Le Mali est désormais à un tournant très décisif, voire historique de sa vie politique depuis la prise du pouvoir par une junte militaire le 18 Août 2020. Le coup d’Etat, puisque c’est de cela qu’il s’agit, a fini par discréditer la classe politique, nouvelle comme ancienne, au point que l’opinion publique pense que nul, parmi les leaders politiques, ne jouit d’une certaine crédibilité pour diriger la transition. Pour avoir été déçue par la classe politique toutes tendances confondues, une très grande frange de l’opinion nationale est favorable à la gestion de la transition par les militaires, ne serait-ce que pour mettre de l’ordre et assainir l’administration. Qu’est qui pourrait expliquer cette grande désillusion des citoyens maliens vis-à-vis de leur classe politique ? Sont-ils tous corrompus au point de ne pas leur faire confiance ? Le Mali souffre-t-il véritablement d’une crise de leadership politique ?
Le coup d’Etat ou coup de grâce perpétré par Assimi Goita et ses compagnons d’armes du CNSP, comme d’ailleurs celui du capitaine Amadou Haya Sanogo et ses frères d’armes du CNRDRE en 2012, ont mis à nu toutes les tares de la classe politique malienne. Et pourtant, qu’on ne se méprenne point sur la gestion d’un pays est l’affaire des hommes politiques. Deux raisons fondamentales pourraient expliquer le discrédit des hommes politiques maliens. D’abord l’appât du gain facile. Ils sont très nombreux pour ne pas dire tous à être inconstants et ne changent qu’en fonction de la direction du vent, foulant ainsi au pied la morale, l’éthique et la conviction. Sinon, comment comprendre que ceux qui se sont battus corps et âme pour que l’ancien Président de la République, IBK, ne tombe pas, puissent être au premier rang dans la salle où il était question de parler de l’après IBK et de sa gestion calamiteuse du pays ? Pour rappel, Il n’y a pas que du côté des IBKistes qu’on constate cette indignité, mais même du côté du M5 RFP, ce mouvement qui a fait rêver le peuple malien par la noblesse de son combat, est en train de mourir de sa belle mort à cause des contradictions, des dissensions et des calculs politiciens de ses leaders. Les responsables du M5 RFP, excepté l’Imam Dicko, sont à Hue et à Dia sur qui doit gérer la transition. Pour certains opportunistes, il faut laisser les militaires la diriger, même si le peuple va en pâtir. Par contre, pour d’autres, il faut un civil conformément à la charte de la CEDEAO à laquelle le Mali a volontairement souscrit. La deuxième raison fondamentale du discrédit des hommes politiques maliens est leur versatilité. Jamais la politique n’a autant été synonyme de mensonge, de retournement de veste, de trahison, d’inconstance, que sous l’ère démocratique. Les hommes politiques ont foulé aux pieds toutes les valeurs de probité, de droiture, d’honnêteté, d’amour pour la patrie pour n’être guidés que par la seule volonté de se servir. En se comportant ainsi ils feignent d’oublier qu’ils sont observés de près par le peuple. Le chat échaudé craignant l’eau froide, le peuple malien en a marre de sa classe politique qui l’a longtemps floué, d’où sa volonté de permettre aux militaires de gérer la transition quel que soit les conséquences.
En somme, le rêve suscité par le Mouvement du 5 juin Rassemblement des Forces patriotiques est en passe de devenir une immense illusion, car c’est un M5 RFP affaibli par les désaccords internes entre ses leaders et divisé sur la question essentielle, qui est : qui doit diriger la transition et qui a participé aux concertations nationales.
Youssouf Sissoko