jeudi 28 mars 2024
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Procès Sanogo : L’enlisement

Pour la quatrième fois de suite, le procès du Capitaine Amadou Haya Sanogo et co-accusés a été suspendu pour reprendre ce matin à partir de 11 heures. La Cour doit délibérer sur les exceptions soulevées par les avocats de la défense. Ceux-ci pointent du doigt le non respect des délais de citation, le non transmission à leurs clients les procès verbaux des enquêtes préliminaires et les Rapports d’Experts conformément aux articles 256 et 283 du code de procédure pénale. En plus du report demandé par eux, ils réclament à la Cour d’accorder la mise en liberté provisoire de leurs clients.

C’est ce matin, à partir de 11 heures, l’on devait être fixé sur le sort qui sera réservé au procès de Sanogo et co-accusés. C’est à partir de 11 heures que la Cour va délibérer sur les motifs de renvois évoqués par les avocats de la défense. La défense a d’abord échoué à convaincre la Cour sur la nécessité de renvoyer le procès à la prochaine assise pour absence de tous les témoins. On se rappelle que l’absence de la quasi-totalité des témoins à l’audience du 5 décembre avait amené la Cour à suspendre la séance et à demander au parquet d’amener devant elle de gré ou de force les témoins cités par lui. A l’ouverture des travaux, hier matin, on notait la présence de 14 témoins sur les 23 de la partie civile. L’avocat général a expliqué à la Cour que des témoins qui ont été localisés à Diabaly étaient en route pour rejoindre Sikasso. Mais, malgré cet effort fourni par le parquet en 24 heures, les avocats de la défense, dans leur logique de faire renvoyer le procès, ont évoqué le cas de leurs témoins à eux, qui n’avaient pas répondu présents. Le juge Mahamadou Berthé a rappelé que le mandat d’amener ne concernait que les témoins du parquet. Ces explications n’ont pas suffi à la défense qui estime que même si tel était le cas, les témoins de la partie civile n’étant pas tous présents qu’il faille renvoyer le procès. Cet argument avancé par la défense a contraint la Cour a observé une suspension de quelques trente minutes. A leur retour pour délibérer, le juge Mahamadou Berthé a estimé que l’absence de ces témoins ne pouvait pas être un motif de renvoi du procès, il a ordonné alors la poursuite des travaux.

La justice militaire au lieu de la Cour d’assises

Visiblement les avocats de la défense veulent aller au bout de leur logique : renvoyer le procès à la prochaine assise.

C’est au cours de la présentation de leurs exceptions qu’ils ont montré toute leur détermination à d’abord renvoyer le procès, ensuite à dessaisir la Cour d’assises du dossier et, enfin, à obtenir la liberté provisoire en faveur de leurs clients. Pendant plus de trois heures d’horloge, les avocats de la défense et l’avocat général près la Cour d’appel, Mohamed Maouloud Najim, se sont livrés à des interprétations des articles et textes de droits. Les mêmes articles n’avaient pas les mêmes sens selon qu’on soit avocat de la défense ou du parquet. Les joutes verbales tantôt ironiques, tantôt acerbes n’ont pas manqué par moment d’indisposer la Cour et le public tant les propos s’avéraient par moment difficiles et durs. Tout se beau spectacle (nous étions dans une salle de spectacles) se déroulait sous les regards souvent souriants du juge et des avocats de la partie civile.

Pour les avocats de la défense, le parquet ne s’est pas conformé à l’article 256 du code de procédure pénale qui fixe le délai des citations. Selon eux, le délai de citations était d’un mois pour des détenus ne résidant pas au même endroit que le siège de la Cour d’appel qui est à Bamako. Ils brandissent les citations de leurs clients qui étaient pour la plus part hors de Bamako avec des dates d’émissions tournant autour de 15 jours voir moins. Ce délai de 15 jours n’étant valable que pour ceux qui résident dans le même lieu que le siège de la Cour d’appel.

Dans sa réplique, le parquet dira qu’au moment de dresser les citations, les adresses des détenus étaient à Bamako et qu’il n’avait pas toutes les informations sur les lieux de détention des accusés et que ces informations étaient détenues par la gendarmerie qui avait la charge de les garder. La défense rebondira sur le non respect de l’article 283 du code de la procédure pénale. Cet article dispose, selon elle, que le parquet doit transmettre les procès verbaux des enquêtes préliminaires, les dépositions écrites des témoins à charge et les Rapports d’Experts aux accusés. Pour la défense, le parquet ne s’est pas acquitté de cette tâche « obligatoire ».

Dans sa riposte, l’avocat général fera savoir que les avocats ont eu accès aux dossiers. Et si tant est qu’ils l’ont eu, cela voudrait dire que leurs clients aussi ; car, ces dossiers leur sont remis pour leurs clients et non pour eux-mêmes.

Jamais à cours d’arguments, la défense a eu, par ailleurs, à rebondi sur la qualité de la Cour d’assises de juger Haya et ses hommes. Selon elle, la Cour doit s’avouer incompétente et laisser les soins au tribunal militaire qui est « opérationnel » pour juger d’une affaire « militaire ».   L’occasion a été saisie aussi par Me Alassane Sangaré, avocat de Yamoussa Camara, pour demander que son client qui était Ministre de la République au moment des faits soit jugé par la Haute Cour de Justice. Les ripostes des avocats de la partie civile sur la compétence de la Cour à connaitre de cette affaire ne feront pas dévier d’un iota la défense. Et, comme pour porter le coup d’estocade au parquet qu’elle a traité de tous les noms, la défense demande, au finish, une remise en liberté provisoire de l’ensemble des accusés pour expiration de délai de détention provisoire. Selon elle, les mandats n’ayant pas été renouvelés il faut remettre en liberté provisoire leurs clients en attendant la tenue du procès. Toute chose que le parquet botte en touche avec des arguments à l’appui.

Face à ces joutes de plus en plus virulentes, la Cour a suspendu l’audience pour délibérer sur les exceptions soulevées par la défense. La reprise est prévue aujourd’hui, jeudi, à partir de 11 heures. Nous saurons, enfin, si ce procès aura lieu ou s’il sera purement et simplement reporté comme le souhaitent les avocats de la défense.

Mohamed Dagnoko, Envoyé spécial à Sikasso : LE COMBAT

COULIBALY

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