samedi 23 novembre 2024
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Marche patriotique pour le changement réprimée : Le régime dévoile sa face hideuse

La marche de l’opposition et de la société civile pour des élections libres et transparentes a été violemment réprimée par les forces de l’ordre faisant de nombreux blessés dont des Responsables politiques et des candidats à la présidentielle. 

Samedi dernier, la ville de Bamako était une forteresse imprenable. Les forces de l’ordre, renforcées par quelques forces de défense, étaient déployées un peu partout à travers la ville. Non, il n’y avait pas de menaces d’attaques terroristes imminentes. Il s’agissait plutôt de faire échec à une marche pacifique de l’opposition et de la société civile qui avait pour but de réclamer des  élections libres et transparentes et dénoncer la main mise du régime sur la chaîne de télévision nationale.  Ils ne pourront jamais le faire. Très tôt le matin, l’itinéraire de la marche, Place de la Liberté à la Bourse du Travail, au centre-ville de Bamako, a été pris d’assaut par les forces de l’ordre. Une cinquantaine d’éléments étaient déployés au niveau du monument de l’Indépendance et devant l’Institut français. En faisant le chemin dans le sens inverse, passant, ils sont postés devant l’Hôtel «Niuma Belleza», dans les rues de Bamako «Malitel Da» et le gros du lot posté à la Place de Liberté. Censé être le lieu de regroupement pour enclencher la marche, les manifestants n’y auront jamais accès. Arrivés avant les manifestants et étant les seuls autorisés à squatter les lieux, les quelques journalistes qui font le pied de grue finissent par s’entendre dire de faire attention ; car, les «Gars sont surexcités». Cela vaut son pesant d’avertissement. Ils ne le comprendront que plus tard.  La Place de la Liberté bouclée, les manifestants mettront en exécution le «Plan B» qui avait été concocté par la Commission sécurité. Ce plan consistait à disperser les forces de l’ordre en organisant plus de points de regroupements selon les communes. Ainsi, les Habitants des Communes I et II devaient se regrouper au niveau du «Railda» ; ceux des Communes III et IV au niveau du Ciné Magic ex Babemba; la Place de l’Indépendance serait le point de ralliement des habitants des Communes V et VI et, enfin, les Leaders politiques au siège du parti ADP-Maliba. Si cette première instruction a été suivie et réussie, la seconde, par contre, qui consistait pour chaque groupe de converger vers la Place de la Liberté afin d’entamer la marche pour terminer à la Bourse du Travail a été mis en échec par la détermination des forces de l’ordre. Très tôt, le matin, ils ont annoncé les couleurs. Dr Etienne Fakaba Sissoko, venu inspecter les lieux au niveau de la Bourse du Travail, sera pris à parti. Roué de coups de matraque, il s’écroule et perd connaissance. Il ne se réveillera qu’à l’Hôpital Gabriel Touré.  Selon le Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, l’Artiste musicien, Diallo Telli, a été victime d’une fracture à la jambe sous les coups des mêmes agents de la police nationale.

Le siège de « ADP- Maliba »

Si ce parti avait une reconnaissance nationale, il a une autre internationale, depuis cette journée du samedi, tant les caméras des plus grandes chaînes étaient braquées sur lui. C’est au sein de son siège qui, comme prévu, les Leaders politiques se sont retrouvés. Il est 8 heures du matin, Amadou Thiam, Président de ADP- Maliba; Tiébilé Dramé, Président du PARENA et son Secrétaire Général, Djiguiba Kéïta dit PPR (NPLR : Prêt pour la Révolution) sont présents. Tour à tour, Mohamed Aly Bathily, Hamadoun Dicko du PSP, L’Ambassadeur Souleymane Koné des FARE, Mamadou Igor Diarra, Habib Dembélé dit Guimba National, Djibril Tangara et plusieurs autres leaders feront leur arrivée sous les ovations des manifestants gonflés à bloc et prêts à braver le dispositif policier.

