La révision de la loi fondamentale de 1992 est désormais consommée au niveau de l’Assemblée Nationale. Adopté par 111 voix contre 30, tard dans la nuit de vendredi à samedi, ce projet de nouvelle constitution est passé au grand dam d’une opposition qui n’a pu lui tenir la dragée haute avec ses griefs pourtant bien fondés. Les Députés de la majorité présidentielle font ainsi la preuve d’un passage en force en se montrant très peu convainquant sur le principal amendement brandi par l’opposition: celui de la violation de l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution qui interdit toute révision quand l’intégrité du territoire national est en cause rendant impossible la tenue du référendum dans un mois sur toute l’étendue du territoire national.
Les débats qui ont débouché sur l’adoption de cette révision constitutionnelle survenue autour des 3Heures du matin de ce samedi ont été, certes, houleux mais ils n’ont pas donné gain de cause à l’opposition parlementaire. Celle-ci a échoué sans pour autant démériter de par la solidité et de l’objectivité de ses arguments.
Le renforcement inopportun des pouvoirs du Président de la République au détriment du Gouvernement, l’affaiblissement des pouvoirs du parlement en matière de contrôle sur la détermination de la politique de la nation nonobstant la création d’une seconde chambre parlementaire, le Sénat, le mode diffèrent de désignation des Sénateurs, par élections et par nomination du Président de la République, la non sanction du Président de la République en cas de manquements graves à ses devoirs; tels sont, entre autres, les griefs objets des amendements par lesquels l’opposition a voulu faire blocage à ce projet de loi introduit à l’AN depuis le mois de mars.
Si l’on s’en tient à ces mobiles, l’échec de ses tenants ne doit pas être une surprise en ce sens qu’il s’agit là des amendements plus ou moins facilement réfutables. Car, d’une part, l’instauration d’un Sénat et, donc, la création d’une Assemblée nationale bicamérale, sont prévues par l’Accord de Paix. D’autre part, l’application concrète d’une Constitution est définie par des lois qui pourraient, de ce fait, encadrer la désignation du tiers de sénateurs à nommer par le Chef de l’Etat, la principale des nouveautés contre lesquelles l’URD et l’ADP Maliba-SADI s’insurgent en bloc.
Cependant, force est de reconnaître à cette opposition le mérite d’avoir sorti la grande artillerie.
En effet, la violation de l’alinéa 3 de l’article 118 de la Constitution qui interdit toute révision quand l’intégrité du territoire est en cause rendant impossible la tenue du référendum dans un mois sur toute l’étendue du territoire national, devrait servir de blocus irréfutable à l’adoption de ce nouveau texte. Pour preuve, ce n’est un secret pour personne que l’intégrité de l’Etat malien est aujourd’hui fortement mise en cause quand on sait que le véritable Statut actuel de la Région de Kidal relève d’un secret de polichinelle. Les dernières échéances électorales n’ayant pas pu avoir droit de cité dans plusieurs circonscriptions de ce bled où le contrôle de l’Etat fait lamentablement défaut, les frondeurs de ce projet de texte devraient, en principe, prendre le dessus sur la majorité. Mais, hélas ! Ils ignoraient peut-être qu’ils avaient été déjà mis devant ce fait accompli lorsque la date du référendum, fixée au 9 juillet 2017, avait été annoncée bien avant l’adoption du projet. Cela va sans dire que c’est la politique de l’approximation qui continue dans notre pays où les dirigeants passent par-dessus des obstacles de taille pour foncer tête basse dans leurs visions politiques. Ce, même si l’urgence n’est plus de mise comme ce fut le cas en 2013 où le Mali se devait de sauver les meubles contre vents et marrées avec des présidentielles tenues dans des conditions non exemptes de critiques. Conclusion: les failles d’hier n’aguerrissent pas les politiques au pouvoir dans notre pays pour de meilleurs sauts. Voilà pourquoi même le bouclage du processus d’élaboration de la charte pour la paix censée impacter sur la loi fondamentale, autre argument avancé par l’opposition à l’AN, n’a pu faire plier les Députés de la majorité présidentielle. Ils sont passés en force haut les mains, n’en déplaise aux ‘’canards boiteux’’ et peu importent les conséquences fâcheuses que le nouveau texte pourrait entraîner.
Katito WADADA : LE COMBAT