Comme annoncé dans notre précédent numéro, nous vous proposons pour cette parution un dossier consacré à la gestion de la crise au nord du Mali par le régime ADEMA-PASJ. Ce bilan est tiré du rapport produit par la Commission Politique de l’ADEMA-PASJ dont les hommes et les travaux sont jusqu’ici frappés d’ostracisme par le Comité Exécutif de ce parti pour des raisons inavouées que beaucoup de militants à la base de ce grand parti n’arrivent pas comprendre. La copie de ce document inédit dont nous nous sommes procurés alimentera pour longtemps notre rubrique Dossier. Nous retraçons ici à partir de ce document ce que fut la gestion ADEMA de la rébellion touareg et de la crise au nord.
La crise du Nord a éclaté à la fin des années 1980 et au début des années 1990 sous la forme d’affrontements sanglants entre rebelles touareg et forces armées gouvernementales. Elle s’inscrivait dans la quête de changement qui animait l’ensemble des populations maliennes dont les perspectives, en l’absence, d’une véritable politique de développement, étaient sombres. Mal gérée par le régime militaire CMLN-UDPM du général Moussa Traoré, qui a voulu lui donner une solution exclusivement militaire, la rébellion, dès son éclatement, a connu des succès tels que les autorités de l’époque ont dû solliciter la médiation de l’Algérie qui a abouti à la signature des accords de Tamanrasset le 6 janvier 1991 par le chef d’Etat-major, le colonel Ousmane Coulibaly. Pour l’ADEMA-PASJ, le problème du Nord ne pouvait pas se résoudre sur la base d’une victoire militaire qui aboutirait à l’écrasement et l’humiliation des communautés vivant au Nord. Seul un régime démocratique pouvait, par la voie du dialogue, de la concertation et de la solidarité, venir à bout de ce douloureux problème. De fait, les accords de Tamanrasset ont très vite montré leur limite et la rébellion a repris, la logique militaire reprenant le dessus.
Après la chute du régime militaire, la Conférence Nationale de juillet-aout 1991 a appelé à la recherche d’une solution pacifique et négociée et préconisé la tenue d’une conférence spéciale sur le Nord. Il est revenu aux Autorités de la Transition de prendre en charge cette recommandation de la Conférence Nationale.
En se basant sur les principes de démocratie et de libre administration des collectivités, la Transition a entrepris un long et profond travail de dialogue, de discussion, de négociation, avec l’aide des pays voisins et surtout à travers tout le territoire malien, pour aboutir à la signature du Pacte de Réconciliation Nationale le 11 avril 1992. Le calendrier de mise en œuvre de ce pacte était le suivant:
– 12 avril 1992 à zéro heures, le cessez-le feu entra en vigueur;
– 72 heures après, sa signature, le Pacte a été publié au journal officiel.
– Quinze jours après la signature du Pacte, la Commission Indépendante d’Enquête a été installée à Mopti. Ses conclusions ont été déposées quatre mois au maximum, après son installation.
– Quinze jours après la signature du Pacte, la Commission de Suivi du Pacte a été installée à Bamako.
– Dans les 30 jours qui suivent la signature du Pacte, le Fonds d’Assistance et d’Indemnisation des victimes de l’Insécurité et le Fonds de Développement et de Réinsertion des populations ont été crées.
– Dans les 60 jours qui suivent la signature du Pacte, le poste de commissaire au Nord a été pourvu.
– Dans les 60 jours qui suivent la signature du Pacte, fut lancé le Programme de rapatriement volontaire des populations déplacées. Le programme a été achevé dans un délai de 60jours
– Six mois après la signature du Pacte, ont été mis en place les dispositifs institutionnels de la libre administration.
– Six mois après l’entrée en vigueur du Pacte, furent créées des unités spéciales de l’armée et le programme spécial de développement du nord sera lancé.
Il revenait à l’ADEMA et à la 3ème République de mettre en œuvre ce calendrier et de relever ainsi un des plus grands défis auxquels la jeune démocratie malienne était confrontée.
La mise en œuvre du Pacte, qui était suffisamment difficile même sur le plan financier car, il exigeait pas moins de 200 milliards FCFA pour atteindre ses objectifs, a été rendue encore plus compliquée par la création du Mouvement Patriotique Ganda Koy par les sédentaires du Nord. Ce mouvement entendait s’opposer à la rébellion au Nord par les armes en revendiquant une sorte de légitimité sur le terrain. Il a fallu l’engagement personnel du Président de la République, Alpha Oumar Konaré, du Premier Ministre, président du parti, Ibrahim Boubacar Keita, du président de l’Assemblée Nationale, le Pr. Aly Nouhoum Diallo, qui ont mené des actions de sensibilisation tant à l’intérieur qu’en Afrique et en Europe pour parvenir à obtenir la fin des hostilités, lors de la réunion historique de Tombouctou tenue du 15 au 18 juillet 1995.
Trois ans après la signature du Pacte National, la paix n’était toujours pas revenue dans le Nord du Mali, de façon définitive. Place donc, après Tombouctou en 1995, à la réconciliation et aux actions de développement sur toute l’étendue du territoire. L’intégration des rebelles dans l’administration, et surtout dans les forces armées et de sécurité, a été un moment fort dans le processus de réconciliation des cœurs et des esprits et surtout dans celui de la cohésion nationale. Il a été procédé à l’intégration des éléments des ex MFUA, ainsi qu’il suit: Corps civils de la Fonction Publique : 120 répartis comme suit: Catégorie A : 52 Catégorie Blet B2 : 40, Catégorie C : 28
Corps paramilitaires de la Fonction Publique: 150 répartis comme suit: Catégorie A : 16 Catégorie Blet B2 : 40 Catégorie C : 90
Conventionnaires: 30
Soit un Total de 300 agents en 1996 intégrés.
Le retour volontaire des réfugiés organisé avec ardeur, a contribué à consolider la paix dans le septentrion malien. Seul un pouvoir démocratique pouvait réussir à ramener la paix au Nord. La Transition et la 3èmeRépublique ont réussi à relever le défi de la paix au Nord, en cultivant le dialogue, la concertation dans un cadre démocratique. Il faut s’en féliciter et poursuivre l’œuvre de consolidation de cette paix. L’organisation de la Flamme de la paix à Tombouctou, pour conforter la paix retrouvée, le premier et le plus grand défi des débuts de la 3ème République aura été la résolution du problème du Nord. Ce que beaucoup d’analyses présentaient comme un irrédentisme nomade a trouvé une solution démocratique concertée pour que soit préservé et conforté « le Mali un mais pluriel ».
Dieudonné Tembely
Source : Commission politique de l’ADEMA-PASJ