jeudi 28 mars 2024
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ME Abdoulaye Garba Tapo, Docteur en droit, avocat et universitaire, sort de son silence et se prononce sur la réforme constitutionnelle, la sulfureuse centrale d’achat et la copropriété immobilière : « Elles coulent, elles coulent, les réformettes ! »

Sous nos cieux nous aimons véritablement réformer. Et ce qui est paradoxal, c’est que cette boulimie n’apparait que lorsque nous sommes confrontés à des difficultés, réelles ou sérieuses. Face à tout ce qui nous dépasse, la tendance est d’incriminer les textes, et de penser qu’une solution miraculeuse proviendrait d’une réforme ou révision. On se soucie moins de savoir si les raisons de ces dysfonctionnements ne proviendraient pas plutôt de la qualité des hommes chargés de les mettre en œuvre que d’un manque de perfection de ces dispositions.
Les juristes de ma génération, dois-je rappeler que j’étais depuis octobre 1980 assistant à la Faculté de Droit de l’Université Cheick Anta DIOP de Dakar, élevés dans le culte et le respect, scrupuleux des textes dans lesquels nous sommes habitués, quelle que soit leur ancienneté, à trouver des réponses souvent pertinentes aux questions les plus brulantes qui se posent à nous, sommes effarés et souvent consternés par la facilité avec laquelle nous voyons les gouvernants et autres praticiens vouloir les remettre en cause souvent pour un rien. Ce qui est encore effarant, c’est la précipitation et l’amateurisme qui entourent ces réformes. Souvent, le népotisme aidant, ces réformes sont confiées, non pas à de véritables spécialistes et experts confirmés, mais à des mains complaisantes et largement acquises à se conformer, comme de braves soldats, à la feuille de route qui leur sera soumise, pourvu qu’elles soient assurées de confortables perdiem et promesses de promotion. Nous assistons à l’éclosion de véritables « Géo Trouve tout » prêts à accepter de prendre en charge n’importe quelle mission, même celle qui nous conduirait vers la planète Mars, alors qu’ils ne sont pas outillés pour concevoir de simples cerfs-volants. Chez nous, chacun est spécialiste de tout. Et même la peur du ridicule ne semble pas être un frein à la boulimie et à la convoitise de nos alchimistes réformateurs, toujours prêts à répondre présents et à se jeter comme des affamés sur toute réflexion qui pointe, peu importe qu’elle soit ou pas du domaine de leurs compétences.
C’est ainsi que de nos jours, notamment depuis la chute du Président ATT, et même avant son départ, nous avons assisté à des tentatives avortées de révision de la Constitution et à des réformettes de circonstances sans lendemains. Sous la junte, on a eu droit à cet ovni, le Haut Conseil d’Etat, une trouvaille destinée à endormir le Général Amadou Aya qui a eu la sagesse de décliner ce redoutable et absurde honneur, tout comme le projet de constitution que nos constitutionnalistes amateurs lui proposaient. Cette frénésie est toujours d’actualité dans la mesure où une véritable course contre la montre semble s’engager pour nous doter d’une constitution flambant neuve. Et cela, à un moment où on se doute bien de la faisabilité ou même de l’opportunité d’une si grave décision en raison de la division du pays et de la soumission d’une bonne partie de notre territoire à la mainmise de forces obscures. Il parait impossible de consulter les populations concernées et cela à une encablure des élections Présidentielles. Ce qui n’est pas le cadre idéal pour donner lieu à un débat fécond et porteur. Dans cette même foulée, on nous annonce triomphalement, pour juguler la corruption dans l’attribution et la gestion des marchés publics, la création de la sulfureuse centrale d’achat. Un mammouth qui risquerait d’être incontrôlable là où on n’est jamais parvenu à maitriser les simples DAF dont tout le monde sait que les dysfonctionnements qui y ont cours sont plutôt liés aux mauvais choix des hommes qui les animent et non pas à des faiblesses structurelles. Toujours dans cette veine réformatrice, on nous annonce la volonté de faire gouter à nos chers compatriotes les délices de la copropriété immobilière. Une solution miracle qui résoudrait les problèmes du foncier et permettraient au plus grand nombre de bénéficier d’un logement. La question qui se pose, c’est eu égard à nos courtes expériences en la matière, est de savoir comment ce mode de vie sera perçu par nos populations. La plupart échaudées par la difficile cohabitation dans les cours communes et aspirant à une vie familiale plus intime. On semble oublier que la copropriété est génératrice de frais, nomination d’un syndic, répartition des charges communes, et donc source probable de difficultés et conflits probables entre ces voisinages forcés.
Le comble, c’est que la plupart de ces mesures annoncées disparaissent en catimini. Les géniaux promoteurs semblant, après de bruyantes promotions et déclarations, parfois soudainement frappés d’amnésie au point de ne plus se souvenir de leurs trouvailles. On peut en dénombrer des tas qui n’ont jamais vu le jour, même s’ils ont pu faire l’affaire de chercheurs douteux qui ne se sentaient nullement astreints à une obligation de résultat et dont ils ont pu garnir le portefeuille.
Autant de raisons qui nourrissent notre défiance à l’égard de cette boulimie de réforme, et à emboiter le pas à Gustave le Bon selon qui : « Il est impossible de prévoir les incidences des mesures les plus sages. C’est pourquoi la manie des grandes reformes est souvent si dangereuse pour le peuple. » A bon entendeur !
Me Tapo Abdoulaye Garba
Docteur en Droit, Avocat et universitaire.

Djibril Coulibaly

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