Ibrahim Boubacar Keïta et son Premier ministre sont-ils suffisamment conscients de l’imminence du mois de ramadan et de la nécessaire quiétude que ce mois béni requiert? Il convient d’en douter.
Sans le moins du monde tenir compte du calendrier des événements religieux majeurs, le pouvoir a choisi de gérer les crises par la force. Ce qui, à l’état actuel de la vie de la nation, provoque plus de mécontentements que de sérénité.
Le peuple, de plus en plus offusqué par la mal gouvernance ambiante avec les drames multiples qu’elle provoque, perd chaque jour l’espoir d’une sortie de crise salutaire. L’idée que ceux qui gouvernent ont peu souci du bonheur du plus grand nombre se répand comme une traînée de poudre. La conséquence la plus immédiate est la rupture de la confiance entre gouvernants et gouvernés, condition commode aux suspicions de tous ordres.
Il ne s’agit d’ailleurs pas que de suspicions exacerbées par une constante montée d’adrénaline populaire. Les faits militent largement pour la culpabilisation de l’État, qui se révèle incapable de lutter efficacement contre la corruption, l’insécurité et le mal-vivre général, sinon quotidiennement généralisé. Qui, en plus, a perdu toute aptitude de servir une justice vertueuse. Les avions militaires épaves cloués au sol, les véhicules blindés de guerre inappropriés dits en carton, les nombreuses sorties crapuleuses de colossales sommes d’argent des caisses de l’État, etc., ne sont pas de nature à rassurer les citoyens lambda qui, à force de tirer le diable par la queue, ne savent plus où donner de la tête.
C’est dans cette atmosphère de méfiance que le démon de la discorde pointe ses cornes de plus en plus visibles au fur et à mesure que nous nous rapprochons du ramadan, mois béni durant lequel, d’ordinaire, les Maliens font preuve de ferveur religieuse. Mais voilà, le pouvoir ne semble pas tenir compte de cette échéance, pas plus que d’autres, qu’elles soient politiques ou religieuses. On ne comprend pas, en effet, qu’il ait choisi la féroce répression contre les enseignants lors de leur marche du 11 mars dernier, à 18 petits jours des élections législatives du 29 mars courant. Une situation d’aggravation du climat social en a résulté et aussi une sorte de prolongation du bras de fer.
Récupération ou réaction patriotique de bonne saison, la plateforme PCC appelle conséquemment à une GRANDE MARCHE NATIONALE SUR L’ENSEMBLE DU TERRITOIRE MALIEN le vendredi 27 mars, en guise de soutien aux enseignants et pour le salut de l’école. En scrutant les agendas, on voit bien que cette manifestation aura lieu le jour de la clôture de la campagne pour les élections législatives qui se tiendront alors le surlendemain. Et c’est quatre jours après ce scrutin que doit débuter la grève de 25 jours des enseignants, dont le préavis est déposé, qui durera jusqu’au 08 mai, c’est-à-dire jusqu’au 14 jours du ramadan.
Pour les leaders enseignants, les choses sont claires : la loi s’impose et il n’est pas question de cautionner sa violation. Ainsi, pour eux, l’article 39 de la Loi n° 2018-007 du 16 janvier 2018 ne se négocie pas, il s’applique. Selon Adama Fomba, porte-parole des syndicats de l’éducation signataires du 15 octobre 2016, le pouvoir a décidé « de verser le sang des enseignants. La mobilisation et la résistance sont une obligation. » Prolongeant cet écho, Ousmane Almoudou Touré, secrétaire général du BEN-SYNEFCT, renchérit : « Le régime vient de créer toutes les conditions d’une année blanche. Nous ne ferons aucune autre concession. Si IBK veut une année blanche, il l’aura. Et sans l’application de l’article 39, il n’y aura pas d’école jusqu’à la fin de son mandat… »
La question est maintenant de savoir quelle position va adopter le pouvoir. Va-t-il vouloir négocier, mais quoi négocier? Va-t-il se raidir de plus en choisissant là toute répression ? Dans ce cas, aura-t-il les digues suffisamment solides pour contenir les déferlantes humaines qui s’apprêtent à donner l’assaut? Chaque jour nous rapproche du ramadan. Il faut réfléchir.
Moussa Ly