« Ceux qui disent que l’Assemblée est une Caisse de résonnance se trompent lourdement. A ma connaissance, il n’y a pas de texte de loi qui soit venu du gouvernement et qui soit passé comme une lettre à la poste à l’Assemblée… »
L’honorable Zoumana N’Tji Doumbia s’est prononcé dans nos colonnes sur divers sujets d’actualité. De la prorogation du mandat des députés, aux grandes réformes faites pendant le quinquennat, en passant par la crise au sein de la CDS et ses rapports avec Mamadou Blaise Sangaré dit Blaise. Sans langue de bois, ni tabou, l’honorable a bien voulu répondre à nos questions. Lisez plutôt.
InfoSept : Honorable Zoumana N’Tji Doumbia, Pouvez- vous vous présenter à nos lecteurs ?
- Zoumana N’Tji Doumbia: Pour ce qui l’ignore, M. Zoumana N’Tji Doumbia est député élu à Bougouni, Président de la Commission de loi constitutionnelle de la législation, de la Justice, des Droits de l’Homme et des institutions de la République.
Vous venez d’adopter la loi portant prorogation du mandat des députés et cela pour la deuxième fois, pensez- vous que cette fois-ci serait la dernière ?
La prorogation du mandat des députés n’est pas faite pour les députés, ils n’ont pas prorogé leur mandat pour le plaisir de proroger mais parce que la loi est votée par le parlement. Pour proroger le mandat, il fallait nécessairement passer par un texte des lois, c’est ce qui fait que les députés n’avaient pas d’autres choix que de répondre à la sollicitation du gouvernement. Pour Rappel, la constitution dit que l’initiative des lois appartient concurremment aux députes et aux membres du gouvernement. Les membres du gouvernement ont cru bon, compte tenu de la situation sécuritaire de notre pays et du fait qu’une bonne partie des acteurs politiques qui avaient tirés sur la sonnette d’alarme pour dire que compte tenu des difficultés que nous traversons, nous ne pouvons pas faire des élections crédibles transparentes et apaisés, surtout dans beaucoup de zone où nous ne pouvons même pas tenir d’élection. Donc, pour éviter un vide juridique, constitutionnel, institutionnel, il était nécessaire de proroger le mandat de cette législature pour permettre au parlement de jouer pleinement son rôle.
La seconde prorogation prend fin le 2 Mai 2020, nous osons espérer que tous les Maliens vont regarder dans le même sens pour combattre l’ennemi commun, qui est l’insécurité, le terrorisme, et que nous puissions rapidement aller vers une élection crédible, transparente et apaisée. Je ne pense pas que les députés se plaisent dans cette condition là et serons très ravis d’aller chercher le suffrage du peuple pour que la légitimité tant recherchée puisse être là. Je pense que cette prorogation s’imposait pour éviter un chaos institutionnel. Donc, il appartiendra au gouvernement et à l’ensemble des acteurs politiques de se donner la main pour que cette prorogation puisse être la dernière.
Savez-vous qu’une frange importante du Peuple était opposée à cette deuxième prorogation prétextant que l’Assemblée n’était plus légitime, qu’elle est une caisse de résonnance et est trop budgétivore, que répondez- vous à ces détracteurs ?
Vous savez, ce n’est pas une frange importante de la population qui était opposée, mais certaines personnes qui savent qu’elles ne peuvent pas être investies du suffrage du peuple, qui avaient voulu par des moyens tronqués être parlementaire, je pense que le Mali doit être au-dessus de tout.
Quant à ceux qui pensent que l’Assemblée est budgétivore, ils se trompent lourdement, dans tous les cas de figure, vu le rôle que joue le parlement, comparé au traitement qui est donné à l’Assemblée, je ne pense pas qu’on puisse parler de l’Assemblée budgétivore.
Je pense que les députés maliens ne sont pas traités à hauteur de souhait. Même le local de l’assemblée ne répond à aucune norme.
Ceux qui disent que l’Assemblée est une Caisse de résonnance se trompent lourdement. A ma connaissance, il n’y a pas de texte de loi qui soit venu du gouvernement et qui soit passé comme une lettre à la poste à l’Assemblée, ceux qui suivent le travail parlementaire savent que les interpellations, les questions d’actualités, et même dans le vote des textes, ils arrivent des moments où les députés et le gouvernement sont en désaccord.
Dans beaucoup de cas, l’Assemblée fait des amendements pour pouvoir améliorer la qualité du texte. Dire que l’Assemblée est une caisse de résonnance, c’est peut-être méconnaître le travail parlementaire.
