La ministre française des Armées est arrivée depuis mercredi dans notre capitale, Bamako avec ses homologues estonien et tchèque pour, disent-ils, annoncer la pleine capacité de « Takuba », unité de forces spéciales européennes censée former l’armée malienne au combat face aux djihadistes, a indiqué le ministère. Cette visite se fait en pleine polémique sur des frappes de Barkhane à Bounty.
Florence Parly, Kalle Laanet et Lubomir Metnar ont rencontré notamment hier jeudi 1er avril 2021, le président de la transition Bah N’Daw et le ministre malien de la Défense Sadio Camara. Avec les autorités de la transition, indique le communiqué du ministère, la délégation européenne va “annoncer la pleine capacité de « Takuba », unité de forces spéciales européennes censée former l’armée malienne au combat face aux djihadistes’’. La force Takuba, soulignons-le, est annoncée depuis le sommet de Pau en France, depuis plus d’un an, au mali pour combattre efficacement les terroristes. Cette force que certains observateurs qualifient de “gadget’’, peine à prendre forme avec des barrières que l’on ne dit pas. Un commandement unique des forces qui ne parle pas la même langue sur le terrain est un échec programmé.
Toutefois, le contexte ne s’y prête pas pour une visite de ce genre dans la mesure où une polémique sur les frappes de Bounty est soulevée par le rapport d’enquête des Nations Unies. Rencontrer les autorités de la transition au lendemain de la publication d’un rapport des Nations unies faisant état de la mort de 19 civils lors d’une frappe de la force française Barkhane, alors que Paris réfute avec vigueur toute bavure et persiste et signe que la cible était bien des terroristes.
« Les trois ministres acteront la pleine capacité opérationnelle de la Task force Takuba, étape majeure pour ce regroupement inédit d’unités de forces spéciales européennes au Sahel », précise le communiqué du ministère français des Armées. « Cette étape est majeure d’un point de vue tactique et opérationnel, il s’agit également d’un symbole fort ».
Cependant, à Bamako, cette visite est diversement appréciée. “Ils sont pris au piège et tentent par tous les moyens de s’échapper et fuir toute responsabilité dans cette frappe’’, affirme un membre de la société civile malienne ayant préféré l’anonymat. Selon toujours la même source, « la France joue à la diversion pour essayer d’étouffer l’affaire, mais le monde entier est déjà au courant de cette bavure de Bounty qui d’ailleurs n’est la première ni la dernière ». La présence des trois ministres est considérée au sein de l’opinion comme une « farandole des complices ».
Outre les Tchèques et les Estoniens, des soldats suédois et italiens participent à l’opération sur laquelle Paris compte beaucoup pour partager avec ses partenaires, le fardeau de la lutte contre les djihadistes liés à Al-Qaïda et au groupe État islamique. Les ministres se rendront ensuite auprès d’unités sur le terrain.
Pour rappel, mardi, une enquête de la Mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) a conclu que la frappe aérienne conduite par Barkhane le 3 janvier dernier avait tué 19 civils au cours d’un mariage. Le rapport constitue la plus grave mise en cause d’une opération française par les Nations unies depuis le début de l’engagement de Paris au Sahel. Le ministère français des armées a réfuté avec force ses conclusions en maintenant que: « le 3 janvier, les forces armées françaises avaient effectué une frappe aérienne ciblant un groupe armé terroriste identifié comme tel » et non des civils, près de Bounty en émettant « de nombreuses réserves quant à la méthodologie retenue » par les enquêteurs de l’ONU.
Au Mali et ailleurs, la présence française est mal vue. Le 26 mars, un mouvement avait rassemblé les jeunes dans la capitale de Bamako pour réclamer le départ des troupes étrangères sur le sol malien. Toujours au Sahel, des voix de personnalité y voient un échec de Barkhane dans la lutte contre les djihadistes.
Le nouveau président du Niger Mohamed Bazoum a estimé à cet égard lundi dernier qu’un retrait partiel de Barkhane n’aurait pas « grand effet » sur le terrain si l’appui aérien demeure en qualifiant la présence militaire française d’ « échec relatif ».
Bourama Kéïta LE COMBAT