La liste de composition du nouveau gouvernement Idrissa Abdoulaye Maïga sera bientôt rendue publique. Le nouvel exécutif prévoit plusieurs entrées, mais retenant comme fait marquant le limogeage de certains avocats et autres ministres jugés très proches du président pour diverses raisons ayant comme dénominateur commun : l’insatisfaction cruelle d’Ibrahim Boubacar Kéita qui s’attendait à un bien meilleur rendement.
Il faudrait, en effet, signaler qu’en augmentant le nombre d’avocats au sein du gouvernement AIM, IBK espérait des résultats politiques plus « concluants », notamment ceux en rapport avec son fameux projet de loi référendaire en faveur duquel, bien que Koulouba a remué ciel et terre pour le passage en force, a été implacablement rejeté et neutralisé par un peuple souverain déterminé à faire entendre sa voix. Le président n’avait ainsi d’autre choix que de se plier à la volonté populaire.
Une mémorable « fessée » administrée à la première institution et qui ne sera point sans conséquence pour ceux-là sur qui IBK avait misé gros : il s’agit bien des avocats dont le profil juridique n’a quasiment rien servi à ce pour quoi ils avaient été nommés ou maintenus au gouvernement ainsi que certains autres ministres dont l’engagement auprès du régime n’a jamais été sincère.
Maouloud Ben Kattra, le bidon vide qui fait trop de bruit
A peine venu, l’homme fait trop de tapage médiatique. Pas surprenant quant on sait que ce sont les bidons vides qui font trop de fruit. Le ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, bien qu’étant plus proche du président de la République, ne sera épargné par cette mesure de limogeage. Les sorties médiatiques de celui qui est désormais qualifié « d’avocat » sans diplôme d’Ibrahim Boubacar Kéita et qui vise coûte que coûte à trouver des justificatifs aux chiffres avancés concernant les 200 000 emplois prétendument offerts aux jeunes, ont été complètement vouées à l’échec.
Maouloud Ben Kattra est en train de nier l’évidence cruelle du chômage au Mali. L’homme a fini par se faire ridiculiser de la plus honteuse des manières, mettant en lambeaux tout son statut de syndicaliste chevronné. Et ce, uniquement pour la sauvegarde d’un fauteuil qui n’a pourtant rien d’une fonction éternelle. Mais aujourd’hui, IBK semble ouvrir les yeux. Il aurait compris l’intention de tous ces ministres ayant plutôt eu comme seule mission la sauvegarde de leur place. De source proche du dossier, l’on apprend donc qu’il sera, lui aussi, débarqué au prochain remaniement. Raison évoquée, le président est au courant du club que Ben a fabriqué en toute pièce pour séduire IBK. Mais en réalité, ce n’est rien d’autre qu’une vingtaine de personnes qui essayent de tromper les apparences.
Me Baber Gano
Le ministre des Transports et secrétaire général du bureau politique national du RPM (BNP-RPM), le parti au pouvoir, se verra lui aussi remercier, à en croire une source proche de Koulouba.
L’ex-avocat de la Fimba qui, jusqu’ici, peine à prouver sa non-implication dans le complot judiciaire ourdi contre l’artiste ivoirien Moussa Doumbia alias Tiken Jah Fakoly, a lamentablement échoué dans sa politique de mobilisation des Maliens en faveur du projet de Loi fondamentale sur lequel le président Ibrahim Boubacar Kéita comptait pour s’assurer infailliblement un second mandat.
Ainsi, toutes les démarches, notamment, celles à caractère clientéliste, adoptées par les cadres du parti présidentiel avec, comme chef d’orchestre Me Baber Gano ne sont aucunement parvenues à fédérer le peuple malien autour d’une initiative à forte connotation monarchiste.
Pour ainsi masquer son incapacité aigue à convaincre l’opinion par des idées saines, le ministre Gano avait ouvertement menacé de répression militaire tous ceux qui oseraient sortir dans la rue pour s’opposer à la tenue du référendum après qu’autres responsables du RPM les eussent clairement traités d’apatrides, de vulgaires ennemis du Mali.
Ce ministre belliciste avait tout tenté, y compris, soutirer de l’argent à une bonne partie des ministres du gouvernement en guise de cotisation au profit d’une vaste campagne d’achat de consciences, principalement, à l’intérieur du pays et dont le parti était en pleine organisation avant que le président IBK ne déclare officiellement le sursis au référendum. Des méthodes infécondes et mal réfléchies n’ayant plutôt servi qu’à salir l’image d’un régime déjà essoufflé.
