Après sa première tentative de révision constitutionnelle échouée face aux contestations par notamment la Plateforme « Antè A bana », un nouveau Comité d’Experts a été constitué, le jeudi 17 janvier dernier, par le Premier Ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, sur instruction du Président Ibrahim Boubacar Kéïta, pour une énième tentative «consensuelle». Le scénario de mi-2017 se reproduira-t-il ?
«J’ai décidé en toute responsabilité de surseoir à l’organisation d’un référendum sur la Révision constitutionnelle». Pour la petite histoire, c’est en ces termes laconiquement livrés, le soir du vendredi 18 août 2017, que le Seigneur de Sebenikoro Ibrahim Boubacar Kéïta avait fait machine arrière. C’est relatif à sa proposition de procéder à la relecture de la Constitution du 25 février 1992 qui faisait l’objet d’un grand désaccord au sein de l’opinion nationale. Cette décision avait été prise, selon lui, afin de préserver le climat social. «Pour le Mali, aucun sacrifice n’est de trop», conclura-t-il.
Mais, c’est désormais officiel et clair comme l’eau des roches, qu’IBK relance, derechef, un nouveau projet de Révision constitutionnelle. «Il est indispensable de procéder à une révision constitutionnelle proposant juste des aménagements à partir de notre vécu institutionnel, de nos fragilités, de nos silences, de nos imprécisions». Il a fait cette déclaration lors de son message à la Nation à l’occasion du Nouvel An 2019. Le Président IBK a ainsi instruit son Gouvernement à la relance dudit projet qui avait fait l’objet de vives contestations.
C’est dans cette perspective qu’un comité d’Experts de 12 membres a été constitué depuis le 14 janvier dernier à travers le Décret n°0016/PM-RM du 14 janvier 2019 avec comme mission d’engager le processus de relecture de la Loi fondamentale en vigueur depuis le 25 février 1992. À leur tête l’ancien Ministre non moins Professeur d’Enseignement Supérieur Makan Moussa Sissoko avec à ses côtés des figures connues de l’administration nationale comme l’ancien Président de la Cour Suprême, Mme Diallo Kaïta Kayentao; l’Avocat Mohamed Diawara, les Administrateurs civils Séni Touré et Ibrahim samba Touré ; les Professeurs de Droit public Eli Diarra, Abdoulaye Coulibaly, Mohamed Traoré, Bakary Camara, etc. Bref, c’est cette équipe qui a désormais la lourde tâche d’élaborer un texte consensuel et adapté aux exigences nationales au plan politique, social, institutionnel, économique, culturel afin d’éviter de nouvelles tensions qui ont cautionné l’échec de la première tentative.
Bien salutaire, vu que 1992 n’est pas 2019, les temps ont changé et les recommandations au plan national qu’international se multiplient de plus en plus. Bref, cette nouvelle aventure, rarement réussie en Afrique, doit remédier les insuffisances constatées, mais ne doit être le revers de nos attentes avec la création de nouveaux domaines budgétivores inopportuns comme le Sénat et autres.
Le Chef dudit Comité d’Experts, Pr Makan Moussa Sissoko, au sortir de leur audience, le vendredi dernier, avec le PM Soumeylou Boubèye Maïga pour recevoir leur lettre de mission, a déclaré sur les écrans de la chaîne nationale OTRM, que tous les efforts seront déployés afin que le pari puisse être gagné à travers la prise en charge des idées de toutes les couches sociales et politiques. «Nous allons rencontrer toutes les parties concernées; c’est-à-dire l’ensemble de la classe politique, l’ensemble de la société civile et toutes les institutions de la République. Toute personne susceptible d’apporter sa contribution sera aussi accueillie pour l’écouter… Nous allons avoir une écoute attentive et très large», a-t-il rassuré.
Des inquiétudes et interrogations persistent toujours quant à la volonté du Chef d’orchestre, l’actuel Premier Ministre Soumeylou Boubèye Maïga de parvenir à réconcilier l’arène politique dont lui-même semble le principal diviseur et à potasser un consensus possible au sein de la société civile. D’ores et déjà, les partis politiques et les associations de la société civile du FSD, dans un communiqué rendu public, le weekend dernier, ont jugé le Comité d’Experts «d’unilatéral» au motif qu’il n’a pas été ouvert.
Faut-il rappeler que la plupart des contestateurs se focalisaient sur l’Article 118 de la Constitution en vigueur qui indique qu’«aucune procédure de révision constitutionnelle ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire national».
Alors, l’environnement sécuritaire actuel a-t-il évolué par rapport à ce qu’il était en 2017 ?
L’Article 118 n’aura-t-il pas d’effets sur le processus ?
Le processus sera-t-il consensuel ?
Affaire à suivre… !
Seydou Konaté : LE COMBAT