J’ai entendu ces deux jours qu’il faut mettre une constituante en place, je ne pense pas qu’une constituante soit légitime, constitutionnelle, je ne pense pas qu’une constituante soit légale, il serait mieux que ceux-là qui ont eu à aller devant le peuple et qui ont été investi de sa confiance, vu les difficultés, que ceux-ci restent pour permettre à notre démocratie de fonctionner normalement et de façon appréciable.
Vous êtes le Président de la Commission loi de l’Assemblée Nationale. Pouvez-vous nous dire quelles sont les grandes réformes faites pendant le quinquennat ?
Il y a eu des lois majeures au niveau de l’Assemblée nationale. Depuis que nous sommes rentrés le 1er Janvier 2014, les députés n’ont pas eu un mois de congés successifs. Nous sommes toujours soit en session ordinaire ou en session extraordinaire. Il y a eu des lois majeures qui sont passées au-delà du budget, au-delà des lois luttant contre la corruption, nous avons eu la loi contre l’enrichissement illicite, la loi portant sur la promotion du genre. Nous avons eu la loi d’entente nationale, nous avons voté les lois régulant les collectivités. Bref, il n’y a pas un seul pan de la vie de notre nation qui a été oublié durant ce quinquennat. Vous avez eu la loi d’orientation et de programmation militaire, nous avons voté des textes accordant des avantages à nos forces de défense et de sécurité pour qu’elles puissent encore mener âprement le combat contre le terrorisme, le Djihadisme. Nous avons adopté la loi électorale, et je pense que nous disposons aujourd’hui d’une loi électorale qui est appréciée dans la sous-région, de par ses innovations, sa transparence, de par sa pertinence. Donc, je pense que l’Assemblée a travaillé ardemment durant ce quinquennat.
Vous avez été élu député dans la circonscription de Bougouni avec la casquette de la CDS Mogotiguiya, êtes-vous toujours de ce parti ?
Selon les lois de la constitution, une fois que vous êtes élu, vous n’êtes plus député d’un parti ou d’une localité, mais député national, à ce titre, c’est vrai je dois remercier les partisans de la CDS qui ont porté leur choix sur moi pour être candidat, et je les remercie. Je remercie au passage mon grand frère Blaise qui m’a appris beaucoup de choses, même s’il m’a chassé de son parti. La CDS m’avait investi pour un second mandat mais malheureusement le président du parti en a décidé autrement. Allant à l’encontre de la position de la section, il menaça même jusqu’à dire que si la section persistait à déposer une liste, lui aussi il va déposer sa candidature. Cette divergence de point de vue a fait que je n’ai pas eu d’autres choix que de démissionner. Dieu merci, le RPM a voulu que je sois son porte étendard dans la localité. A la date d’aujourd’hui je suis RPM.
Quels sont vos rapports avec Mamadou Blaise Sangaré, Président dudit parti ?
Mamadou Bakari Sangaré dit Blaise est un grand frère avant tout, il fut mon président de parti, je l’ai servi en toute loyauté. Je dois avouer que j’ai été chassé de la CDS et voulant continuer ma carrière politique, je suis au RPM aujourd’hui. Je garde néanmoins des bons rapports avec lui-même, je ne sais pas si c’est réciproque, car il ne m’a toujours pas dit les raisons qui ont fait qu’il m’a chassé de son parti.
Actualité oblige, le Président de la République a nommé un triumvirat pour diriger le dialogue politique inclusif, ce qui n’a pas été du goût de certaines figures de l’Opposition, le choix de ces trois grandes figures est-il judicieux, qu’attendez-vous de ce dialogue ?
A mon humble avis, le président a fait un bon choix. Le triumvirat, c’est les hommes et les femmes de qualité qui ont eu à montrer à l’opinion nationale et internationale leur valeur. Je ne doute point de leur moralité et je suis sûr qu’ils vont mener à bon port le processus. Il est intitule de rester dans l’orgueil aujourd’hui, parce qu’il n’a pas sa place. Les difficultés auxquelles notre pays est confronté doivent motiver tout un chacun à voir le Mali, rien que le Mali.
Quel est votre mot de la fin ?
Tout d’abord je remercie InfoSept pour l’intérêt qu’il a accordé à ma modeste personne. J’implore le bon dieu pour qu’il fasse en sorte que tous les Maliens et Maliennes regardent dans la même direction et que le Mali retrouve sa stabilité et sa sécurité qui sont sources de développement.
Haoua Ouane INFO SEPT