que nous bénéficions d’une certaine considération parce que nous sommes invités à participer à des négociations que sanctionnent des communiqués conjoints. S’ils le veulent, nos « partenaires » pourraient s’en passer. N’avons-nous pas encore en mémoire l’ « affaire des 101 Maliens » expulsés de France par Charles Pasqua en 1986 ?
LA REDACTION