Me Mamadou Ismaël Konaté ou l’homme à la diarrhée verbale
Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, bien que réputé pour sa tonitruance et sa diarrhée verbale, s’est plutôt imposé un silence de mort sur sa position vis-à-vis de l’initiative constitutionnelle, juste comme pour dire trivialement à IBK : « Tu as trouvé ce que tu as cherché. Continue seul ce que tu as commencé. Moi, je ne m’embarquerai point dans une telle aventure avec toi ».
Me Konaté, l’homme de toutes les tribunes, a ainsi préféré protéger ses émoluments en restant muet comme une carpe. Par contre, qui n’a pas encore mémoire ses prises de positions spectaculaires contre d’antérieures tentatives de sabotage judiciaire ? Qui a oublié les critiques acerbes de l’actuel ministre de la Justice contre des violations flagrantes et autres actes de tripatouillage constitutionnel d’ici comme ailleurs ?
Si les uns et autres l’ont oublié, le ministre Konaté, non ! Car ayant clairement souvenance de tous ces faits qui lui ont valu sa brillante réputation, l’homme n’a guère eu le courage de changer de langage au grand plaisir du régime. Ce qui serait nettement perçu comme une insulte à son statut d’éminent homme de droit.
Ce « mystérieux silence » de Me Mamadou Ismaël Konaté à propos d’un projet énergiquement préparé par le pouvoir n’a pas du tout été du goût d’IBK, car, parmi les qualités ayant pleinement milité en faveur de son entrée au gouvernement (il y a déjà 15 mois), la rhétorique ainsi que la force de persuasion de l’avocat ont été des éléments centraux.
Outre cela, la gestion du dossier Ras Bath par le ministre Konaté et qui s’est terminé en queue de poisson, mettant à nu, l’incompétence de tout un régime, a sérieusement froissé le président de la République qui s’attendait à un épilogue qui fasse plutôt cas d’école. IBK ne pouvait, par contre, pas s’imager comment l’échec d’un ministre d’Etat de faire appliquer de façon exemplaire une décision de justice ait pu aller jusqu’à donner à l’accusé une popularité monstre devenant une sorte de menace pour son pouvoir.
Me Kassoum Tapo
Le ministre des Droits de l’Homme et de la Réforme de l’Etat a fait son entrée au sein de l’exécutif essentiellement pour la mise en route du projet de loi constitutionnelle sur initiative du président Ibrahim Boubacar Kéita avec la forte implication d’un célèbre avocat français (Me Marcel Ceccaldi) au grand mépris des constitutionnalistes maliens.
En dépit de l’immense « répugnance » des populations maliennes vis-à-vis d’un cadre aussi « méprisable » que l’ex-député Kassoum Tapo, IBK n’a, en revanche, pas hésité à lui faire appel. C’est ainsi que tout le monde avait fini par comprendre, quelque temps après, les dessous pourris d’une nomination complotiste : celle d’exécuter la sale et funeste besogne du projet de révision constitutionnelle, un document d’une illégalité rare et dont la rédaction aura, à elle seule, coûté inutilement au contribuable malien la bagatelle de 650 millions F CFA sans oublier les 800 millions F CFA grossièrement dilapidés dans l’achat de conscience des députés de l’Assemblée nationale.
L’opposition radicale de l’ensemble du peuple malien à une initiative aussi fantaisiste que dangereuse conduisant à son échec pur et simple, aura indéniablement été le pire affront essuyé par IBK durant son quinquennat. Chose à laquelle, le locataire de Koulouba ne s’attendait franchement pas, après avoir longtemps cru qu’il aurait forcément l’ascendant sur la colère d’une jeunesse déchainée et résolue à combattre sa réforme jusqu’au dernier retranchement.
Après une défaite combien humiliante pour le pouvoir en place, Me Kassoum Tapo et son ministère n’auront donc plus droit de cité dans le prochain gouvernement. Lui qui fut mis au cœur de l’initiative, n’a rien pu défendre malgré son arrogance notoire et des invectives méprisantes qui, non seulement cachaient mal ses carences, mais aussi ne faisaient qu’enfoncer le régime là où il peinait de plus en plus à en sortir.
Aspirant désormais à une équipe gouvernementale aux compétences plus « solides » et qui réussisse à mieux redorer son blason au profit des perspectives de 2018 dont les grandes manœuvres sont déjà à l’ordre du jour, IBK compte ainsi se débarrasser de tous ces ministres dont l’entrée au gouvernement lui aurait fait plus de tort que de bien, en particulier les avocats sur qui il avait vivement fondé ses espoirs pour un « succès sans faille » de son projet de Loi fondamentale.
Dilika Touré LA SIRENE