Cette détermination a certainement été perçue au-delà des murs de l’ADP-Maliba. À peine ont-ils franchi les portes des locaux du parti que les manifestants font face à des policiers stationnés devant le Haut Conseil des Collectivités. Les échanges sont tendus. Le premier gaz lacrymogène vient de derrière. Un deuxième et un troisième. C’est le sauve-qui-peut. Les rétroviseurs des voitures garées sont arrachés dans la débandade. Des vitres cassées par les projectiles. La porte semble de plus éloignée, le mur est un raccourci. Il est, donc, escaladé par hommes et femmes afin de se mettre à l’abri. Dans la cour du parti ADP-Maliba, beaucoup se sont déjà effondrés. Au moyen de beaucoup de litres d’eau, on tente de les tenir éveillés. Les robinets sont ouverts à fond. L’on y fonce pour se rincer le visage. Le hurlement de l’ambulance déchire l’air. Les premiers blessés sont transportés à l’hôpital Gabriel Touré. L’on s’ingénie à trouver des moyens pour atténuer les effets des gaz lacrymogènes. «Ils empêchent le Peuple de jouir de ses droits. Ce n’est pas normal.  On a le droit de manifester. Ce n’est pas une marche de l’opposition, mais des Maliens. Les femmes, les handicapés, tout le monde sont là pour jouir d’un acquis de Mars 91» dit Furax, Fama Diawara qui vient d’inhaler une forte dose de gaz.

C’est dans cette situation confuse que le Chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, fait son entrée avec son épouse. Les yeux rougis, l’on devine aisément qu’ils sont passés par la case gaz lacrymogène.

Il rejoint les autres leaders regroupés à l’étage. Avec des slogans hostiles au régime, un groupe se dirige vers le domicile du Premier Ministre, Soumeylou Boubèye, qui serait, selon eux, la tête pensante de cette répression. Leur objectif, le déloger. Mis au parfum des desseins de ce groupe, le Premier Ministre est vite exfiltré avec au passage des tirs de sommations à balles réelles, dira-t-on pour lui frayer un chemin. Des douilles qui seront récupérées par les manifestants ensuite et largement publiées sur les réseaux sociaux.  Dans une dernière tentative, d’amorcer la marche, les leaders sont repoussés avec les manifestants. Voulant apporter son secours à un blessé, Mamadou Igor Diarra sera à son tour blessé par la police.

Cette scène va durer plus de trois heures. Au même moment des regroupements dans le centre-ville faisaient aussi face à la furia des forces de l’ordre avec leurs lots de blessés.

Marche légale ou pas ?

Cette marche a été réprimée parce que le Gouvernement l’avait interdite. Dans un communiqué lu sur les antennes de l’ORTM, le Gouverneur de Bamako interdisait la tenue de cette marche «pacifique» à cause de l’État d’urgence toujours en vigueur dans le pays. Pour légitimer leur marche, l’opposition et la société civile ont fait appel à la loi N°05-047/ du 18 août 2005 portant charte des partis politiques adoptée en 2005. Cette loi en son Article 17 stipule «les marches ou meetings de protestation ou de soutien des partis politiques, ne sont pas soumis à une autorisation préalable. Cependant, les organisateurs sont tenus d’informer les autorités compétentes au moins 48 heures avant la date de la manifestation». C’est ce texte de loi voté sous l’actuel Président de la République, alors Président de l’Assemblée Nationale, que Soumaïla Cissé brandit: «Nous avons le droit de marcher, c’est dans les lois du pays. Nous devons juste faire une déclaration préalable. Cette loi est votée quand le Président de la République était Président de l’Assemblée Nationale ; il doit se rappeler de ça, ou bien qu’est-ce qu’il a pour oublier de sitôt ?».

« Il y a quelques mois, nous avons rassemblé des centaines de milliers de personnes, pas une ampoule cassée, nous sommes sérieux et responsables. Cette mesure d’interdiction est dans le but que nous n’allions pas aux élections», pense Tiébilé Dramé, Président du PARENA.

Dans un communiqué datant du même jour, le Ministère de la Sécurité et de la Protection Civile a expliqué que le fort déploiement de policiers était pour «préserver l’ordre public, afin de permettre aux autres concitoyens de vaquer à leurs occupations … ». La réponse la plus cinglante viendra non de l’opposition, mais de l’ancien Ministre de la Justice, Mamdou Ismaïla Konaté qui, sur son tweeter, publie: «Un maintien d’ordre intelligent est mené de manière telle que l’anticipation ne soit pas source de trouble à l’ordre public. Une marche, même interdite n’est pas forcement un trouble à l’ordre public. Les charges policières exprimées de façon violente constituent une faute grave». Plus qu’une réponse, cette contre-attaque de l’ancien Ministre de la Justice et Avocat ressemble à une plaidoirie dans un procès intenté contre l’État par les manifestants du samedi. Mais, pour l’instant, nous n’en sommes pas là.

L’opposition, dans un communiqué,  a annoncé une nouvelle marche prévue, cette fois-ci, pour le vendredi 8 juin. 24 Heures plus tard, le Ministère de l’Administration Territoriale a aussi choisi cette date pour commencer la distribution des nouvelles cartes d’électeurs.

Mohamed Sangoulé DAGNOKO : LE COMBAT

Rédaction

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