L’Agence Nationale de l’Aviation Civile (ANAC) est l’une des plus importants services du Mali, avec pour mission, de participer à l’élaboration des éléments de la politique nationale en matière d’aviation civile et d’en assurer la mise en œuvre et le suivi. Mais ce service, ploie sous l’effet de la plus pernicieuse forme de corruption systématique, adoptée sur les plans, financier et technique de chaque travail ou paiement organisé par l’ANAC.
Le cas de corruption décelé par le Bureau du Vérificateur Général (BVG) à l’ANAC, est relatif à l’opération d’exécution des marchés et au paiement des mandats. Pendant les exercices 2017, 2018 et 219 soit 3 ans de gestion, le DG de l’ANAC, Monsieur Oumar Mamadou Ba et ses hommes, ont occasionné une perte sèche de 343 millions FCFA (343 730 565 F) pour cette structure étatique.
Le transport aérien reste un socle de la politique nationale et l’aviation civile joue un rôle important dans le développement économique et le progrès social des populations du Mali. Cependant, comme toute activité économique, son développement doit s’inscrire dans un cadre durable. Et sa mise en œuvre doit permettre de satisfaire, de manière durable, les besoins de mobilité des populations à des coûts raisonnables. Mais contre toute attente, l’espoir suscité par cette démarche auprès des maliens a viré au cauchemar. Raison invoquée par les enquêteurs : l’utilisation des fonds de l’ANAC à d’autres fins que les besoins réels de la structure. Autrement dit, l’argent coule de source et dans d’autres sources.
De la mauvaise gestion à ciel ouvert
La vérification financière de l’ANAC a permis de mettre en exergue des irrégularités financières, qui s’élèvent à 343,73 millions FCFA et sont relatives aux créances non-recouvrées; aux pénalités non retenues sur les marchés publics ayant accusé des retards dans leurs exécutions auxquelles il faut ajouter les dépenses de mission non justifiées. Pire, les enquêteurs ont mis à nu des irrégularités administratives ; notamment, le non-respect des dispositions du manuel de procédures, le non renouvellement du mandat du PCA et les dysfonctionnements dans les traitements et enregistrements comptables des comptes créances de l’ANAC. À ces insuffisances, il faut ajouter, le cumul de fonctions des agents de facturation à l’Aéroport International Modibo Keita, le non-respect des procédures de passation des marchés publics et l’insuffisance de sécurité à l’aéroport de Sikasso ainsi que le non-respect du décret fixant la rémunération du PCA.
À cet effet, le Président du Conseil d’Administration (PCA) de l’ANAC bénéficie, depuis 2017, d’une indemnité de responsabilité et de représentation dont le taux mensuel est fixé à 900 000 FCFA. En plus de ce montant fixé, le PCA bénéficie, également, d’autres avantages comme l’indemnité compensatrice de logement, l’électricité, l’eau, le téléphone et la souscription à l’assurance maladie. Le non-respect des dispositions réglementaires relatives aux avantages accordés a entraîné l’ANAC à faire des paiements de dépenses indues.
Décidemment, la gestion de l’Agence Nationale de l’Aviation Civile est comparable à celle d’une épicerie. Du coup, le Directeur Général, M. Oumar Mamadou Ba, ne procède pas au recouvrement des créances en souffrance.
En effet, pour voir clair dans la gestion de l’ANAC, l’équipe de vérification a analysé la situation des créances de la période sous revue. Elle a rapproché les informations des comptes de tiers du grand livre à celles des comptes de gestion de l’Agent Comptable, Moussa Ouologuem, et a aussi demandé les supports des actions mises en œuvre par la direction de l’ANAC pour recouvrer lesdites créances.
Du coup, la mission d’enquête a constaté que l’ANAC n’a pas utilisé toutes les voies de recours pour recouvrer ses créances en souffrance. Cependant, la situation des créances à recouvrer dans les grands livres et dans les comptes de gestion, au titre de la période sous revue, font apparaître un montant de 221 millions FCFA (221 997 058F). Malgré cette créance en souffrance, il n’existe nulle part d’actes du Dg Oumar Mamadou Ba permettant à l’administration malienne d’entamer le recouvrement de ces créances. Et pour faire distraction, l’ANAC a procédé au recouvrement d’un montant de 250 000 FCFA, suite à la production du rapport provisoire du BVG. Aussi, elle a remis à un huissier de justice le reste des dossiers de créances non recouvrées. Le montant total non recouvré s’élève à 221,7 millions FCFA (221 747 058F).
Plus grave encore, les enquêteurs ont découvert que la commission d’ouverture des plis et d’évaluation des offres a l’ANAC a, irrégulièrement, éliminé un candidat, lors de la passation d’un contrat. L’offre de ce candidat le moins disant a été disqualifiée suite à une augmentation d’un million de FCFA par la commission. Ainsi, d’un montant de 24 millions FCFA (24 170 344F), l’offre la moins disante a été portée à 25 millions (25 170 334F) de nos francs. En conséquence, le candidat le mieux disant a été éliminé au profit du candidat qui a fait l’offre d’un montant de 24 900 000 FCFA.
Des entorses à l’orthodoxie financière
La gestion de l’Agent Comptable de l’ANAC, Moussa Ouologeum, dépasse l’entendement. Pour s’assurer du respect des dispositions contractuelles, les enquêteurs ont examiné 32 marchés de travaux et de fournitures, les lettres de notification, les ordres de service, les procès-verbaux de réception provisoire et les mandats de paiement. Bien plus, ils ont rapproché la date de l’Ordre de Service ou de la notification définitive à celle de la réception provisoire pour chaque marché analysé et procédé à des entrevues et évalué ces pénalités. Du coup, la mission de vérification a remarqué que l’Agent Comptable, Moussa Ouologuem, n’a pas appliqué les pénalités de retard sur cinq (5) marchés dont les réalisations ont accusé un retard allant de 37 à 502 jours pendant la période sous-revue. Le montant total des pénalités s’élève à 112 millions FCFA (112 188 507F). Et ce n’est pas tout. Loin s’en faut.
Même la non-justification des frais d’hébergement par l’Agent comptable de l’ANAC, n’est pas de nature à tempérer les curiosités. Cependant, l’équipe de vérification, pour s’assurer de la régularité et de la sincérité des indemnités de déplacement octroyées lors des missions, a procédé à un examen des pièces justificatives des missions et a effectué des entrevues. Elle a constaté, pour les exercices 2017 à 2019, que des avances faites au personnel de l’ANAC pour les frais d’hébergement ne sont pas toujours justifiées au retour des missionnaires. Le montant de ces frais d’hébergement payés et non justifiés s’élève à 9,7 millions de nos francs (9 795 000 FCFA). Autant de fraudes et de magouilles qui ont occasionné une saignée financière de 343,73 millions de francs CFA pour le Trésor.
D’où le lieu pour le Vérificateur général de transmettre et de dénoncer des faits au Président de la Section des Comptes de la Cour Suprême et au Procureur du Pôle Économique et Financier de la Commune III portant, entres autres, aux créances non recouvrées pour un montant de 221 millions FCFA ; aux pénalités de retard non retenues pour un montant de 112 millions FCFA ; et aux frais d’hébergement non justifiés pour un montant de 9 millions de nos francs.
Depuis, le DG de l’ANAC, Oumar Mamadou Ba et son Agent Comptable, Moussa Ouologeum ; ainsi que leurs complices ne dorment plus que d’un œil.
Dossier à suivre !
Cyrille Coulibaly LE NOUVEAU REVEIL