Je voudrais faire miens les propos d’un sage qui conseillait à ses adeptes d’être sincères dans leurs déclarations et crédibles en tout ce qu’ils faisaient. À propos de la Libye, cela m’amène à me poser de graves questions. Quand le président français Nicolas Sarkozy et son ami Bernard Henry Lévy (BHL) ont décidé d’en finir avec le Guide Mouammar Kadhafi au motif qu’il massacrait son propre peuple qui n’aspirait qu’à la liberté, la démocratie et au bonheur, qui a élevé la moindre protestation ? Quand ces deux « criminels de guerre » – de nombreuses sociétés civiles à travers le monde les verraient bien répondre de leurs actes devant des juridictions internationales – ont embarqué « la fameuse communauté internationale » dans une guerre injuste et improvisée aux conséquences imprévisibles contre la Libye, où se trouvaient tous ceux qui, aujourd’hui, s’indignent des nouvelles venues de la Libye devenue le marché aux nègres du 21ème siècle ? Qu’est-ce que l’Union africaine qui était pourtant compétente sur le dossier libyen a pu faire en dehors d’une hypothétique médiation dont on savait qu’elle était déjà vouée à l’échec, le sort de Kadhafi ayant été déjà scellé par la France de Sarkozy et, dans une moindre mesure, la Grande Bretagne de Tony Blair, deux pays occidentaux siégeant au Conseil de sécurité des Nations Unies en qualité de membres permanents ? Et les pays arabes, qu’ont-ils fait pour sauver, non pas le Guide mais le peuple libyen ? Il faut dire que Kadhafi n’était pas particulièrement apprécié dans cette partie du monde. En effet, beaucoup de leaders arabes tenaient là une revanche inespérée sur un des leaders qui n’hésitait pas à les insulter publiquement et à dénoncer leur cynisme vis-à-vis de la cause palestinienne et leur indifférence face au sort des pauvres de ce monde. L’auteur du Livre Vert pointait d’un doigt accusateur leur arrogance, leur propension à gaspiller et surtout leur inconséquence qui les rendait complices des puissances occidentales et de l’Etat d’Israël, lequel depuis la Guerre des Six Jours, n’a pas arrêté une petite minute de coloniser les terres arabes, notamment palestiniennes. Aujourd’hui, quand j’entends, j’écoute et je lis les déclarations indignées de tous ces dirigeants qui savaient bien pourtant que la destruction de la Libye déboucherait sur le chaos, je me dis que décidément, le cynisme n’a pas de bornes. Pis, il est ancré dans nos gènes. Il fait partie de notre nature humaine. Oublions un peu notre continent. Le pauvre ! Parlons un peu de la vieille Europe qui feint l’amnésie sur son passé colonial et la tragédie de l’esclavage qu’elle a imaginée, exécutée méthodiquement et dont elle a profité abondamment, des siècles durant, pour s’enrichir et se développer. Aujourd’hui, elle crie au loup, au migrant africain qui l’assaille, qui l’asphyxie, qui la pille et qui, tout simplement, détonne dans son décor lisse et nickel, pour parler comme les jeunes. Cette Europe vient de se réunir avec l’Afrique à Abidjan (28-29 novembre) pour tenter de trouver une solution au désarroi de la jeunesse africaine et imaginer les meilleures stratégies pour tarir les sources de la migration. Il y a un demi-siècle, c’est ce qu’elle aurait dû aider l’Afrique à réussir. Sans paternalisme et néocolonialisme. Au lieu de quoi, elle se trouve aujourd’hui sur la sellette pour s’être rendue complice de la Libye esclavagiste. Beaucoup d’Africains ignorent que l’Europe finance la Libye afin qu’elle serve de rempart aux migrants. Qu’elle retienne les migrants africains, qu’elle les embastille et qu’elle tire profit de ce drame humain. Qu’elle est bonne comédienne, l’Europe, de s’indigner, de condamner et de dénoncer les graves violations des droits humains qui ont cours en Libye ! Qu’elle est vraiment cynique à ce jeu-là ! Pour ma part, je soutiens que la honte a choisi son camp, à savoir celui de l’Europe qui sait, bien avant CNN et d’autres grands médias, que les centres de rétention pour migrants en Libye ne sont pas gérés par des enfants de cœur. L’Europe sait parfaitement que les milices qui ont mis la Libye en coupe réglée n’émargent pas à l’Armée du Salut. Depuis des lustres, le Bon Samaritain n’a pas visité la Libye, un pays qui n’existe plus et dont la dépouille enrichit tous les cupides du monde. C’est merveilleux les fora, mais les actes concrets sont encore meilleurs. L’Europe doit faire son introspection et revisiter de fond en comble sa politique migratoire, si elle veut avoir une petite chance de renvoyer la honte en Afrique. Un continent pauvre de sa richesse dont tout le monde dit pourtant qu’elle est le futur pôle de croissance et le futur marché du monde.
Serge de MERIDIO INFO SEPT