Etre patient dans des hôpitaux aujourd’hui au Mali est un véritable calvaire. Malgré l’implication de quelques responsables à soulager certains patients, un phénomène gangrène et tue les malades plus que la maladie elle-même : c’est la corruption. Elle batson plein au grand dam des malades et de leurs accompagnateurs. Notre enquête.
Fatima Diarra est une femme au foyer qui accompagne sa sœur malade à l’hôpital Nianankoro Fomba de Ségou. Cette dernière y est hospitalisée depuis dix jours plus précisément aux urgences. « Malgré le diagnostic posé (asthme), les agents de santé exigent que l’on paye 2000 F CFA parfois pour le taux d’insuline », déclare-t-elle.
« Souvent, ils exigent de le faire trois à quatre fois par jour, mais aujourd’hui jeudi 21 juin 2018, les agents de santé ont imposé que nous payons. L’Etat devrait savoir que si nous sommes là c’est parce que nous avons des problèmes. La pauvreté bat son plein et finalement nous ne sommes pas à quel saint se vouer », poursuit-elle.
Tout comme Fatima Diarra, Issa Diallo, est au chevet de son grand frère qui a des soucis dans la salle d’examen. Venu de Sinzanni, il est très remonté contre les agents de santé qui exigent qu’il paie aussi le taux d’insuline à chaque fois. En plus, Issa Diallo acquitte la chambre d’hôpital sans reçu. « Le hic dans cette histoire d’insuline, c’est qu’on n’arrive même pas à nous donner le taux ».
En plus du problème des 2000 F CFA, les agents de santé font payer à certains accompagnants de malade la somme de 3000 F CFA pour l’argent de couche et de nettoyage des malades. Ce qui équivaut à 1500 F CFA le jour et 1500 F CFA le soir. Sur ce point, le directeur de l’hôpital, Dr. Abdoulaye Sanogo, est clair. Ce spécialiste en gestion des hôpitaux affirme sans relâche : « Les paiements ne se font qu’au guichet conformément à la procédure dans tous les hôpitaux du monde. Nous avons toujours communiqué là-dessus, mais les auditeurs changent, l’information peut ne pas se passer. Quand tu donnes de l’argent à une tierce personne c’est comme si tu as jeté ton argent. Les procédures sont claires et elles disent que tu dois prendre ton ticket depuis l’entrée. Les quelques cas mentionnés sont possibles car aucune œuvre humaine n’est parfaite », explique le DG, invitant tout le monde à dénoncer ceux qui essayent de travailler sans reçu.
En ce qui concerne l’entretien des patients, le Dr Sanogo reconnait que c’est une situation désagréable. « Il y a des services où le personnel est très insuffisant et l’Etat autorise un accompagnant aux côtés du malade pour faire l’entretien. Un patient hospitalisé ne doit payer quoique ce soit pour l’entretien des patients ».
Quant au vol de médicaments, le directeur signale que cela ne se fait plus à l’hôpital depuis un certains temps, car les gens volaient pour ensuite revendre, mais aujourd’hui avec le système mis en place, personne ne pourra leur revendre les mêmes médicaments. « L’argent de l’hospitalisation qui est aussi détourné par certains agents mérite plus de vigilance de notre part. Nous allons nous atteler à cela, car celui qui vole la chambre d’hospitalisation vole l’hôpital car cet argent appartient à l’hôpital ».
De Ségou à Bamako, même pratique même couacs
La corruption n’est pas seulement dans les hôpitaux régionaux. A Bamako, au Centre hospitalier Gabriel Touré, qui reçoit plus de patients que n’importe quel autre dans le district, le phénomène bat son plein. Ici, ce sont les gens malades qui sont victimes de pratiques peu orthodoxes. Les cas que nous évoquons démontrent combien la corruption a atteint un niveau élevé. « Une femme de 70 ans a amené son enfant accidenté avec un fémur cassé. Elle a été obligée de payer chaque jour une piqûre à 2500 F CFA et un paquet de deux piqûres à 8000 F CFA pour calmer la douleur. Elle a été obligée de payer une barre métallique à 120 000 F CFA pour l’opération du pied de son enfant à une société fictive. Ainsi, 18 mois après l’opération, pour enlever la barre, l’agent de santé lui a demandé de payer 100 000 clandestinement alors que le prix normal s’élève à 30 000 F CFA.
Pis, même les femmes enceintes ne sont pas épargnées par certains agents pour assouvir leur soif d’argent facile. Et ce n’est pas Kady Thera, cette ménagère, la trentaine passée venue pour son accouchement qui dira le contraire. A la maternité du Centre hospitalier Gabriel Touré, sa famille a été approchée par cet agent pour payer la somme de 25 000 F CFA sans reçu comme frais d’accouchement et les frais pour certains médicaments sans ordonnance.
Plusieurs autres accompagnants et patients ont fait cas de leur ras-bol face au vol de médicaments dont ils sont victimes au quotidien. Accusation qui, selon le premier responsable du centre, n’est pas fausse car ce n’est qu’une question d’éducation. Le Pr. Kassoum Sanogo, l’un des premiers cardiologues du Mali est très attaché aux traditions. Il est très loin de nier les faits reprochés à son hôpital, mais assure que plusieurs actions ont déjà été menées par l’hôpital pour diminuer toutes les tracasseries subies par les clients au sein de la structure.
« Nous avons eu à rendre des étudiants en fin de cycle à leur Faculté pour mauvais comportement et suspendre des agents titulaires. Nous avons aussi eu à appréhender certaines personnes qui ne font pas partie du personnel que nous avons d’ailleurs confiées au commissariat de police du 1er arrondissement pour vol de médicament », se défend le directeur général. Mais, pour lui, la bonne chose, c’est que dans tous les cas évoqués il n’y a pas de faute technique mais juste une question d’éducation, ce qui induit que les agents sont bien formés sur le plan technique, mais ont juste besoin d’éducation.
Aujourd’hui, que ça soit les responsables dans les hôpitaux ou les accompagnateurs des malades, tous sont unanimes sur la pratique de la corruption. Il urge aussi de prendre des mesures draconiennes afin de mettre fin au calvaire des patients. Le mal a assez perduré et il n’est jamais trop tard pour bien faire comme le dit le dicton. Une sanction lourde devrait être infligée à tous ceux qui s’adonnent à cette pratique mafieuse digne d’un autre siècle. Les médecins qui la pratiquent devraient penser au serment d’Hippocrate qui impose la bonne pratique du métier de médecin.
Abdourahmane Doucouré LA SIRENE