Maintien, retrait, réduction des troupes. Ils sont exigés par l’opposition française. Un débat sur la présence française au Mali est de saison au Parlement. Cela, au moment où les tensions s’accentuent entre Paris et Bamako avec l’expulsion de l’Ambassadeur français.
Après l’expulsion de l’ambassadeur de France du Mali par les autorités maliennes de la transition, l’opposition française est quasi unanime pour un désengagement progressif de la France dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Elle obtient un débat au parlement en pleine campagne présidentielle.
«Le Parlement évidemment mérite d’être parfaitement informé » et « le gouvernement organisera un débat » sur « ce sujet extrêmement important », a annoncé ce mercredi le Premier ministre, Jean Castex au Sénat, pressé par l’opposition qui a dénoncé une « humiliation ».
À 67 jours du premier tour, la situation au Sahel s’est invitée dans la campagne, dans un contexte d’extrême tension entre Paris et Bamako depuis un premier putsch en août 2020 puis en mai 2021, sur fond de déploiement de mercenaires russes dans ce pays du Sahel et après le renvoi du contingent danois de l’opération internationale antijihadiste Takuba.
Désengagement de la France au Mali
Engagée militairement contre le terrorisme au Mali et au Sahel depuis 2013, notamment avec la force Barkhane, « la France a perdu une influence folle en Afrique », estime Marine Le Pen, pour qui le comportement du Mali doit susciter « une réponse extrêmement ferme » de la part de Paris.
Pour la candidate RN, si le gouvernement malien souhaite faire appel à d’autres États pour assurer sa défense, il en va de sa souveraineté. Elle a de nouveau suggéré mardi de mettre fin à l’aide internationale à destination du Mali. « Nos soldats meurent pour un pays qui nous humilie », a dénoncé lundi son concurrent à l’extrême droite Éric Zemmour. Un soldat français est mort samedi 29 janvier au Mali dans une attaque au mortier, le 53e tué au combat au Sahel depuis 2013.
De son côté, l’insoumis Jean-Luc Mélenchon a dit le « chagrin » que lui inspire la situation. « Nous avons perdu plus de 50 personnes là-bas, nous finissons dans un imbroglio qui n’est pas digne », a-t-il regretté mardi lors d’une rencontre avec l’Association des journalistes de défense (AJD).
Depuis longtemps hostile à la présence de troupes françaises au Mali, le candidat LFI considère que « tout cela est très mal engagé et qu’il faut se retirer de là ». Le candidat PCF Fabien Roussel a également plaidé pour « sortir » du Mali « de manière progressive ».
Yannick Jadot, le candidat écologiste, a aussi préconisé sur RTL mercredi le « repli de leurs soldats sur d’autres pays » et que ceux au Mali soient maintenus « dans les camps, les casernes ».
À droite, la candidate LR Valérie Pécresse a critiqué un manque d’anticipation de l’exécutif. « Il ne faut pas quitter le Sahel, mais la question de notre maintien au Mali est clairement posée », a-t-elle déclaré mercredi sur CNews, avant d’ajouter « n’avoir pas vocation à rester dans un pays qui ne veut pas d’eux ».
Nécessité du maintien des forces françaises
La candidate PS, Anne Hidalgo, a pour sa part, mis en avant lundi sur RTL la nécessité de maintenir une présence française au Mali, pour leur sécurité, même si elle n’a pas nié qu’il faille adapter cette présence.
Le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, avait rappelé mardi que la France avait progressivement réduit la voilure et qu’elle allait continuer à le faire puisque les forces Barkhane passeront de 5 000 hommes à l’été 2021 à 3 500-4 000 à l’été 2022.
À l’issue du Conseil des ministres, il a fustigé des propos d’estrade sur des sujets graves de candidats. Citant ensuite Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour, qui probablement se disent que, pour construire une stature présidentielle, il faut avoir des propos forts sur la situation internationale.
C’est une évidence que cette situation profite aux opposants d’Emmanuel Macron pour prouver aux Français l’incapacité de ce dernier de mener la politique étrangère de la France.
Gabriel Attal a notamment ironisé après avoir vu une candidate se scandaliser : « Nous ne renvoyons pas l’ambassadeur du Mali en France alors qu’il n’y a plus d’ambassadeur du Mali en France depuis deux ans », en allusion à Marine Le Pen et Valérie Pécresse. « D’ici la mi-février, on va travailler avec nos partenaires pour voir quelle est l’évolution de notre présence sur place et prévoir une adaptation », a précisé Gabriel Attal, tandis que Berlin a aussi affirmé ce mercredi que l’engagement militaire des Européens au Mali devait être réévalué.
Bourama KEITA LE COMBAT