Servitude ou instrument de solidarité et de développement pour l’Afrique ?
Aujourd’hui, le débat sur le franc CFA suscite trop de polémiques. La jeunesse africaine est plus que jamais hostile à cette monnaie vieille de 77 ans. Comme si pour réclamer une légitimité et dire que les temps ont changé. L’âge de la retraite a-t-il sonné ?
Notre monnaie et la France
La France crée en 1939 la zone ‘‘franc’’ dans le but de renforcer le contrôle de la monnaie de ses colonies. Par un décret datant du 26 décembre 1945, le CFA (Franc des colonies françaises d’Afrique) a été instauré quelques mois après l’amnistie. Les trois signataires furent Charles De Gaulle, Président du Gouvernement provisoire français à l’époque; son Ministre des Finances, René Pleven, et Jacques Soustelle, Ministre des Colonies.
En 1958, il change de nom pour devenir le «Franc de la Communauté Française d’Afrique».
Quelle appellation parmi les trois est-elle vraiment appropriée en réalité?
Dans les années 1960, alors que ces colonies obtiennent leur indépendance, le franc CFA, lui, reste en place. Et, finalement, le franc CFA sera rebaptisé pour une troisième fois et utilisé dans 14 pays africains en plus les Iles Comores
Huit pays seront réunis au sein de l’UEMOA (Union Economique et Monétaire Ouest Africaine) et verront leur franc nommé franc de la «Communauté financière africaine» en Afrique de l’Ouest. Le siège de sa Banque centrale, BCEAO (Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest), se trouve à Dakar.
Six autres pays de l’Afrique, cette fois-ci, de l’Afrique Centrale, se retrouveront plus tard au sein de la CEMAC (Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) pour le franc de la «coopération financière en Afrique centrale». Il s’agit du Cameroun, de la Centrafrique, du Congo, du Gabon, de la Guinée-Équatoriale et du Tchad. Leur Banque centrale, BEAC (la Banque des États d’Afrique centrale), a son siège à Yaoundé, au Cameroun.
Paradoxalement, les billets de monnaie de l’UEOMA ne sont pas utilisables au sein de le la CEMAC et inversement. Pour les convertir, il faut forcément passer par l’Euro.
Des règles sont quand même posées
Le Trésor Public Français garantit la convertibilité des francs CFA dans n’importe quelle monnaie. Parfait!
Mais…, évidemment, il y a un «mais».
En échange, 50% des réserves CFA doivent être déposés sur un compte du Trésor public français.
Ensuite, le taux de parité entre le franc CFA et l’Euro est fixé à : 1 euro = 655,957 francs CFA. Cela, depuis 1999.
Enfin, les transferts des capitaux dans la zone ‘‘franc’’ sont entièrement libres et gratuits. Utile ? Pas sûr !
On nous fait croire que ce système stabilise nos finances et, pour la France, cela constitue un instrument de solidarité et de développement pour l’Afrique.
Mais qu’en est-il réellement ?
Explication :
L’Afrique est la seconde locomotive de la croissance mondiale après l’Asie, dira-t-on. Cependant, parmi les quinze pays de la zone ‘‘franc’’, 13 sont classés comme pays pauvres et très endettés par le FMI.
Dans la zone franc CFA, les pays concernés doivent absolument contrôler leur inflation pour assurer la parité avec l’euro : 2% pour l’UMOA et 3% côté CEMAC. Ainsi, nos Banques limitent leurs prêts aux entreprises qui ne représentent que 32% dans la zone ‘‘franc’’ alors qu’ils frôlent les 150% en Afrique du Sud et 100% en Europe.
Ce qui fait que moins de crédit, moins d’investissement par les pays eux-mêmes, moins d’infrastructures et, pour finir, moins de développement. Par contre, grâce aux libres transferts, les capitaux des Etrangers peuvent être investis sur place. Quelle inégalité !
En 2014, les exportations des pays de l’UEMOA vers ceux de la CEMAC dépassaient à peine 3% et moins de 2% des importations de l’UEMOA provenaient de la CEMAC. Pourtant, 60% des échanges se font entre les pays de la zone Euro avec cette monnaie commune entre les pays de la zone francs en Europe.
Comment l’Afrique pourra-t-elle ainsi hausser ses économies ?
Finalement, à qui profite le CFA ?
En Afrique de l’Ouest, notamment dans les pays de l’UEMOA, les sociétés françaises occupent près de 50% des investissements étrangers. Il y a six ans de cela, en 2011, les Banques, BNP Paribas, la Société Générale et le LCL, toutes, françaises, représentaient à elles seules 70% des chiffres d’affaires des établissements bancaires dans la zone franc.
Vieille monnaie du continent
La zone ‘‘franc’’ a 77 ans, nos pays quant-à-eux, sont indépendants, plus de 50 ans. Néanmoins, fort est de constater que les décisions monétaires sont toujours faites sous le regard de la France. Mais, attention, ce n’est pas pour autant que les Africains essayent d’aller vite en besogne pour se débarrasser de CFA.
Nous y reviendrons !
Mariam Sissoko, Stagiaire : LE COMBAT