Universitaire et Homme politique, le Dr Sékou Diakité, rencontré le Week-end dernier, à son domicile, sis à Koko Plateau (Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako) nous a accordé un entretien. Du passage à la primature de l’ancien Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga émaillé de contestations de tous genres au gouvernement actuel de Boubou Cissé dont il a collé l’étiquette ‘’salutaire’’, ce leader politique katois a, d’une manière ou d’une autre, passé en revue la face et le fond des choses. Lisez !
LE COMBAT : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Dr Sékou Diakité : Je suis Professeur d’Enseignement Supérieur à la FSEG (Faculté des Sciences Économiques et de Gestion), Économiste et Enseignant, Chercheur détenteur d’un PhD en Sciences économiques. À la FSEG, je suis le Coordinateur du Master en Économie Appliquée au Développement (MEAD). Par ailleurs, je suis Président fondateur des Associations MCK (Mouvement pour le Changement à Kati) et M’Békatifè. Je suis marié et père de cinq (5) enfants.
Depuis le 2 mai dernier, le Mali a un Gouvernement dit plus de mission, d’une trentaine de membres. Un attelage pléthorique survenu à la suite de la démission de l’ancien Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Donc, que pensez-vous du passage de Boubèye à la tête de la primature?
Le passage de SBM à la Primature a été salutaire à plus d’un titre. Primo, il (le passage) a permis de sauver la Démocratie malienne en organisant l’élection présidentielle sans report et dans le délai constitutionnel. Secundo, il a donné de la confiance à son mentor (IBK), diminué par la maladie depuis le début du 1erquinquennat, qu’il pouvait être réélu.
Tertio, il a permis d’écarter la famille présidentielle (1èreDame et l’Honorable Karim Kéïta) et autres membres proches et influents du Mali de la prise de certaines décisions concernant la vie de la Nation. Ensuite, il a donné l’espoir au Malien lambda qu’un nouveau Mali est possible avec la restauration progressive de l’autorité de l’État. Enfin, il a montré aux Maliens de quoi nos Politiciens (majorité et opposition toute confondue), nos Religieux et notre société civile capables de faire tout pour atteindre leurs propres objectifs.
On a constaté que sa politique primatoriale a suscité beaucoup contestations de la part des acteurs politiques, mais surtout des Religieux. Qu’est-ce qui expliquerait cela selon vous ?
Le Mali actuel a besoin des cadres travailleurs et qui ont une vision pour son développement. Un bon travailleur dérange tout le monde au Mali. Il se trouve que sur les cinq (5) Premiers Ministre du 1ermandat d’IBK, SBM soit le seul à maîtriser l’ensemble de la situation (excepté Oumar Tatam LY qui pouvait faire mieux, mais qu’on n’a pas laissé faire).
De tous les acteurs de mars 91, SBM a montré qu’ils sont responsables du chaos d’aujourd’hui et qu’il souhaite, avant de passer le relai, corriger un certain nombre d’erreurs commises afin d’avoir la conscience tranquille. Mais, l’erreur de SBM a été qu’il n’a pas suivi ce conseil de Pythagore: «Il vaut mieux se faire aimer que se faire craindre».
Et son duel avec le tandem Bouyé-Dicko qui a ouvertement exigé son limogeage au Président IBK lors du meeting du 10 février ?
Comme je l’ai dit au début de l’entretien, ils (les Politiciens, les Religieux et les acteurs de la société civile) font tout pour atteindre leurs objectifs propres, sinon pour ceux qui connaissent les deux (2) tendances religieuses, si ce n’est pas un tandem de circonstance et d’intérêts, il n’y a pas de rapprochement possible. SBM dérangeait et prenait tous les coups à la place de son mentor, IBK. Donc, il fallait le dégager pour avoir le Chef (IBK). Qui peut dire que le fameux tandem, certains politiques et une grande frange de la société civile n’ont pas leurs objectifs ?
Parlons maintenant du Gouvernement Boubou Cissé qui semble, depuis son arrivée, avoir pu jouer la carte de l’apaisement au Centre du pays en proie à l’insécurité qui s’est aggravée avec l’arrivée de SBM à la Primature. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Si apaisement il y a, c’est au niveau des agitateurs qui ont voulu avoir IBK avec eux en chassant SBM. Sous Boubou Cissé, il n’y a pas d’apaisement, au contraire le pays est en ébullition.
