Une fois encore, le citoyen malien assista hagard à des alliances défiant toute logique politique lors des législatives. Qualifiées depuis bien longtemps d’alliances contre natures, elles font désormais partie du paysage électoral malien. Alors que chaque république a pris le temps et fourni les efforts nécessaires pour s’approprier la démocratie, il serait judicieux de s’interroger quelle est la compréhension malienne de ce système politique universel. Et ce, plus de trente ans après l’avènement d’une démocratie qu’on saurait difficilement définir.
Si la démocratie était une religion, le politicien malien serait un grand pêcheur. Grand blasphémateur devant l’éternel, il n’hésiterait pas à faire un pacte avec le démon dans le seul but de parvenir à ses fins. Il se rend coupable d’inceste politique, de prostitution politique, et même d’adultère politique. Pardonnez ces mots qui frisent la vulgarité. Mais comment peut-on autrement qualifier un être humain qui méprise la baraka du modeste citoyen, remue dans la boue sa dignité uniquement pour jouir de quelques privilèges éphémères. Eh oui, il est fréquent d’entendre dans les causeries réchauffées par les braises servant à faire du thé vert, que le politicien malien ne craint point Dieu. Et qu’il serait même le disciple de Satan puisqu’il est passé maître dans l’art de travestir la vérité.
Trêve de littérature, appelons les mots par leurs vocables. Les partis politiques qui écument le paysage politique malien sont-ils mus par une quelconque idéologie ? Au vu de ces législatives, et des autres échéances électorales passées, la réponse est un grand non. Et si idéologie il y a, elle n’est certes pas politique ni civique. Qu’est-ce qui motivent donc ces énergumènes qui s’agitent partout pour avoir une place à l’ombre ? C’est certainement cela, une place à l’ombre ! Un poste juteux qui ouvrirait la porte sur autre poste, encore plus juteux, et ainsi de suite. Quid alors de l’intérêt national ? Existe-t-il vraiment ? Probablement pas. Ou peut-être uniquement dans l’esprit des rares patriotes encore debout dans le sérail politique. Mais ils sont si peu nombreux que leurs voix deviennent inaudibles.
Que faire alors pour pallier à un tel drame ? Il faudrait très certainement amorcer un travail de longue haleine de sorte que le résultat qui en serait issu soit le plus durable possible. En plus de l’éducation civique dispensé sur beaucoup de nos bancs, pourquoi ne pas ajouter celle politique, de manière à inculquer à nos plus petits la bonne attitude en matière de politique. Ils grandiraient avec la bonne acception de la matière et seraient mieux outillés à faire face aux thématiques de la gouvernance du pays. De même, quand ils seront plus grands, ils sauront assez facilement que chaque formation politique est mue par une idéologie qui en fait son identité. Et de fil en aiguille, ils pourront forger une démocratie malienne, celle qui nous sied presqu’à merveille. Ce dernier travail de customiser notre système politique, ses bases peuvent être jetées dès maintenant. Il s’agira de déclencher un véritable travail d’orfèvre qui devra être accompli avec minutie.
De nos jours, le constat fait froid dans le dos. Les militants à la base sont très peu formés aux aspects de civisme et d’idéologie politique. Les chefs de partis sont plus préoccupés à agrandir leur cercle d’influence au sein d’un système de petits arrangements. En même temps, le citoyen lambda est partagé entre se battre pour intégrer ce cercle fermé de sorciers « choubaga ton » et un désintérêt total pour la chose politique.
Bâtir la démocratie malienne en forgeant un système politique adapté, une autre urgence du Mali contemporain.
Ahmed M. Thiam