«L’ascenseur n’est pas descendu comme souhaité»
La loi n°2015-052 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives a été votée sous l’ère d’Ibrahim Boubacar Kéïta. Les femmes se réjouissent de cet acte. Mais, cependant, elles attendent avec impatience la concrétisation de cette volonté politique. Pour la Présidente de la Plateforme des femmes leaders du Mali, Mme Doumbia Mama Koité, il est aussi temps que l’Etat se penche encore plus vers les victimes de la crise au nord du pays. Interview !
LE COMBAT : Que pensez-vous des trois ans du Président IBK au pouvoir dans le domaine de la promotion de la femme ?
Mme Doumbia Mama Koité: Pendant ces trois années, le Président Ibrahim Boubacar Kéïta a pu, au moins, faire voter la loi n°2015-052 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives. Certes, une avancée notable mais la-non adoption de son Décret d’application nous laisse croire à une chimère.
Nous attendons avec impatience la concrétisation de cette volonté politique. Cependant, il reste à lui de donner le ton par un signal fort dans ses nominations et désignations de femmes et d’hommes capables. Notre combat n’est pas pour la promotion de toutes les femmes et de tous les hommes mais de ceux ou celles qui ont des compétences avérées. Il n’en manque pas dans ce pays. Seulement le hic est que souvent ceux-ci ou celles-là ne sont pas tous visibles au sein des partis politiques et c’est là où la pioche laisse de côté certaines compétences féminines.
Concrètement, qu’est-ce qu’IBK a fait pour les femmes maliennes depuis qu’il est au pouvoir ?
Si l’on prend les résultats des élections de 2013, par exemple, le pourcentage des femmes et des jeunes frôle les 60%. L’ascenseur n’est pas descendu comme souhaité. Les Femmes et les filles maliennes ont été les plus touchées dans cette crise au Nord Mali. Il fallait un vrai plaidoyer politique pour elles. La dénonciation ne suffit pas, il faut que justice soit faite et surtout l’appui conséquent. Les victimes sont abandonnées et les femmes sont nombreuses dans les rangs des réfugiés dans les pays voisins.
Les Femmes ne sont pas impliquées dans les instances de prise décisions dans le processus de mise en œuvre de l’Accord de Paix. Ce qui montre un manque de volonté politique. Alors que la Femme est vectrice de Paix.
La Loi sur la promotion du genre n’est que justice rendue après tant de ratification d’instruments juridiques et de promesses. Cependant, elles sont déçues de façon générale si cette loi n’arrive pas à atteindre les objectifs escomptés.
Le Fonds d’Autonomisation de la Femme et l’Epanouissement de l’Enfant (FAFE) est, certes, une contribution à l’épanouissement économique de la femme ; mais, faudrait-il que la répartition soit équitable entre tous les groupes et cela de façon graduelle et sur toute l’étendue du territoire national. Il ne serait pas séant que cela prenne un caractère électoraliste. En luttant contre la corruption, on peut autonomiser plus de femmes et de jeunes qui végètent dans la misère dans ce pays.
Aujourd’hui, les défis restent énormes, que faut-il faire alors pour un plein épanouissement de la femme malienne ?
Il faut passer des discours aux actes. Aller au-delà des intentions et faire des vrais programmes inclusifs et intégrés pour les femmes. Nous sommes actrices du développement. Le potentiel humain féminin est très important au Mali. Ce pays ne peut, donc, se construire sans les femmes. Dans le secteur informel, les femmes sont plus nombreuses mais sans aucune protection sociale.
La politique du micro crédit ne parvient pas à résoudre réellement les problèmes. Il faut donner des opportunités économiques et financières plus importantes. Il faut que la budgétisation sensible au genre soit prise en compte au niveau macro mais aussi sectoriel.
Notre poids démographique est une opportunité, Il suffit juste de l’exploiter à bon escient. Il faut sortir la Femme du statut de victimisation à d’actrice de développement capable de contribuer, d’apporter sa pierre angulaire à l’édifice national. Il faut changer de gouvernance et trouver des femmes et des hommes capables d’impulser cette vision. Le Mali a besoin de tous les bras de ses fils et filles pour se hisser au niveau des pays qui aspirent à l’émergence.
La crise malienne a beaucoup affecté les femmes aussi bien dans les Régions du Nord qu’un peu partout à travers le reste du pays? Comment faire aujourd’hui pour mettre les femmes victimes de la crise dans leurs droits ?
La loi votée pour l’indemnisation est très incomplète. Il faut la relire. Il faut que l’Etat prenne en premier lieu ses responsabilités pour protéger et aider ses populations ; surtout les fragiles dont les femmes.
L’aide apportée aux populations est insignifiante et non proportionnelle. Les attentes ne sont pas que de natures. Il faut des soins psychologiques, physiques et des appuis matériels. Heureusement que les ONG sont en train de soutenir fortement et de façon pratique des victimes.
L’Etat doit démontrer sa capacité de résoudre ces problèmes et les autres ne doivent venir qu’en appoint. Le Mali tient à sa propre gouvernance. La bonne gouvernance peut attirer plus de partenaires techniques et financiers pour appuyer nos programmes d’activités.
Je suis élue au niveau de la Codirection du Fonds d’indemnisation des Victimes de la CPI/TFV-CPI qui va intervenir au Mali ; mais, faudrait-il que des mesures appropriées soient prises pour montrer sa disponibilité et son engagement à profiter du mécanisme en question. Ce Fonds ne viendra que dans la complémentarité. Certes, tout est prioritaire au Mali; mais, les souffrances humaines sont encore plus importantes et ne doivent pas rester sous silence.
Réalisée par Salimata Fofana et Adama Amadou Haïdara: LE COMBAT