Les critiques ne cessent aussi de pleuvoir depuis l’entrée inattendue d’un opposant farouche au Gouvernement, en l’occurrence Tiébilé Dramé. Vous collez l’étiquette de la bedaine au leader du parti PARENA qui est aujourd’hui devenu l’Avocat attitré du Régime dont il avait tant combattu?
En fait, moi je ne condamne pas la position de Tiébilé Dramé, parce que les farouches opposants ont voulu un Gouvernement d’ouverture après s’être offerts de la tête de SBM, ils l’ont obtenu et M. Dramé comme d’autres y sont rentrés. Ils sont tous obligés de jouer le jeu du mentor ; car, ils travaillent tous sous l’autorité du Président de la République.
Un autre fléau majeur, il s’agit de la corruption à grande échelle dans le pays qui n’a pas épargné le dispositif militaire nationale. L’histoire des engrais frelatés, des avions cloués au sol, des équipements militaires, etc. Qu’elle est votre proposition de lutte en tant qu’universitaire ?
En tant qu’Universitaire, je dois avoir une position sans parti-pris et sans état d’âme. La corruption, le détournement des fonds, les malversations financières, la gabegie, le népotisme, etc. ont atteint un tel niveau qu’il n’y a aucune couche socioprofessionnelle qui soit épargnée. Donc, il faut trouver une solution intelligente pour combattre tous ces maux à la fois et de façon durable et définitive. Au lieu d’emprisonner quelques-uns (alors que presque tout le monde est corrompu) et laisser d’autres ; car, on ne peut pas enfermer tous les corrompus, je propose qu’on les oblige à poser des jalons de développement en créant des infrastructures de base (santé, éducation, etc.) dans leurs localités d’origine. Du coup, la manne financière va servir à créer des emplois et sera utile pour toute la localité. Nous ne pourrons jamais gagner la lutte contre la corruption en jouant juste avec l’opinion pour faire oublier les réalités du moment.
Le Président IBK vient, il y’a quelques jours, de souffler ses six bougies à la tête du pays. Quel qualificatif donnez-vous à son bilan ?
Un bilan trop laxiste et plein de complaisances; car, on ne peut pas plaire à tout le monde.
Nonobstant sa marche arrière en mi-2017, le locataire de Koulouba s’est aventuré dans une autre tentative de révision constitutionnelle. Pourrait-il cette fois-ci atteindre son objectif ?
Je crois que, cette fois-ci, il pourra atteindre son objectif qui est d’obtenir des Maliens une nouvelle Constitution adaptée aux réalités d’aujourd’hui.
La révision constitutionnelle adviendra, mais c’est après le dialogue politique inclusif annoncé qui, lui aussi, avance de façon floue.
Le principal parti de l’opposition, URD de Soumaïla Cissé, a annoncé avoir suspendu sa participation au dit dialogue. Vous êtes optimiste à sa bonne tenue sans l’opposition?
Un adage dit qu’on ne peut pas vouloir une chose et son contraire. Le dialogue doit se tenir avec ou sans l’URD ou d’autres formations politiques ou associatives. C’est la participation au maximum qui est surtout souhaitée, mais non à l’unanimité; car, il faut venir débattre les différentes propositions sur les thématiques maintenues. Les absents auront tort. Selon J.W. von GOETHE: «On peut aussi bâtir quelque chose de beau avec les pierres qui entravent le chemin».
Votre dernier mot ?
Je remercie votre journal de m’avoir, encore une fois, donné l’opportunité de m’exprimer sur les grands sujets d’actualité du Mali. Je reste disponible pour tout autre entretien de ce genre.
Les Maliens doivent savoir que nous sommes d’un pays en guerre et que c’est quasiment impossible de faire face à cette guerre et de se développer. Il y a un choix à faire sinon on ne gagnera pas la guerre et on ne se développera pas.
Les Maliens doivent savoir que certains Hommes politiques veulent se transformer en Imams. Mais, çà, ça ne marchera pas.
Les Maliens doivent savoir que certains Religieux ont une aspiration profonde pour la politique, c’est leur droit, mais ils doivent abandonner la Religion pour devenir de vrais Politiciens; car, la politique salit et la Religion purifie.
Les Maliens doivent savoir que certains jeunes (de surcroit Activistes) sèment les troubles dans le seul but de tirer profit en connivence avec certains Gouvernants.
Les Maliens sont trop désespérés. Donc, mon dernier propos est un conseil à l’intention des Dirigeants d’après Montaigne: «L’une des plus grandes sagesses de l’art militaire, c’est de ne pas pousser son ennemi au désespoir».
Propos recueillis par Seydou Konaté